Le Mystère de la Chambre jaune

Celui-là, je ne sais plus pour quelle raison j'ai décidé de le faire entrer dans ma PàL en Décembre dernier alors que je connais ce titre de réputation depuis des années. Je l'ai en fin de compte attaqué en fin de semaine dernière. Rentrée oblige, il ne m'a pas été possible d'avancer vite la lecture de ce livre assez court. Avant de commencer cette chronique, j'aimerais saluer néanmoins mes comparses Efelle et Stellaire qui m'ont fait la blague du pseudo-spoiler en me faisant croire quelques instants que le tueur, ben, c'était un certain Emile...
Résumé :
Mademoiselle Stangerson, la fille du célèbre physicien, a réchappé de peu à un assassinat d'une rare sauvagerie. Claquemurée dans la "chambre jaune" qui se trouve dans le pavillon où son père conduit ses expériences, elle a été agressée par un assassin : or, lorsque son père et l'assistant de celui-ci parviennent à défoncer la porte, c'est pour découvrir que la jeune femme est seule dans la chambre jaune ! Comment l'assassin a-t-il pu s'enfuir ? Y aurait-il quelque chose de surnaturel dans le "mystère de la chambre jaune" ? La police dépêche le très brillant policier, Frédéric Larsan, pour identifier l'assassin. De son côté, Joseph Rouletabille, reporter à L'Epoque, va lui aussi mener enquête... Parviendra-t-il à sauver un suspect que tout accuse ?
Paru en feuilleton, ce livre frappe tout d'abord par ses chapitres assez courts dont chacun, ou presque, se termine sur un cliffhanger. Il s'agissait, je pense, de captiver l'attention du public jusqu'à la prochaine parution. La comparaison avec d'autres enquêtes imaginaires s'impose et, au passage, les noms d'Edgar Allan Poe et Conan Doyle sont cités au fil du texte par certains personnages, augmentant de la sorte l'ancrage dans le réel de l'histoire. Malgré les apparences, le mystère éponyme n'a en effet rien de surnaturel, et ni les étranges travaux du professeur Stangerson (la dissociation de la matière ?) ni l'hypnose évoquée à un moment de l'histoire n'ont de rôle à jouer dans la résolution de l'intrigue. Rouletabille est en réalité un personnage rationaliste qui, même s'il semble travailler un peu à l'intuition, finit toujours par trouver l'explication la plus simple - et souvent, la meilleure.

Parlons un peu de ce personnage de Rouletabille, qui par moments fait très volontiers penser à un autre célèbre reporter de fiction : rationaliste comme on vient de le dire, très observateur, cultivé, globe-trotteur avant l'heure, il n'est cependant pas le narrateur de cette histoire. Tout comme le docteur Watson est souvent le narrateur des aventures de Sherlock Holmes, c'est un autre personnage, ami de Rouletabille, qui sert ici de guide au lecteur. Assez maltraité (en paroles) par le véritable héros, il semble n'avoir guère d'opinion fondée quant à l'affaire qui préoccupe tout le monde... et ne parvient par ailleurs guère à comprendre la façon de penser de Rouletabille. Celui-ci conserve en fait tout son mystère... même si l'on comprend qu'une suite s'annonce et que certains éléments de se biographie pourraient y apparaître.

Le Mystère de la Chambre jaune apparaît remarquable avant tout parce qu'il s'inscrit dans une époque, celle de la Troisième République âgée de trente-sept ans lors de la parution du livre. Si les tumultes politiques de l'époque ne sont guère évoqués dans le texte de Leroux, on perçoit bien dans la scène finale du procès la ferveur et l'intérêt du grand public pour la chose civique. Ce n'est pas un hasard si le héros de ce livre, c'est bel et bien Rouletabille : en tant que journaliste, il s'impose comme l'un des faiseurs d'opinion dans cette histoire. Il signe donc la perception, par Leroux, de la nouveauté du pouvoir des médias dans le débat public émergent - et donc de la naissance de la société de l'information. Rien de moins. Dans cette optique, la conclusion de l'enquête, bien qu'inattendue, apparaît presque secondaire - d'autant plus qu'aucune clé n'est donnée au lecteur pour qu'il puisse conduire sa propre enquête et se substituer à Rouletabille...

J'ignore si je lirai un jour la suite des aventures de cet autre reporter de fiction. Néanmoins, il est clair que ce livre possède toutes les qualités d'un classique - bien sûr - et surtout d'une belle ouverture de série...

Commentaires

Guillmot a dit…
C'est vrai, on s'est bien marrés avec ce quiproquo ^^ Chouette idée de lecture en tout cas, un bon classique fait toujours plaisir.
Tigger Lilly a dit…
Il est génial ce bouquin. Je l'ai lu pour la première fois je devais avoir 11/12ans. Des années plus tard, je retombe sur le livre dans ma bibliothèque, me souviens que j'avais beaucoup aimé mais plus du tout de la réponse au mystère de la chambre jaune. J'ai été "obligée" de le relire pour découvrir pour la seconde fois la résolution du mystère.
Maintenant j'ai retenu mais je le relirais bien quand même.
ionah a dit…
je me suis contenté de la version qui fut portée au cinéma il y a p-e une 10zaine d'année. assez bien fait. et en effet, de ce dont je me souviens, aucune clé n'est donnée au lecteur pour résoudre l'énigme.
Anudar a dit…
De temps en temps j'aime bien sortir du "mainstream" de ce blog.
Anudar a dit…
Je ne sais pas si je le relirai un jour, quand même. C'est un classique mais peut-être pas de ceux qui décoiffent (en tout cas, qui me décoiffent, moi).
Anudar a dit…
J'avoue que je serais curieux d'en voir une bonne adaptation.
Efelle a dit…
C'était pas Emile alors ? Déçu, désappointé, je ne suis plus le spoiler d'autrefois...
ionah a dit…
c'est cette version : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=48862.html
perso, je pense être ressorti de la salle satisfait voire positivement surpris de la salle. Surtout que je ne connaissais pas l'intrigue.

du peux que je sache, la lecture de ce roman se complète avec le Parfum de la Dame en Noir. Et le même réalisateur en a tourné une version - que je n'ai pas vu.
Anudar a dit…
Pour vous deux qui étiez prévenus, ma réaction a dû être "priceless".
Anudar a dit…
En effet, Rouletabille fait souvent allusion au "parfum de la dame en noir" et ce n'est rien d'autre que le titre du tome suivant de ses aventures.
Vert a dit…
C'est un roman qui m'a beaucoup marqué quand j'étais plus jeune (faut dire que la couverture de l'édition folio jeunesse m'a un peu traumatisée avec sa main ensanglantée xD), le mystère et sa résolution sont bien pensés et c'est très plaisant à lire (et même à relire avec tous les éléments en main).

Le parfum de la dame en noir m'a moins marqué, mais comme cette suite fonctionne en dyptique avec la Chambre jaune, ça peut valoir le détour. Je n'ai jamais lu les 140 000 aventures qui suivent par contre (ça continue avec Rouletabille chez le Tsar, ça fait très Tintin ^^).

L'adaptation en film par Podalydès est très chouette aussi (avec des références à Tintin ici et là d'ailleurs et un chouette casting), de même que sa suite (bien qu'ayant un rythme très décousu).