Anges déchus

Il y a des romans qui ont une ambiance. Et il y a des romans qui vous rappellent l'ambiance d'un autre roman. J'ai eu l'occasion de parler de Joan D. Vinge dont l'une des séries, celle de Cat le Psion, présente une ambiance caractéristique : le héros se trouve perdu mais en résistance dans les méandres d'un système broyeur d'humanité. Ses actes, au fil de l'intrigue, ne lui permettront pas de "tout" changer mais de faire, à son niveau très humain, une certaine différence. Ce genre d'ambiance ne correspond ni à l'optimisme parfois dégoulinant de certains auteurs de l'Âge d'Or de la SF, ni au pessimisme souvent désespérant de certains qui sont venus deux bombardements nucléaires et un équilibre de la terreur plus tard : c'est au contraire une ambiance réaliste qui, si elle est grave, ne s'interdit pas certaines formes d'espoir.

Résumé :
Dans un passé reculé, une civilisation extraterrestre a colonisé la planète Mars avant de disparaître pour des raisons inconnues. L'espèce humaine découvre les reliques de cette colonisation lors de son exploration du système solaire. La science des "Martiens" est pour la plus grande part incompréhensible mais leurs cartes stellaires, quant à elles, sont lisibles, permettant d'envoyer des vaisseaux de colonisation vers les mondes habitables les plus proches. Il est même possible d'échanger des données à une vitesse supérieure à celle de la lumière, mais en revanche, le voyage spatial des individus et des objets reste très lent. Il existe cependant un processus, l'enveloppement, qui permet de prélever la conscience d'un individu sous forme numérisée puis de l'expédier à des années-lumière de distance pour l'installer dans une "enveloppe" vide : un corps humain auquel on a retiré sa conscience, ou bien même un corps synthétique construit en cuve. La technologie de la pile corticale garantit ainsi l'intégrité des souvenirs de l'individu : d'une certaine façon, la mort est désormais un état transitoire. Ainsi, le Protectorat des Nations Unies permet-il de sauvegarder une forme d'unité entre les trente colonies humaines. Et pour les cas les plus graves, lorsque de graves désordres se produisent, il existe le Corps Diplomatique, des êtres humains ayant subi un entraînement si épouvantable aussi bien dans le monde virtuel que dans le monde réel qu'ils sont redoutés par n'importe quel chef d'Etat sécessionniste, mercenaire ou gangster.

Takeshi Kovacs est l'un des rares "Diplos" qui ait quitté le service. Il a déjà été tué un certain nombre de fois puis réenveloppé sur différents mondes. Ses compétences vont de la résolution d'énigmes policières jusqu'aux combats de masse en passant par l'assassinat ciblé. Il se trouve en effet qu'à force d'égoïsme, de fanatisme religieux et de militarisme, en un mot, de capitalisme, le Protectorat des Nations Unies s'est changé en Chicago à la puissance mille, avec toujours une petite "guerre sale" quelque part. Autant dire que Takeshi Kovacs ne chôme pas. Cette fois-ci, un contrat l'engage sur Sanction IV aux côtés d'une armée de mercenaires chargée d'éliminer une rébellion armée qui menace le pouvoir du gouvernement planétaire. Blessé au combat, il fait la connaissance lors de sa convalescence d'un archéologue prétendant avoir découvert un artefact martien promettant de changer à tout jamais le Protectorat : un vaisseau spatial abandonné, capable de dépasser la vitesse de la lumière. Devant la perspective de mettre la main sur ce trésor inestimable, Kovacs accepte d'aider l'équipe d'archéologues. Ils auront besoin du soutien logistique d'une des compagnies commerciales basée sur Sanction IV. Mais la guerre ne risque-t-elle pas de perturber leurs travaux secrets ? Et comment faire confiance à qui que ce soit lorsqu'une telle fortune est en question ?
Anges déchus est le deuxième tome de la série Carbone modifié. Le personnage de Takeshi Kovacs a donc déjà une psychologie bien établie. On en apprend un peu plus sur son passé, en particulier quant à ses liens avec Quell, la révolutionnaire mythique qui, depuis la planète Harlan, a inspiré tant de révoltes à travers tout le Protectorat et c'est donc un ouvrage intéressant pour ceux que le personnage a séduit dans le premier tome de la série.

En revanche, l'histoire est moins passionnante que dans Carbone modifié. En réalité, après avoir refermé le livre, on se demande un peu ce que l'on doit en retenir... Kovacs est devenu riche ? La belle affaire. On se doute que cela ne durera pas. Et son conditionnement de "Diplo" vient le mettre à l'abri d'un certain nombre de problèmes psychologiques en mesure de venir à bout d'à peu près n'importe qui. Donc, Kovacs n'évolue pas. Même lorsqu'il est sur le point de mourir, on se doute qu'il va trouver un moyen de s'en tirer, ce qui laisse à craindre qu'il n'évolue vers la catégorie de héros "warrior invincible-à l'humour caustique-pseudo glamour-tête à claques". Dans le même temps, les informations sur la disparition des "Martiens" ne sont distillées qu'à dose infinitésimale. Ce n'est pas mal en soi mais... Compte-tenu de la déception représentée par le reste de l'intrigue, cela aurait permis d'équilibrer l'impression globale un peu trop insuffisante laissée par ce roman.

Anges déchus a donc représenté une petite déception pour moi. En conséquence de quoi je vais rétrograder la suite, Furies déchaînées, dans ma pile de livres. On verra plus tard ce que vaut ce troisième opus.

Commentaires

Val a dit…
Ah ça faisait bien longtemps que je n'avais pas entendu parler de Cat le Psion :-)

Carbone modifié est pas mal dans le genre intrusion de la SF dans le monde du polar (ou du polar dans la SF). Je ne me précipiterai pas de suite sur Anges déchus alors.
Anudar a dit…
Carbone modifié, c'est un bon livre. J'ai envie de dire que je l'ai dévoré. Cela n'a pas été le cas de Anges déchus. Il me semble que ça en dit déjà long.

Serais-tu vingéenne :p ?
Tigger Lilly a dit…
Carbone modifié dans la pàl et prévu à la lecture en mai. Je ne savais pas qu'il faisait partie d'une série par contre.
Anudar a dit…
Il paraîtrait même qu'il soit sur le point d'être adapté au cinéma...