Le cerveau du Président a disparu

J'ai eu le plaisir d'interviewer John Scalzi aux Utopiales 2018 : après son très bon The Consuming Fire et en attendant la suite et fin de The Interdependency, je pense qu'il ne pouvait qu'être bienvenu de se pencher sur cette nouvelle publiée dans l'Anthologie officielle des Utopiales...
Résumé : 
Quand Alexander "Alex" Lipsyte entre dans le bureau ovale, il a la surprise de ne pas y trouver le Président : le médecin de celui-ci lui a prescrit un jour de repos pour sinusite... alors qu'en réalité, l'IRM comme la radio révèlent une vérité invraisemblable et surtout terrifiante : le cerveau du Président a disparu ! Pourtant, le chef de l'Etat et du gouvernement semble par ailleurs en parfaite santé : en cherchant à comprendre ce qu'il se passe, Alex va découvrir un étrange complot... Peut-on sauver un idiot de lui-même et quel en est le prix, lorsque l'idiot en question est le Président des Etats-Unis ?
John Scalzi aime l'humour et pratique même fort bien l'humour noir. Dans cette courte nouvelle, ceux qui aiment rire - et rire noir ! - trouveront matière à satisfaire leur appétit ! On évitera pour commencer de voir dans cette histoire une satire féroce de la présidence Trump : Le cerveau du Président a disparu a été écrite en 2011, à une époque où l'erreur de l'Histoire n'était pas même encore une folle hypothèse. Il faut plutôt y voir une grosse farce destinée à moquer avec gentillesse la fonction de PotUS que certains auteurs décrivent très volontiers comme révérée - en temps ordinaires. Dans cette histoire, le cerveau du Président a disparu - mais le Président respire, mène son train-train quotidien et s'apprête à faire un discours devant un public pas tout à fait conquis. L'absurdité de la chose, laquelle fait tout à fait penser à une citation des X-Files (et ce n'est pas un hasard), suggère bien sûr un bidouillage venu tout droit des services de l'Etat profond. Dans la plus grande tradition des X-Files, il y a donc là-dedans quelques allusions fines à l'événement de la Toungouska, aux secrets de la Guerre Froide et même à l'assassinat de Kennedy !

De ce mélange improbable, Scalzi parvient à tirer une histoire des plus drôles, du début jusqu'à la fin. Le cerveau du Président a disparu n'est pas une satire féroce de l'actuelle présidence, elle s'avère être en réalité une satire féroce de toutes les présidences, ce moment où un individu solitaire accède aux manettes d'une puissance politique, économique et militaire immense. Jadis, les monarques du Moyen-Orient - dont nos chefs d'Etat contemporains ne sont que les très lointains héritiers - se voyaient divinisés alors qu'ils ne disposaient que d'une fraction infime du pouvoir aux mains du Président des Etats-Unis : en rappelant que le PotUS n'est jamais rien d'autre qu'un homme capable de faire des erreurs tragiques, et que le vrai pouvoir appartient peut-être aux hommes de l'ombre qui sont chargés de sa protection, John Scalzi ne fait rien d'autre que nous dire à quel point peu d'êtres sont capables d'occuper cette fonction... Bravo !

Commentaires

Penny Wordful a dit…
Merci pour cette chronique qui m'a rappelé un bon souvenir de lecture et me donnerait presque envie de relire la nouvelle, car j'ai l'impression de l'avoir lue de façon un peu trop superficielle. :)
Anudar a dit…
Bienvenue ici !

N'hésite pas à la relire... à la lumière de notre monde contemporain, cela prend un pli très amusant :)