Captain Marvel

Depuis le fameux Infinity Wars d'il y a un peu moins d'un an, et hormis Deadpool 2 ainsi qu'Ant-Man et la Guêpe (vu en marge de Nemo 2018 et pas chroniqué depuis), je n'ai pas eu l'occasion de me confronter au Marvelverse ! En guise de répétition générale avant la sortie prochaine du second volet d'Infinity Wars, les studios Marvel ont livré il y a quelques jours un nouveau film de super-héros introduisant le personnage de Captain Marvel - qui est, d'après ce que j'ai compris, la plus puissante parmi les super-héros du Marvelverse...
Résumé : 
Vers est une guerrière Kree, dont le peuple est engagé dans un conflit terrifiant contre les Skrulls aux pouvoirs de métamorphes. Elle possède une aptitude rare - celle de projeter par ses mains des faisceaux d'énergie photonique destructrice - et son mentor Yon-Rogg cherche par tous les moyens à lui faire contrôler ses émotions, seule façon pour elle d'être l'outil dont l'intelligence suprême des Kree a besoin dans sa guerre. Engagée sur une planète aux marches de l'espace Kree, Vers est capturée lors d'une embuscade Skrull : leur leader Talos fouille sa mémoire et y met au jour d'étranges souvenirs - ceux d'un passé pas si lointain où Vers aurait vécu sur un monde arriéré, où elle aurait été pilote d'essai au service d'une chercheuse émérite et où elle aurait toujours cherché à se relever afin de faire son travail. Un monde que ses habitants appellent la Terre - un monde où elle atterrit après une évasion spectaculaire. Un monde qui n'a pas encore pris contact avec les civilisations de l'espace - et qui abrite certains secrets après lequel courent les Skrulls et les Kree. Mais qui est Vers ? Pourra-t-elle retrouver la mémoire de son passé ? A qui pourra-t-elle faire confiance dans sa route ?
La mémoire fonde l'identité : ce qui fait de l'individu ce qu'il est au sein du groupe social, c'est sa mémoire de ses expériences passées - partagées en général avec ses pairs - qui oriente ses actions futures. Dans ce film, Vers a été privée de sa mémoire, à laquelle s'est substituée une loyauté aveugle aux principes de la société Kree : quand l'identité personnelle fait défaut, le sujet trouve son propre salut dans celle du groupe - et les Kree, dirigés par une intelligence artificielle et une mystique guerrière incitant à l'abnégation voire à l'oblitération au profit du plus grand nombre, possèdent en effet une identité de groupe écrasante. Le portrait de leur société totalitaire, s'il est expédié en quelques scènes au début du film, ne trompe pas tout à fait : cette histoire commence de façon dérangeante et Vers apparaît d'ores et déjà comme un électron libre au sein du groupe, ce qui préfigure son épopée pas si solitaire sur Terre... Les ennemis des Kree ont eux aussi une relation trouble à l'identité : chaque Skrull peut mimer l'apparence, les souvenirs et même l'ADN de sa cible (à tel point qu'il est tentant pour l'amateur de Dune d'y voir une citation claire aux Danseurs-Visages !). Là où les Kree font passer l'identité de groupe devant celle de l'individu, les Skrulls leur font figure d'adversaires aussi absolus que répugnants puisqu'ils peuvent s'insérer au groupe en usurpant l'identité individuelle : existe-t-il pire invasion que celle d'un ennemi capable de prendre les traits de vos amis, de vos voisins, sans que vous puissiez vous en douter à moins d'en avoir le soupçon préalable ? C'est entre ces deux conceptions de l'identité - celle où le groupe définit l'individu et celle où l'individu peut remodeler le groupe - que doit évoluer Vers, ce qu'elle fait avec d'autant moins de confort qu'au fond, les deux conceptions lui sont étrangères. Vers le sait, il existe en elle des expériences qui en font un individu à part au sein des Kree... mais elle en fait aussi l'expérience, il existe quelque part un groupe auquel son allégeance va d'ores et déjà. C'est donc, en toile de fond de ce film, un beau raisonnement par contraposée qui nous est offert et qui nous montre qu'être humain c'est avoir une double identité : celle du je et celle du nous.

La quête qui conduit Vers à sa propre identité, si elle constitue le principal sujet du film, n'en est pas l'argument réel. Captain Marvel s'inscrit dans un univers plus large dont les fils d'intrigue sont en grande partie avancés depuis plusieurs années : si l'intrigue de celui-ci se déroule en 1995 - et donc plusieurs années avant la phase actuelle du Marvelverse - le spectateur le sait, tout dans ce méta-univers de fiction converge en direction de l'événement d'extinction planifié par Thanos... et il s'agit bel et bien pour le scénario de chaque film, à commencer par celui-ci, de ménager les moments permettant de le rattacher à l'ensemble. Comme je l'évoquais en introduction du présent article, il était compliqué pour Captain Marvel de s'affranchir tout à fait du prochain Avengers : l'astuce narrative qui consiste à faire se dérouler l'un près d'un quart de siècle avant l'autre, au-delà du petit sourire qu'elle éveille chez le spectateur ayant connu l'année 1995 et reconnaissant les technologies du passé - ah ! l'époque où AltaVista était réputé comme le meilleur moteur de recherche... - permet bel et bien de donner à Captain Marvel toute sa stature d'histoire avant l'histoire. Au fond, il s'agit de justifier l'apparition de ce nouveau personnage de super-héros dans un conflit auquel jusqu'à présent elle n'avait pas été mêlée - mais aussi de montrer en quoi son insertion dans l'équipe des Avengers est aussi naturelle qu'inévitable. La connexion s'établit grâce à l'irruption du personnage de Nick Fury, plus jeune et doté de ses deux yeux, dont la coopération avec Captain Marvel éveille son intérêt pour les super-héros - et dont la confrontation avec les Skrulls et les Kree entraîne une prise de conscience, celle de la faiblesse de la Terre dans un univers peuplé de civilisations dangereuses et d'êtres surpuissants. C'est en effet le leitmotiv de tout le Marvelverse : la simple humanité vit dans une illusion, celle d'un univers prévisible où le quotidien répond à des lois empiriques... sauf que, parfois, l'hybris d'êtres d'exception vient s'en mêler. Le super-héros est le personnage qui - bien que disposant d'aptitudes non ordinaires - sait faire face à l'hybris et cherche à rétablir le fonctionnement normal du quotidien. A ce titre, Captain Marvel  - qui cherche à mettre fin aux guerres - est bel et bien le plus puissant des super-héros de cet univers... Bravo !

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