43200 secondes

La première nouvelle au sommaire de l'Anthologie des Utopiales 2017 est un texte de Jean-Laurent Del Socorro qui possède un titre pour le moins surprenant : 43200 secondes (soit donc : douze heures).
Résumé : 
Amara Kabbock est une sénatrice texane, l'une des rares femmes parlementaires de cet Etat, l'une des rares Noires, et démocrate encore au sein d'une assemblée dominée par les républicains. Au contraire de certains de ses collègues, elle n'est pas "augmentée", si bien que la performance qu'elle s'apprête à entreprendre, pour saborder une loi qui cherche à restreindre les droits des femmes à disposer de leur corps, sera d'autant plus impressionnante...
Obstruction parlementaire : technique utilisée au sein de certains Etats (et en particulier aux Etats-Unis) destinée à monopoliser le temps de parole au cours d'un débat autour d'une loi, en espérant tenir assez longtemps pour qu'un délai soit dépassé - ce qui entraîne alors l'extinction du projet de loi. Aussi connue sous le nom de filibuster (ou flibuste en français). Réputée pour être le cauchemar des assemblées très polarisées où une majorité souhaite faire avancer des projets de loi clivants. Il se trouve qu'au Texas - comme hélas dans d'autres coins du monde un peu aux marges de la civilisation - les droits des femmes sont considérés par certains comme un peu clivants (et ça, c'est un fait). Et donc, lorsqu'il s'agit pour une assemblée en majorité blanche, masculine et riche de restreindre les droits de femmes sans doute pauvres, qu'elles soient blanches ou non, il faut bien que ce soit une femme qui monte au créneau.

La SF est somme toute assez discrète au sein de cette histoire. Si Amara coche les cases qui l'inscrivent dans plusieurs minorités au sein de cette assemblée - minorité raciale, minorité de genre, minorité sexuelle - il s'avère qu'elle appartient pourtant à une majorité : au contraire de ceux qui contrôlent l'assemblée de l'Etat, elle appartient à la majorité de ceux qui n'ont pas (encore ?) d'"augmentations". La chose met en lumière, par contrepoint, ce qui est sans doute le défaut le plus pervers de nos démocraties dites représentatives : le pouvoir - et en particulier ses assemblées - n'y est souvent pas à l'image de ses administrés, la minorité considérant que la chose publique n'est autre que "sa" chose étant bien trop représentée à ses plus hauts niveaux. Ainsi l'auteur propose-t-il ici un magnifique exemple illustrant le vrai sens de l'expression "dictature de la minorité" : quand la majorité doit en recourir à des stratégies alternatives pour faire entendre sa voix, c'est que le système est perverti...

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