14

Vu par hasard sur les rayons d'une librairie, j'ai ressenti une attirance immédiate pour ce roman une fois lue sa quatrième de couverture. Il s'agissait de mon premier Peter Clines : s'agissait-il aussi d'une bonne première rencontre ?
Résumé : 
Nate est un peu un looser : un job alimentaire qui l'ennuie, une vie en colocation qui va devoir prendre fin suite au départ pour mise en couple de l'un de ses roomates, si bien que son installation dans un appartement au loyer très modéré compte-tenu des prestations prend un peu des airs d'aventure. C'est que l'immeuble Kavach, en plein Los Angeles, propose un cadre de vie très agréable, avec sa terrasse, ses commerces de proximité, ses charges incluses... Oh, bien sûr, quelques bizarreries viennent surprendre Nate au début de son séjour : des blattes vert fluo et à sept pattes, un éclairage de cuisine qui envoie de la lumière ultraviolette quelle que soit l'ampoule qu'il y insère, un gardien au caricatural accent allemand et des portes fermées avec des cadenas. Les premières rencontres avec les voisins lui font se rendre compte que l'immeuble Kavach pourrait avoir une histoire chargée : pourquoi dit-on qu'un des appartements vient à bout de tous ses locataires, et par départ anticipé ou même suicide ? Pourquoi l'ascenseur est-il en dérangement depuis plus de vingt ans ? Pour Nate et ses nouveaux amis, va commencer une enquête qui pourrait bien avoir des conséquences aussi terrifiantes qu'inattendues...
Il y a quelques années, j'ai démarré ma carrière dans une petite ville universitaire au Nord-Est de Paris. Cherchant à m'y loger en urgence à la fin du mois d'Août, j'y ai trouvé - sans trop de difficultés - un studio dans une résidence où, aux dires de l'agence qui le louait, vivaient surtout des étudiants et des personnes âgées. Pour un loyer somme toute acceptable, j'ai passé une année dans un immeuble où, une fois par semaine, je croisais le personnel d'entretien. Par contre, je n'ai pour ainsi dire jamais croisé de voisins ni même entendu de bruits provenant des appartements voisins. Pendant toute une année, j'ai parfois eu l'impression d'être seul dans un bâtiment d'habitation déserté - hormis, en fin d'année universitaire, lorsqu'un voisin des étages inférieurs s'est mis en tête d'organiser la chouille de rigueur et que, pour la première fois de ma vie, j'ai dû composer le célèbre numéro à deux chiffres histoire de trouver un peu de sommeil. J'en ai retiré l'impression qu'il ne fallait pas beaucoup de choses à un immeuble - dont les parties communes correspondent à une véritable zone grise entre l'espace public et l'espace privé de nos appartements - pour se transformer en territoire inconnu où l'on peut assez vite se sentir hors du monde.

L'immeuble Kavach au centre de 14 est un véritable personnage de cette histoire, un personnage sans parole et dont le destin, pourtant, conditionnera celui de toute l'intrigue. Des bizarreries qui émaillent sa fréquentation - dont la première est la plus évidente et aussi la plus surprenante, à la réflexion : les loyers n'y coûtent rien - ressort bien vite une impression d'inquiétante étrangeté du meilleur aloi. Même si les personnages humains de cette histoire s'y sentent chez eux et même au paradis pour reprendre les mots de l'un d'entre eux, ils ne peuvent s'empêcher d'être perturbés par des manifestations étonnantes. Pour Nate, il s'agira bien entendu des surprenants cafards mutants qui viendront l'intriguer jusque dans un rêve. Pour l'une de ses voisines, il s'agira de la température régulée mieux que par un climatiseur dans son salon. Faisceaux d'observations qui, à force de répétition, finiront par conduire le petit groupe de voisins à vouloir percer les mystères de l'immeuble Kavach. Bien entendu, certains en savent plus qu'ils ne veulent bien le dire. Et bien entendu encore, certains y laisseront la vie - voire peut-être même leur âme.

On ne dira rien des bestioles dignes de Lovecraft - auquel je ne connais rien, mais dont le nom est lâché au fil du texte - qui viendront pimenter la fin de l'aventure de nos héros. Fin peut-être moins bonne que le reste de l'oeuvre - et surtout moins bonne que la stupéfiante ouverture de la porte de l'appartement numéro quatorze, image à même de faire rêver plus d'un lecteur de l'imaginaire. On regrettera que l'intrigue se termine grâce à des bricolages dignes du Club des Cinq : ces gens-là ont eu de la chance, tout de même, que soient concentrés dans cet immeuble une telle quantité de talents complémentaires, les seuls qui permettaient de résoudre le problème final et de sauver la planète. On se dira aussi qu'il était en fait bien peu vraisemblable que l'immeuble - connu des services de l'Etat ! - n'ait pas été mieux surveillé pour interdire aux locataires d'entreprendre des activités aussi dangereuses que celles qui les conduisent en fin de compte jusqu'au désastre. On sourcillera, bien sûr, à l'évocation d'une faille de cent kilomètres de profondeur au fond de laquelle miroiterait le magma terrestre : j'ignorais que la Californie était construite sur un point chaud... Malgré ces défauts évidents, 14 remplit avec soin les exigences de son cahier des charges : on ne s'ennuie pas, on espère comprendre les enjeux de cet immeuble bizarre et de ses habitants qui décident un beau jour d'en savoir un peu plus quand à leur lieu de vie, on tremble un peu (enfin, pas trop) sur la fin et l'on se réjouit à la disparition du traître - dont l'identité se devine un peu trop vite. Page-turner, à mon avis écrit pour être adapté au cinéma, 14 n'est sans doute pas le meilleur livre de la saison littéraire. Il est par contre de la trempe de ces livres qui remplissent la plus belle des missions qu'un livre peut remplir : donner envie d'en lire un autre.

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