Alix Senator tome 3 : La Conjuration des Rapaces

Troisième itération de la série Alix Senator, inspirée des Aventures d'Alix de Jacques Martin et scénarisée par Valérie Mangin, j'avais cru comprendre qu'il s'agirait aussi de l'ultime volet d'une trilogie et je l'attendais avec une certaine impatience. Mon souhait de lecture est à présent satisfait mais la quatrième de couverture annonçant un futur album, il va de soi que nous n'avons pas fini d'entendre parler de cet Alix à présent devenu sénateur à Rome - et surtout dont les cheveux blonds sont maintenant blancs...
Résumé : 
Alix est revenu à Rome, ramenant dans ses bagages son vieil ami Enak, perdu de vue depuis plus de quinze ans. L'initiative est dangereuse et pourrait bien mettre en péril son amitié avec l'empereur Auguste : Enak a été pendant plusieurs années le tuteur du fils de César, le seul concurrent qui pourrait faire de l'ombre au prestige impérial - et donc un ennemi de Rome. Or le corps de Césarion n'a pas été retrouvé : tout laisse à craindre qu'il serait encore en vie et que la conjuration des rapaces, déterminée à tuer Auguste et à rétablir la République, voudra s'en servir comme d'un étendard. Pour Alix, le moment du choix est venu : devra-t-il tout faire pour sauver son ami Enak, au risque d'encourir la fureur de l'empereur... ou bien au contraire faire passer sa loyauté à Auguste avant toute chose ? Il se pourrait bien que les deux termes de l'alternative soient aussi riches l'un que l'autre en amères conséquences... Alix parviendra-t-il à défaire l'écheveau des intrigues avant que sa famille ne soit brisée ?
Avec l'incarcération d'Enak, presque instantanée dans le temps fictionnel, le scénario renoue bien volontiers avec les thèmes les plus familiers de la série de Jacques Martin : Alix perd Enak et met tout en oeuvre pour le retrouver. On ne s'attardera pas sur la nature précise de la relation entre les deux personnages sur laquelle tout et son contraire a été, je crois, déjà dit. La réapparition d'Enak met toutefois en sourdine la mise en mouvement de l'autre duo, à savoir celui formé par Titus et Khephren qui ne sont autres que les fils des deux protagonistes principaux. Titus, plus timoré sans doute qu'Alix au même âge, attaché bien sûr à son père ainsi qu'à son frère d'adoption, ne joue pas un rôle de premier plan dans cette histoire : tout juste sert-il de faire valoir à Khephren qui révèle ici un caractère ombrageux et querelleur, celui d'un être partagé entre une histoire personnelle difficile et une culture qu'il a choisie. Or, si Rome s'est révélée souvent assez tolérante à l'égard des étrangers, Khephren porte sur lui - à travers sa couleur de peau ainsi que les traits de son visage - les traits d'un peuple plus ancien pour lequel les romains, en tant que conquérants, partagent une attitude assez négative, entre méfiance et mépris.

Tous ces éléments contribuent à faire de cette histoire une bonne pièce dans l'univers d'Alix : entre morceaux connus et d'autres plus originaux, il va de soi que les auteurs ne perdent pas de vue la nécessité de conserver l'ambiance d'une série tout en assurant sa réinterprétation. Le trait, bien sûr, moins ligne claire que celui de Jacques Martin, présente cependant une véritable parenté avec lui et les personnages sont très reconnaissables d'une époque à l'autre, malgré leur vieillissement marqué sans être caricatural. Leurs visages se complexifient aussi d'expressions inhabituelles et, on pourra le dire, jamais la surprise d'Alix n'a été aussi éloquente. Il faut dire que l'intrigue suit son cours sans coup férir et surtout en réussissant fort bien à duper son lecteur. Le retour d'Arbacès était une option dans cette histoire, une option crédible et pourtant pas encore réalisée. Quant au complot des rapaces, l'intelligence d'Alix et d'Auguste va en venir à bout - même si le prix consenti sera élevé. C'est à ce point que l'on voit qu'Alix ne s'est pas contenté de mûrir : voilà qu'il choisit de mettre sa famille en péril pour accomplir un but politique. L'intrépide serait-il devenu le cynique ? C'est une possibilité intéressante, peut-être pas prévue par Jacques Martin dont le héros semblait destiné à rester à jamais jeune et idéaliste. Devenu âgé, serait-il aussi devenu vieux ? L'avenir de cette série le dira sans doute...

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