Vortex

J'ai terminé avant-hier la lecture du troisième et dernier tome de la trilogie Spin de Robert Charles Wilson. Trilogie et auteur chers à maints de mes blogoconfrères (entre autres Gromovar, Guillaume Stellaire et Efelle), les deux précédents volets (Spin et Axis pour ne pas les citer) ne m'avaient pourtant guère emballé : il me restait une ultime chance de saisir l'intérêt qu'ils portent à cette oeuvre primée...
Résumé : 
Quelques années après le Spin, une ère nouvelle de prospérité s'est ouverte sur Terre. A travers l'Arc des Hypothétiques, ces extraterrestres mystérieux qui ont emprisonné l'humanité sur son monde natal pendant trois décennies cependant que l'Univers vieillissait de quatre milliards d'années à l'extérieur, le pétrole d'Equatoria déferle sur les économies terrestres... et le taux de dioxyde de carbone atmosphérique atteint de ce fait des niveaux alarmants. Tandis que les jours de canicule se font de plus en plus fréquents, le tissu social dégradé par le Spin ne semble guère à même de survivre aux chocs de l'avenir. Dans une institution psychiatrique de Houston, le jeune Orrin, tout juste interné, semble intéresser des personnes très haut placées. Il écrit des carnets où il parle d'un futur de dix mille ans, d'une Terre devenue toxique et inhabitable, et surtout d'un certain Turk Findley, transporté par les Hypothétiques depuis l'époque actuelle jusqu'à celle où se déroulerait son histoire... Orrin n'est-il qu'un simple malade ? Ou bien disposerait-il d'une connaissance précise de l'avenir peu enviable de l'espèce humaine et de la Terre ?
Je ne reviendrai pas sur mes difficultés profondes à entrer dans l'oeuvre de Wilson et me contenterai ici de parler de Vortex : roman composite suivant deux fils historiques se répondant et s'éclairant l'un l'autre, il témoigne, de la part de son auteur, d'une puissante maîtrise de son écriture et de sa pensée créatrice. Le procédé mis en oeuvre déjà dans Spin est renouvelé ici et avec beaucoup de talent. Du point de vue du fond, en proposant une réponse aux questions soulevées par les départs de Turk Findley et d'Isaac Dvali au terme d'Axis, Vortex offre sans nul doute une excellente conclusion à la trilogie. La nature véritable des Hypothétiques et leur rôle dans un univers menacé par l'entropie sont dévoilés au terme de ce livre : nul doute que, pour Wilson, l'aventure de Spin est désormais bouclée. L'auteur se paye même le luxe d'enrichir le contexte de son univers sans pour autant soulever de nouvelles questions par trop lancinantes : le fascinant concept de démocratie corticale, et son pendant, celui de démocratie limbique, laissent entrevoir un univers où le Spin a, en fin de compte, forcé l'espèce humaine à emprunter le chemin vers la post-humanité. Vortex est, à juste titre, un véritable page-turner.

Hélas, être un page-turner n'est guère suffisant pour faire un grand livre. Les magnifiques idées dont Orrin est fait le porte-parole dans Vortex, constituent sans nul doute le principal intérêt de ce livre. Quel dommage alors de ne les voir guère plus exploitées, au profit d'un morbide appétit de l'auteur pour les thématiques de fin du monde... ou plutôt devrais-je dire de fin des temps ? Fin du monde promise dans Spin, retardée dans Axis, et enfin arrivée dans Vortex ; fin des temps évoquée enfin dans ce même livre : pour Wilson, l'envergure cosmique du temps ne doit pas être envisagée hors de la perspective de la fin de toute matière. Dans ce contexte, la transfiguration du personnage d'Isaac Dvali, lequel a subi plusieurs étapes de transformation, confirme son statut de prophète voire de messie... On repense à cette histoire de veau rouge évoquée dans Spin. On se souvient aussi que, dans Axis, Isaac Dvali est produit par biotechnologie afin d'être l'interprète de l'espèce humaine auprès des Hypothétiques - et l'on se rappelle alors de l'épisode biblique de la ligature d'Isaac. La littérature ne doit rien au hasard : sans doute émerge-t-elle de processus culturels préconscients - et les clins d'oeil bibliques, dans la trilogie Spin, n'ont rien de fortuit. En délaissant, et en toute connaissance de cause, toute la thématique post-humaine esquissée dans le récit d'Orrin, Wilson a perdu l'opportunité de décrire le Spin, dans son oeuvre, comme un véritable traumatisme fondateur pour une nouvelle espèce humaine. En refusant de s'intéresser à la flèche du temps pour autre chose que ce vers quoi elle pointe, c'est-à-dire le froid et les ténèbres de l'entropie, Wilson évacue en quelques phrases le destin de la "simple" humanité...

Quel dommage ! Il y avait tant de promesses là-dedans et si peu qui soient tenues... Je n'aurai pas l'outrecuidance de prétendre avoir raison devant tous les autres au sujet de mon interprétation de l'oeuvre majeure de Wilson. J'ai déjà eu l'occasion de revendiquer ma subjectivité en tant que lecteur de science-fiction. Je n'aurai pas la stupidité, non plus, de m'interdire de lire du Wilson à l'avenir... mais pour qu'il retrouve le chemin de ma PàL, il est clair qu'il lui faudra plus qu'une simple recommandation.

Commentaires

Efelle a dit…
Au moins tu lui reconnais son talent de narrateur...
Anudar a dit…
Sans aucun problème. Ce n'est pas ça qui coince avec moi.
Gromovar a dit…
Fin de l'expérience.
Anudar a dit…
D'une façon paradoxale, j'en sors connaisseur de son œuvre et avec des arguments pour ne pas l'aimer.
Guillmot a dit…
Bon ben tant pis alors, mais bien tenté déjà
Anudar a dit…
Lis-le, j'ai bien envie d'avoir d'autres opinions que la mienne. Je suis tout à fait conscient de ce que mon avis négatif sur Wilson doit imprégner toute lecture que je fais de lui.
Guillmot a dit…
Déjà lu ;)

http://www.traqueur-stellaire.net/2012/09/vortex-robert-charles-wilson/
Anudar a dit…
Ah, c'était donc "tenté" en ce sens-là :P