Avengers : Infinity Wars

Dernier sorti dans l'exploitation ciné du Marvelverse, cette n-ième itération de la franchise Avengers annonçait la couleur : il s'agissait bel et bien malgré son nom d'un cross-over des trois univers Marvel (super-héroïque, space-opera et magique). Le spectacle promis par la bande-annonce (et par le poster officiel, aussi...) promettait d'être grandiose. Qu'en a-t-il été ?
Résumé : 
Asgard est en ruines, Thor et Loki sont en fuite - et leur vaisseau spatial est attaqué par les sbires du titan Thanos. Désireux de s'emparer d'une seconde pierre d'infinité, le monstre contraint Loki à lui céder le tesseract qui lui fera faire un pas de plus vers son objectif : devenir l'être le plus puissant de l'Univers. Pourtant, il reste pire à craindre : deux des pierres d'infinité se trouvent sur Terre, l'une étant aux mains du Docteur Strange et l'autre vissée dans la tête de Vision. Aussi, quand les exécutants de Thanos débarquent à New York et en Ecosse, le combat s'engage aussitôt : si le titan met la main sur la collection des six pierres, il sera en mesure de remodeler l'Univers à son gré. Les Avengers pourront-ils l'arrêter à temps ? Sauront-ils rassembler tous les alliés dont ils ont besoin dans cette tâche... titanesque ?
Si la tâche des Avengers promet bel et bien d'être assez vaste pour les dépasser, l'ambition des scénaristes elle-même semble confiner à l'ubris : il s'agit de rassembler pas moins de trois univers de fiction - certes déjà connectés - à savoir celui du Docteur Strange, celui des Gardiens de la Galaxie et bien sûr celui des Avengers. Peu de personnages manquent à l'appel dans chaque univers, si bien que le film fait très vite se rencontrer les différents protagonistes, en trois lieux différents, et dessine ainsi trois fils d'intrigue distincts dont tous convergent vers un objectif : empêcher Thanos d'acquérir les fameuses pierres d'infinité. A voir cette créature énorme et monstrueuse qui évoque volontiers un avatar de Morgoth - les pierres d'infinité jouant le rôle des Silmarils - on se dit qu'il fallait bien, en effet, que toute la fine équipe tombe un jour sur un adversaire à sa mesure. Et, de par le fait, cela pète et cela claque presque à chaque minute : la citation du legendarium de Tolkien devient de plus en plus transparente au moment où le commando arrivé sur Titan parvient presque à son objectif et prive un instant le super-ennemi de son arme... Sauf que le destin lui-même ne désire pas de cette victoire - et que ce sont les sentiments les plus humains qui perdront les si courageux défenseurs du concert universel.

Dans ce schéma si inquiétant, l'affreux Thanos apparaît peu à peu comme un super-vilain très atypique. Là où les Avengers, tout comme Strange et les Gardiens de la Galaxie, devaient dans la plupart de leurs films se confronter à l'ambition illimitée d'un être désireux de s'imposer comme le maître de la planète - ou de l'Univers voire du multivers dans certains cas - la volonté de puissance de Thanos n'est pas une fin en elle-même. Le titan est conscient de ce que, sur chaque monde, les ressources disponibles sont limitées : la vie intelligente se développant jusqu'à épuisement de celles-ci, toute civilisation finit par s'effondrer en laissant derrière elle les ruines de son génie. Dans sa propre vision de l'univers, Thanos agit donc en tant que bienfaiteur de l'intelligence : pour sauvegarder celle-ci de l'autodestruction, il convient d'en éliminer la moitié des représentants afin que les survivants puissent enfin vivre dans l'opulence. La froideur toute mathématique du calcul serait de nature à classer Thanos dans la catégorie des méchants psychopathes persuadés de pouvoir faire le bien à coups de génocides - et en effet l'un de ses sbires se fait-il qualifier de Voldemort par un Iron Man très en verve - et pourtant, le super-méchant n'est pas sans faire la démonstration d'affects intelligibles au spectateur : atypique au point d'en être plus effrayant que tout autre méchant Marvel, cet antagoniste cherche donc le pouvoir comme un moyen d'accélérer la réalisation de son projet, à savoir construire sa propre définition de l'utopie...

Face à pareil ennemi, les personnages se trouvent pour la première fois mis en danger d'une façon tangible : coupés de leurs alliés habituels, isolés ou privés de leurs amis par les circonstances passées ou présentes, incertains de la route à suivre puisqu'il n'y a pas de notice quand c'est la fin du monde. Concentrer en un seul film plusieurs personnages issus de plusieurs histoires distinctes, lorsque menace la disparition de la moitié des êtres intelligents de l'univers, est la garantie d'offrir au public un nombre élevé de morts problématiques. Plus que jamais, il y aura des trous dans l'équipe des Avengers mais aussi ailleurs dans le Marvelverse, et si la mort n'a pas toujours été définitive au sein de cette franchise, nul doute que cette fois-ci certains personnages ne se relèveront pas au terme de l'aventure. Le film se conclut sur un post-climax des plus sombres, malgré cette belle scène où un Thanos meurtri contemple un lever de soleil sur l'univers qu'il vient de reconstruire au prix d'un génocide inouï, et l'unique scène post-générique n'apporte pour ainsi dire aucun contrepoint au désarroi des survivants parmi les protagonistes : belle façon d'inciter les spectateurs à suivre les prochaines itérations du Marvelverse !

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