Celui qui venait du Froid

Dans le cadre du challenge JLNN de Lune, j'ai reçu cette nouvelle au format numérique de la part des éditions ActuSF. Place donc à la chronique !
Résumé :
Une éducatrice pour jeunes aveugles emmène ses protégés pour une visite au musée : pour ces enfants qui ne connaissent ni la lumière, ni la couleur, les sons, les odeurs, les goûts et surtout les textures représentent les seuls points d'accès à la sensibilité physique. De ce fait, le directeur du musée les autorise, à titre exceptionnel, à manipuler certaines oeuvres mises au rebut. Pourtant, alors qu'une exposition d'art contemporain, à base de mobiles odorants aux formes organiques, envahit les étages supérieurs du musée, il semble que les oeuvres d'art oubliées à la cave ne sont plus tout à fait inertes, comme si une menace pesait dans l'air conditionné du sous-sol...
J'aime beaucoup (déformation professionnelle, peut-être) quand la SFFF implique des personnages d'enfants ou d'adolescents. Littérature du réel, notre chère trinité de l'imaginaire se montre à mon sens la plus efficace lorsqu'elle fait appel au regard de sujets humains pour qui est encore ténue la frontière entre la réalité, d'une part, et la fiction, d'autre part. Qui, étant gosse, n'a jamais tremblé après avoir lu un livre (ou vu un film) quelque peu inquiétant vienne me contredire...

L'astuce de l'auteur, ici, consiste à truquer le jeu des regards par une dimension supplémentaire. Ses jeunes personnages sont aveugles et leur regard n'en est un qu'au second sens du terme : à ce titre, sont-ils autorisés à voir avec leurs doigts. Encore ne peuvent-ils exercer ce privilège que sur des copies ou, à la rigueur, sur des oeuvres d'art ne trouvant plus leur place aux étages fréquentés par les visiteurs capables, eux, de toucher avec leurs yeux...

C'est ici qu'une dimension inquiétante, presque transcendante, vient s'infiltrer dans le temps fictionnel. Les sculptures scientifiques, mouvantes, odorantes et sonores de l'artiste excentrique, pâles images d'une pseudo-vie artificielle, ne sont pas les seuls objets de ce musée capables de s'animer, ou d'éveiller des émotions brutes, surtout sous les doigts des jeunes aveugles... Il se pourrait même que l'oeuvre "venue du froid" soit en mesure non pas d'éveiller ces émotions - mais bel et bien de les transmettre. L'artiste aux mobiles organiques ne s'y trompera d'ailleurs pas, réservant à cet objet inconnu la place qui lui revient de droit parmi sa propre exposition, comme s'il avait compris que tout son art ne saurait suffire à l'égaler ?

Il s'agit quoi qu'il en soit d'une belle lecture, appréciable à bien des niveaux, et que je recommande bien volontiers.

Lire aussi l'avis de Gromovar, qui n'est pas d'accord avec moi.

Commentaires

Endea a dit…
"Qui, étant gosse, n'a jamais tremblé après avoir lu un livre (ou vu un film) quelque peu inquiétant vienne me contredire.."
Et adulte cela compte aussi ? xD
Voilà une nouvelle qui m'a l'air bien tentante, je note ^^
Anudar a dit…
Je pense que ça ne compte pas, vu le contexte :) ceci dit, j'ai fait en sorte que ça paraisse tentant car ça m'a plu.
Vert a dit…
J'adore les visites de musées qui dévient, faut que je pense à jeter un oeil à ce texte-ci ^^
Anudar a dit…
"Dévier", c'est le mot juste :P
Gromovar a dit…
Je le lis très vite aussi. Nouvelles suivront.
Anudar a dit…
Tu me diras, je te lirai et te lierai.