Annihilation, le film

Il y a deux ans, je chroniquais ici même le livre duquel est adapté ce film. Celui-ci, sorti depuis quelques temps sur le service de streaming auquel je suis abonné, a fait un peu de bruit dans la blogoSFFFère et, à la faveur d'une soirée où il n'y avait rien de mieux à regarder, je me suis laissé tenter... pour le meilleur ou pour le pire.
Résumé : 
Lena est biologiste. Elle a été militaire, tout comme l'est encore son mari Kane - mais celui-ci est parti en mission depuis un an, et Lena est sans aucune nouvelle à tel point que ses collègues lui conseillent de faire son deuil... Sauf qu'un jour, alors qu'elle repeint les murs de leur chambre à coucher, Kane se présente à sa porte. Presque apathique, incapable de lui expliquer d'où il vient et surtout en très mauvais état de santé, il est pris en charge par une unité scientifique secrète, celle de la Zone X. Avec stupéfaction, Lena découvre que Kane a participé à une mission dangereuse dans un espace délimité par un étrange "miroitement" au-delà duquel nul ne sait ce qu'il se passe. Invasion extraterrestre ? Manifestation divine ? Ce qui est certain, c'est que le miroitement ne cesse de s'étendre... Afin d'essayer de comprendre ce qu'il est arrivé à Kane, Lena s'engage dans une dernière mission d'exploration. Pourra-t-elle percer les secrets du "miroitement" sans y laisser sa vie, sa raison et peut-être même son âme ?
Un mystère individuel et collectif, des scientifiques démunis face à un phénomène peut-être pas naturel et qui prennent certaines décisions des plus discutables, une base avancée dévorée par la culture du secret face à la perspective de la fin du monde. Et derrière le miroitement, une nature qui a repris sa liberté, s'affranchissant même de ses propres lois et générant des monstres - au sens humain mais aussi scientifique du terme - possédant une forme de beauté, de celle qui inspire l'effroi. La nuit, derrière le miroitement, est le moment où les maléfices font leur apparition : ceux d'un monde à présent dénaturé, peut-être plus hostile encore à l'être humain que ne l'était celui du Pléistocène. Au cœur de ces marais maudits, se trouve un phare identifié comme étant le point d'origine du miroitement : c'est là que se dirige la mission à laquelle Lena prend part. L'inquiétude sourd de ce sujet même : le monde humain semble condamné, grignoté peu à peu par l'horreur qui suinte du phare et qui s'étend sans opposition.

Face aux monstruosités d'une nature contrefaite, les terreurs les plus animales éveillent la folie chez les cinq femmes de l'expédition : perte de contrôle des émotions, puis du corps ; fanatisme ou au contraire mouvement de repli ; et en fin de compte auto-destruction. Dans ce monde si dangereux, un autre aspect de la menace provient des bagages mêmes des êtres humains - ce que les exploratrices emportent avec elles et en particulier dans leurs têtes - et cette horreur psychologique s'instille peu à peu, à la faveur de découvertes macabres plus atroces les unes que les autres, horreur de surcroît renforcée par les excellents choix musicaux. Film d'horreur très bien caractérisé, Annihilation n'est pour autant pas un slasher : le véritable tueur n'est pas l'un de ces animaux ayant échappé aux lois de l'évolution contre lesquels doivent se battre les exploratrices... car c'est en réalité la zone elle-même, qui lutte pour sauvegarder ses secrets - ou peut-être pour établir le contact avec le monde extérieur. Soutenue peut-être par son propre désir de compréhension, Lena sera la seule survivante - comme on peut s'y attendre - et donc la seule à rapporter au monde quelques données tangibles. Celles qui laissent à penser qu'il y a peut-être un espoir de cohabitation avec le miroitement... à moins qu'il ne soit tout compte fait trop tard, d'une façon ou d'une autre.

Avec sa fin ouverte, Annihilation dérange avec talent jusqu'à sa dernière seconde ! Choix graphiques, choix musicaux et lecture assez libre de l'oeuvre adaptée, l'audace a été de mise dans la réalisation de ce film qui mérite bel et bien d'être vu...

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