El Nakom tome 2

Je parlais il y a quelques temps du premier tome de la BD de fiction historique titrée El Nakom et signée par Jéronaton : ce deuxième volet conclut l'histoire ainsi qu'il se doit...
Résumé : 
Gonzalo Guerrero, devenu le Nakom, a formé une amitié solide avec l'un des caciques maya de l'actuel Yucatan : ayant épousé une princesse, le voici lui-même devenu plus "indien" que castillan... Mais en l'an 1517, voici que ce qu'il redoutait depuis des années se produit enfin : les navires espagnols, remplis de conquérants assoiffés d'or et de soldats vétérans des guerres européennes, se mettent à débarquer sur les côtes du pays maya. Pour Guerrero, il faudra désormais unir les tribus et les cités-Etats de son pays d'adoption... et lutter aussi contre la peur qu'éprouvent les Mayas lorsqu'il s'agit de s'affronter aux Espagnos : outre leurs techniques de guerre, ils amènent avec eux des armures et des épées de métal, des canons et des animaux inconnus en Amérique, les chevaux... Le dévouement de Guerrero pourra-t-il suffire à sauver le pays maya ?
On le sait, l'Histoire fournit une réponse en apparence peu équivoque à cette question : la conquête espagnole des Amériques est réputée avoir su abattre en quelques mois, sinon quelques semaines, des civilisations organisées telles que celles des Aztèques ou du Pérou. Les causes de cet effondrement militaire sont bien connues : la supériorité stratégique et technologique des Espagnols, associés aussi à des supplétifs indigènes tels que les Tlaxcaltèques au Mexique, leur a permis de compenser leur infériorité numérique. Si ces faits seuls auraient suffi à expliquer les défaites que rencontrèrent aussi bien l'Empire inca que l'aztèque, elles sont caractérisées par une rapidité ahurissante qui ne peut être comprise qu'à travers le prisme des croyances et des superstitions des indigènes. En Mésoamérique, une vieille légende semblait prophétiser l'arrivée des Espagnols, redoutables guerriers barbus dont certains - montés sur des chevaux - engendraient une terreur particulière...

Si Gonzalo Guerrero ne pouvait tout à fait combler le fossé technologique entre les forces mayas et les castillanes, il pouvait en revanche lutter avec efficacité sur le front psychologique. La stratégie du Nakom, dans cet album, s'organise autour de deux axes : il s'agit d'abord de retirer aux Espagnols tout caractère surnaturel aux yeux des Mayas... et il s'agit aussi d'unir les Mayas eux-mêmes dans la défense commune. Les caciques avaient tenté d'envoyer les Espagnols plus à l'ouest, en direction de l'Empire aztèque plus riche en or, en espérant que la force d'un ennemi organisé viendrait à bout des envahisseurs - et c'est avec stupéfaction que la nouvelle de l'effondrement aztèque a été accueillie quelques temps plus tard. L'événement a pourtant donné quelques arguments à Guerrero qui, aussi fin stratège que ses compatriotes espagnols, a aussitôt compris qu'il fallait exploiter la spécificité du terrain pour changer une conquête facile en dispendieuse guerre d'usure : ainsi le Nakom peut-il être considéré comme le premier des guérilleros latino-américains de l'Histoire, destin compris !

Le récit de cette guerre asymétrique trouve pourtant une conclusion plus positive qu'il y paraît : Guerrero n'a certes pas réussi à bouter les Espagnols hors du Yucatan, mais son héritage est immense et pour deux raisons. La première, bien sûr, correspond à la résistance prolongée des Mayas au Yucatan qui, alors que le Mexique et le Pérou anciens mieux organisés tombaient en très peu de temps, restèrent libres plus d'un siècle après l'arrivée des Espagnols grâce à l'impulsion décisive donnée par Guerrero. La seconde est plus extraordinaire encore : Gonzalo Guerrero, père des premiers métis de Mésoamérique, est reconnu comme l'un des premiers représentants du Mexique actuel - pays dépositaire de plusieurs Histoires et à l'identité fondée sur le métissage tant culturel que génétique... De cette histoire vraie, Jéronaton a donc su tirer un album à nouveau très réussi : bravo !

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