L'Enjomineur 1793

J'ai poursuivi ma lecture de la saga L'Enjomineur de Pierre Bordage (voir ma chronique du premier tome)...
Résumé :
A Paris, l'inimaginable est sur le point de se produire : la Convention va voter la décapitation de Louis Capet. L'ancien Louis XVI n'est en effet plus rien dans une France qui est désormais une république et non plus un royaume. Le péril extérieur semble écarté pour un temps mais le régicide promet d'exciter à nouveau les factions. Les Girondins, qui détiennent encore le pouvoir, mesurent le temps qui les sépare de l'échafaud. Pour Cornuaud, les temps sont propices à la satisfaction des ordres sanglants de l'enjomineuse qui le possède, ordres auxquels il se plie avec une grâce de moins en moins mauvaise. Emile, de son côté, a été séparé de Perrette, la femme qu'il aime : cette séparation l'a poussé à commettre une erreur et à se jeter du cheval-mallet qui l'emportait vers son destin. Réduit à l'état de clochard, vivant de la charité publique, il ne sait pas encore que la dague reçue de la sirène Mélusine va le guider malgré tout dans une ville de Paris de plus en plus dangereuse...
Autant le premier volume de cette histoire m'avait paru lent à démarrer, autant celui-ci, au contraire, m'a fait éprouver le besoin d'aller au bout de l'histoire. A tel point que, prévoyant de le finir hier, j'ai profité d'un passage à proximité de Scylla pour aller demander à son tenancier de bien vouloir me vendre le dernier tome de la série. Une librairie de garde, c'est quand même bien utile... Faut-il voir, à travers cette impression de lenteur au démarrage puis d'adhésion à cet univers, un effet "fantasy" que j'ai l'impression d'avoir déjà éprouvé sans pour autant l'avoir (encore) décrit sur mon blog ? C'est bien possible. A l'occasion, j'y reviendrai.

Bordage, à travers cette chronique d'une année terrible, approfondit son portrait d'une France plongée dans le tumulte révolutionnaire - et en particulier celui d'une ville de Paris où la Terreur s'installe. Je m'attendais à lire au moins une évocation de la Bataille de Valmy dans cet épisode mais il n'en est rien. Le péril extérieur, dans cette histoire, est encore et toujours extérieur... à l'intrigue, et ce qui intéresse l'auteur c'est autre chose. La secte de Mithra dont l'influence néfaste avait déjà été perçue dans le premier volet de cette histoire, joue maintenant dans l'ombre un rôle prépondérant et la Révolution toute entière ne semble plus être que le fruit de ses manipulations : c'est, aux dires des sbires du "Père des Pères" comme de ceux du "peuple invisible", le sort de l'humanité qui est en train de se jouer. Pour les adorateurs de Mithra, l'avenir est au Soleil et non plus à la Lune, un thème qui se dessinait déjà dans Atlantis, les Fils du Rayon d'Or, une préquelle écrite par le même Bordage dans l'univers du jeu vidéo Atlantis, Secrets d'un Monde oublié, préquelle où l'auteur explorait - déjà ! - les relations entre une espèce humaine en plein éveil et des entités d'ordre supérieur. Mais pour les sirènes et lutins, il convient de sauver l'espèce humaine de ses démons - sans quoi leurs propres existences, à leur tour, seraient remises en cause... En filigrane de ce livre on retrouve donc l'un des thèmes favoris de Bordage, celui de la souffrance infligée aux figures féminines - les mères, les amantes, les sirènes et même les prophétesses (voir les déesses, la Lune en étant alors l'archétype). Les hommes, face à elles, ne peuvent qu'être amants ou bourreaux - mais dans les deux cas coupables puisqu'ils n'en font qu'à leurs têtes.

Cette symbolique dualiste (homme-Soleil / femme-Lune) apparaît sans doute fort peu originale et je ne doute pas qu'elle doit agacer pas mal de lecteurs. En matière d'inhumanité, la femme est l'égale de l'homme. Néanmoins, je trouve très intéressant de voir apparaître dans l'oeuvre de Bordage de véritables thèmes transversaux. A ce titre, comment ne pas sentir une parenté entre la dague de Mélusine et le cakra de la Fraternité du Panca ?  Les deux armes deviennent brûlantes en situation de danger, leur porteur est un être hors du commun, et elles peuvent infliger une mort incompréhensible et inévitable à ceux qui en sont touchés. A de telles ressemblances, on perçoit la présence sous-jacente d'un univers personnel sur lequel l'auteur possède une vision de démiurge. L'Enjomineur me paraît donc être, pour Bordage, un véritable creuset à thèmes - et il n'y a rien d'étonnant, de ce fait, à ce que ce deuxième tome se termine sur un suspense intenable.

J'espère que le tome suivant tiendra ses promesses : dans la mesure où il a remporté un prix, je pense que ça doit être le cas. Je ne manquerai pas de vous en dire plus...

Commentaires

Efelle a dit…
Je viens d'aller survoler mes chroniques et on impression d'alors est meilleure que le souvenir que j'en garde. Je crois que j'avais été assez dit par le dénouement de la trame autour d'Emile.
Anudar a dit…
J'ai commencé le troisième tome, je pense pouvoir en livrer la chronique dans quelques jours. Je ferai des liens à ce moment-là.