L'affaire du FBG

Troisième et dernier texte du recueil Crimes, aliens et châtiments acheté à la Convention nationale de SF 2018 - après Jennifer a disparu de Laurent Genefort et Où es-tu, mon Choo ? de Pierre Bordage : celui-ci est signé de Laurent Whale.
Résumé : 
L'histoire commence bien mal pour Laurent W., un écrivain de SF déchu et contraint à se faire détective privé pour extraterrestres suite au débarquement de ces derniers : il se trouve enchaîné à l'intérieur d'un coffre de voiture à destination de quelque puits sans fond et rempli d'eau... Deux jours plus tôt, il a eu en effet le tort - ou la maladresse - d'accepter une affaire d'envergure intergalactique : un représentant d'une espèce extraterrestre évoquant le produit du croisement contre-nature d'un escargot et d'une tortue lui a glissé entre les pattes l'enquête sur la disparition du FBG, un artefact alien au nom imprononçable qui, aux mains de la mauvaise personne - ou de la mauvaise civilisation étrangère - pourrait entraîner la disparition de l'univers tout entier. La somme qu'on lui a proposée dans cette affaire est suffisante pour lui faire prendre conscience des enjeux - mais sera-t-elle à la hauteur des ennuis cosmiques liés au FBG ? Surtout lorsque ceux-ci impliquent une IA crâneuse, des gardes du corps extraterrestres incompétents, un mafieux serbe revanchard et doté d'un sous-marin, des rebelles humains aussi efficaces que discrets, un complot intergalactique et une logeuse nymphomane ?
Après les deux excellents textes de Genefort et de Bordage, le défi pour Laurent Whale consistait à faire aussi bien voire mieux : il fallait donc soit en rajouter pour faire plus dingue, plus drôle et plus geek, soit trouver à tirer quelque chose de tout à fait différent des postulats rigolards de ce recueil. La première option aurait pu être réussie tout en donnant l'impression que l'idée commençait à s'user ; la deuxième option risquait de décevoir en s'écartant des chemins tracés par les deux premiers auteurs du recueil. Laurent Whale a de toute évidence pris conscience de ces risques : il a donc décidé de faire les deux en même temps et de produire quelque chose de différent de ses prédécesseurs tout en donnant dans le toujours plus dingue, toujours plus drôle et toujours plus geek. Cette histoire n'est donc pas une troisième variation sur le thème de la disparition de l'être aimé : place maintenant à l'argument du vol des bijoux de famille, le type d'affaire qui en général n'arrive pas sur le bureau d'un détective privé - ou alors, c'est qu'il ne s'agit pas d'un simple cambriolage, et que ses conséquences vont sans doute être tout à fait démesurées pour le malheureux qui s'en voit chargé...

Surpris de façon agréable par ce choix étonnant, le lecteur se trouve plongé dans une succession de péripéties aussi drôles qu'inattendues, à nouveau tout à fait dans la veine d'un Eduardo Mendoza, et dont la résolution doit à peu près autant au travail du détective privé qu'à son instinct. L'auteur parvient ici à construire un portrait plus fouillé de cet univers étrange - il est vrai que ce texte est plus long que les précédents - ce qui ne gâche rien à l'immersion : dans ce texte, la Terre (et par voie de conséquence l'espèce qu'elle abrite) est tout à fait insignifiante à l'échelle de l'univers, mais cela ne veut pas dire qu'il ne peut pas s'y jouer des coups fourrés entre de puissantes civilisations extraterrestres... Transformant donc une banale enquête en affaire d'espionnage - le sous-marin ! - et en fin de compte en partie d'échecs intergalactiques, Laurent Whale produit un texte surprenant, marrant de bout en bout et en fin de compte réjouissant à souhait... Bravo !

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