Psion

Les visiteurs réguliers de ce blog ont peut-être noté l'affection particulière que j'ai pour Joan D. Vinge. Même si je ne l'ai que très peu chroniquée pour le moment, je n'ai jamais fait mystère de mon goût pour son oeuvre : en fait, c'est à travers la lecture de La Reine de l'Eté (trilogie concluant son Cycle de Tiamat) que je considère avoir fait mon pas décisif dans la SF adulte. Suite à des difficultés personnelles, Joan D. Vinge s'est faite bien trop rare ces dernières années : les lecteurs de ses deux cycles majeurs, celui de Tiamat déjà cité d'une part mais aussi le Cycle de Cat le Psion d'autre part, ne peuvent qu'attendre dans l'espoir qu'un jour, la grande dame sera en mesure de nous offrir de nouveaux voyages en compagnie de ses personnages...

Il se trouve que les deux grands cycles de Joan D. Vinge sont (presque) disponibles en version française, chose qui m'a permis de m'intéresser à son oeuvre dans les dix premières années de mon intérêt pour la SF adulte. Entre les âges de treize et de vingt-trois ans, j'ai complété assez vite ma lecture du Cycle de Tiamat puis me suis intéressé plus tard au Cycle de Cat le Psion. Lequel cycle, assez vite, m'est apparu présenter un mystère qui n'aura échappé à aucun lecteur s'y étant intéressé : à la lecture de Cat le Psion (Catspaw en version originale), disponible en édition de poche, on se rend compte vite qu'il existe une histoire avant l'histoire. La solidité de l'écriture de Joan D. Vinge permet cependant d'éviter l'incompréhension de cet épisode, et la lecture consécutive de Pluie de Rêves (Dreamfall) postérieur d'une dizaine d'années consolide l'édifice : les deux romans sont très autonomes l'un de l'autre et l'on comprend que le véritable premier volet de cette série doit l'être lui-même. Psion, car c'est son titre, a été publié en version française en 1985 : une édition reliée sortie chez l'Ecole des Loisirs, éditeur jeunesse qui a beaucoup contribué par ailleurs à mes premières bibliothèques. A ma connaissance pas réédité depuis, Psion m'est apparu très vite comme un livre que je me devais de lire et d'avoir dans ma bibliothèque. C'est à cause de lui que je me suis payé le culot d'écrire un beau jour mon premier mail à Joan D. Vinge. C'est à cause de lui que j'ai commencé à m'intéresser à la bouquinerie sur Internet (ce qui m'a permis au passage de satisfaire mon envie de savoir ce qui se passait avant Cat le Psion puisque j'ai pu me le procurer en version originale... et dans une édition un peu particulière, qui plus est). A cette époque, j'ai mis en place une alerte sur un site de bouquinerie dans l'espoir qu'un jour, peut-être, celle-ci donnerait quelque chose et que j'apprendrais la disponibilité de Psion. J'ai attendu quelques temps et puis je n'y ai plus pensé, continuant de loin en loin ma quête pour ce livre... et j'ai oublié cette alerte en attente. Pendant dix ans.

Jusqu'au jour où...

Résumé : 
Sur Ardattee, la ville ultramoderne de Quarro est la capitale de la Fédération. Sous Quarro se trouve Villevieille, l'ensemble des quartiers anciens dont le ciel est bouché par un dôme... tel est l'horizon de Chat, un jeune vagabond qui porte ce nom à cause de ses yeux verts à pupille verticale. A Villevieille, il n'y a pas de place pour la générosité ou la compassion et par conséquent, lorsque les Compses viennent s'emparer de lui pour l'emmener de force à Quarro, Chat sait qu'il n'a rien de bon à espérer. Pourtant, le début de sa nouvelle vie ne semble pas si mauvais : amené au laboratoire d'études psioniques de Siebeling, il fait la connaissance de Dere et de la belle Julie. Tous deux sont des psions, et disposent donc de pouvoirs psychiques faisant d'eux de véritables parias dans une société qui déteste la différence. Les yeux verts de Chat l'identifient comme un sang-mêlé d'humain et d'Hydrain, ces extraterrestres que la Fédération a pourchassés puis parqués dans de véritables dépotoirs ; ils signent aussi, sans doute, le véritable potentiel psionique de Chat, car les meilleurs psions, ce sont ceux qui ont une ascendance hydraine... Il y a cependant un blocage, dans l'esprit de Chat, qui l'empêche de révéler tout son talent. Alors qu'une organisation de psions terroristes cherche à mettre la main sur le précieux telhassium qui rend possible le voyage dans l'espace, Chat aura-t-il le temps de maîtriser son talent ? Dans le conflit que certains espèrent entre les simples humains et les psions, ne risque-t-il pas de tout perdre ?
On remarquera tout d'abord, dans ce livre, que les choix de traduction ne sont pas les mêmes que ceux de Cat le Psion et de Pluie de Rêves : si dans ces deux derniers développements du Cycle de Cat le Psion les termes tels que "Oldcity" et "Corpsec" ne sont pas traduits, en revanche, la traductrice a fait le choix ici d'aller jusqu'à traduire les noms propres des lieux et même des personnages. Ainsi Cat devient-il Chat et Jule devient-elle Julie... Pour qui a lu d'abord les deux volets suivants, il y a là de quoi éprouver une certaine surprise, assez vite envolée cependant ; j'imagine qu'un lecteur faisant le cheminement inverse (c'est-à-dire, lisant l'histoire de Cat dans l'ordre chronologique) la surprise serait contraire.

L'intrigue de Psion se concentre sur l'opération à l'origine des plaies psychologiques (et psioniques) de Cat dans les épisodes suivants. On est donc ici en présence d'un Cat qui dispose (encore) de l'intégralité de son talent, et qui n'a pas besoin de béquilles pour utiliser son Don de télépathe. L'excellente idée de Joan D. Vinge, dans cette histoire, c'est encore de nous proposer un héros certes talentueux mais ne disposant pas de l'ensemble du répertoire psionique décrit par elle dans son univers. Et comme elle le fait très bien dire au personnage du docteur Siebeling, parfois, le talent spécifique d'un psion donné sera le seul à pouvoir résoudre un problème... tout comme parfois, il sera le seul à ne pas pouvoir le résoudre. Cat est donc un psion incomplet, un statut qui présage d'ores et déjà de son état encore à venir et donc du ressort des deux épisodes suivants. Cat est aussi présenté comme un hybride, une caractéristique faisant de lui un paria aussi bien pour l'espèce humaine que pour l'espèce hydrane de sa mère - et même pour certains psions tels que le redoutable Rubiy.

En éliminant ce dernier, Joan D. Vinge accomplit à mon sens un double but. Elle marque son personnage à tout jamais, rendant ainsi possible les développements de son histoire. Mais surtout, elle fait disparaître un potentiel ennemi récurrent qui aurait pu s'opposer à nouveau à Cat dans ce futurs épisodes : schéma par trop classique, y compris pour de la littérature jeune public, alors que le véritable ennemi du héros de Psion c'est plus un système que des individus. La Fédération, pour laquelle Cat s'est battu et va encore se battre, est tout à fait indifférente au sort des plus faibles, y compris lorsque ceux-ci risquent leur vie pour elle : tout au plus Cat sera-t-il gratifié d'une infobande un peu créditée pour avoir sacrifié son talent le plus précieux. Le système pancapitaliste esquissé dans le Cycle de Cat le Psion est en effet hostile aux individus qu'il ne considère guère plus que comme des pions : Cat a payé le prix fort pour commencer à l'apprendre.

Sans être décevant, Psion ne parvient tout à fait convaincre celui qui s'est d'abord penché sur les beaucoup plus riches tomes suivants. Somme toute, un livre à lire si l'on n'en a pas encore eu l'occasion, si l'on veut avoir le détail de ce qu'il s'est passé sur Cendres ou si l'on veut remonter aux sources de l'affection de Cat pour Jule taMing... Un livre qui me donne, à moi, l'envie de revenir à l'épisode suivant, à savoir Cat le Psion, que je vais sans doute relire dans les jours qui viennent. Une fois n'est pas coutume, je terminerai cet article par la couverture de l'édition originale, peut-être plus évocatrice que celle de l'édition francophone - même si celle-ci est magnifique...

Commentaires

Efelle a dit…
J'ai manqué cette chronique, il s'agit là de mon premier contact avec Joan D Vinge grâce à la documentaliste du CDI de mon collège qui l'avait mis en avant.
J'en garde un très bon souvenir même si Cat le Psion me parait plus mature.
Anudar a dit…
Ah, oui, on en avait parlé il y a quelques mois. Je pense que j'aurais beaucoup aimé ce livre moi aussi quand j'étais adolescent mais à l'époque, il devait déjà être difficile d'accès...