Alix Senator tome 4 - Les Démons de Sparte

Ces dernières semaines est paru le tome 4 de la série Alix Senator, dont l'intrigue se déroule trente ans après les événements des Aventures d'Alix par Jacques Martin. Après La Conjuration des Rapaces où Alix voyait sa longue amitié avec Auguste, et en fait sa vie, mises en péril par les intrigues associées au retour de Césarion, c'est une mission nouvelle qui l'amène dans un pays qu'il a bien connu : la Grèce...
Résumé : 
Athènes... Jadis berceau d'une culture éblouissante et maintenant protectorat romain, la cité a connu des jours meilleurs. Les traces et les ruines de la guerre civile romaine sont dans toutes les mémoires, et surtout dans celles des assimilés tels que le très ambigu Numa Sadulus qu'Alix retrouve au pied de l'Acropole. Il est difficile, pour le Sénateur, de s'émerveiller comme ses fils Titus et Khephren devant les chefs-d'oeuvre du génie grec, alors que l'imperator Auguste exige de lui qu'il ramène au Palatin les livres sibyllins grâce auxquels on peut interpréter les prophéties d'Apollon... Numa Sadulus le met en garde : au Sud, le tyran Euryclès de Sparte semble décidé à contrecarrer les intentions d'Auguste, au nom de la culture grecque... L'occasion pour Alix de faire ses retrouvailles avec son vieil ami Héraklion, le "dernier Spartiate", qui n'a jamais renoncé au destin de son peuple. Mais la maison de Numa Sadulus apparaît propre aux intrigues... et voilà que sur le corps d'un esclave mort dans d'étranges circonstances Alix découvre un message écrit par un envoyé impérial lui-même assassiné. L'un des livres sibyllins fait défaut : pour le retrouver, le Sénateur et ses fils vont devoir entreprendre un dangereux voyage à travers une Grèce dévastée. A Delphes, la Pythie attend : les oracles qu'elle va rendre, sont-ils ceux qu'espèrent Titus et Khepren ? Et dans ce monde où l'étoile de Rome grimpe toujours plus haut, reste-t-il un espace pour les Grecs ?
La série Alix Senator, par sa nature et son choix scénaristique - donner à voir un Alix âgé, aux cheveux blancs - est bien propice à la nostalgie. Les tumultes politiques de l'épopée de César puis d'Auguste semblent maintenant loin : la République romaine s'est éteinte au profit du Principat, mais Rome n'est pas encore apaisée. Pas tout à fait, et sans doute ne le sera-t-elle jamais : c'est dans ce contexte qu'Alix peut, parfois, sembler presque fatigué de constater que sa participation aux intrigues ne prendra jamais fin, qu'il le veuille ou non... Cet album en particulier semble nostalgique d'autant plus qu'il fait intervenir des personnages déjà anciens dans la série : Numa Sadulus, rencontré dans L'Enfant Grec où il se porte acquéreur d'Alix et d'Enak, et bien sûr Héraklion qui a pu depuis Le Dernier Spartiate compléter d'une certaine façon en trio le duo - plus ou moins amoureux, sans doute - formé par les deux amis sus-cités. Numa Sadulus, toujours flamboyant, est devenu chauve, tandis qu'Héraklion porte à présent la barbe virile : de plus d'une façon, le temps a passé, si bien que même de vieux amis peuvent se mettre à douter les uns des autres, et même à cesser de bien se comprendre.

C'est pourtant d'un autre flanc qu'émerge la tension qui se noue peu à peu au cours de la lecture. Enak, le coeur brisé par l'attitude à son égard de son fils Khephren - qu'Alix a élevé depuis sa naissance - est reparti en Egypte, abandonnant de nouveau son vieil ami gaulois, et le laissant seul aux prises avec les comptes mal réglés de la guerre civile en Grèce. La construction scénaristique laisse donc s'éloigner l'hypothèse de la reformation du célèbre duo ; la structure de la série, elle, semble privilégier une alternance - pour le moment - d'épisodes romains et d'épisodes à l'étranger. Les périls de la Rome impériale débutante ont été assez bien explorés, jusqu'à présent - reste par conséquent, pour Alix, à chercher l'aventure aux confins de l'ancien écoumène... et avec la conquête des Gaules par César, les frontières du monde antique se sont décalées vers l'Occident, faisant presque de la Grèce une marche orientale dont les riches propriétaires romains se désintéressent presque. Situation propice à l'émergence de particularismes dont celui de Sparte semble bel et bien le plus fort : pour le moment, Rome ne s'est pas encore tout à fait coulée dans le moule hellénistique, et entre Alexandre et Auguste, le temps n'est pas plus long qu'entre Auguste et Constantin...

Dans ce périlleux voyage à travers une Grèce dépeuplée, cette intrigue autour des livres sibyllins apparaît presque secondaire. Alix est en réalité seul, de nouveau, et sans doute pas en mesure de faire la synthèse entre un Titus peut-être trop délicat voire effacé et un Khephren bouillant : si l'album se termine d'une façon ambiguë, c'est aussi parce qu'Alix, pour la première fois peut-être, s'est montré aveugle à une intrigue tramée juste sous son nez. La prochaine étape du voyage conduira sans doute le trio mal assorti en Asie mineure, aux sources des inquiétants et très anciens cultes de la fertilité associés à Cybèle : est-ce là qu'Alix vivra sa dernière aventure ?

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