Kin : le commencement

La bande-annonce de ce film insistait volontiers sur la présence des producteurs de Stranger Things aux commandes et semblait chercher en fait, à force de synthétiseurs, à éveiller une envie chez les amateurs de cette belle série. Je suis faible : je me suis laissé tenter... Pour le meilleur ou pour le pire ?
Résumé : 
Eli vit à Detroit où, au milieu des ruines, il surnage dans le naufrage de sa famille. D'expulsions temporaires du Lycée en vols de métaux dans des usines abandonnées, son horizon est celui du désespoir : son père adoptif est sa dernière figure parentale survivante au moment où son grand frère Jimmy sort de prison. Au cours d'une de ses rapines, Eli est témoin d'une scène étrange et finit par s'emparer d'un objet qui ressemble à une arme inconnue. Qui en sont les propriétaires ? Devra-t-il s'en servir alors que les combines de son frère achèvent de détruire leur famille si fragile ?
Kin est un mot anglais dont la traduction n'a rien d'évident. Selon le contexte, il pourra vouloir dire famille, parenté biologique, parenté sociale ou même parenté d'esprit. "We're kin" : belle façon de dire d'un groupe auquel on appartient qu'il constitue bel et bien une forme de communauté stable sans trop en dévoiler sur la nature de celle-ci... Kin : le commencement annonce donc la couleur dans son titre : c'est une histoire de parenté(s) qui est racontée ici. Eli possède au moins deux familles : celle qui l'a élevé dans un environnement social et culturel de plus en plus dégradé, mais aussi l'autre qui l'a engendré avant de le mettre à l'écart pour des raisons mal définies. Avoir deux familles, cela ne veut pas dire pour autant avoir deux récits des origines : chacun ne peut en avoir qu'un seul, et les mystères qui pèsent sur le passé troublé d'Eli ne peuvent trouver leur sens que si l'on prend en compte l'unicité de ce récit. Celui-ci se matérialise en prenant la forme de cette arme qui ne répond qu'à Eli et qui semble venir d'un monde parallèle : récit de science-fiction, Kin : le commencement cherche très vite à rattacher le récit des origines de son jeune protagoniste à une dimension étrangère, où semble se jouer une guerre - et très vite aussi, l'utilisation qu'Eli fait de l'arme avec laquelle il partage l'affiche attire après lui des chasseurs venus d'ailleurs...

Au fond, quelle est la famille d'Eli ? Se trouve-t-elle dans cet autre monde pour lequel il semble avoir une affinité génétique puisqu'il est le seul à pouvoir manipuler l'objet aussi fascinant que dangereux qui en provient ? Ou bien se trouve-t-elle dans le monde où il a grandi ? Adoptant pour une bonne partie de son temps fictionnel la forme du road-movie, Kin : le commencement donne à voir le rapprochement qui s'opère - à la faveur des circonstances dramatiques liées à de mauvais choix faits dans le passé - entre les deux frères adoptifs dont le plus adulte n'est pas celui qu'il paraît au premier abord. Le duo se voit bientôt complété par un troisième enfant perdu, en l'occurrence une gogo-danceuse rencontrée lors d'une visite en forme de transgression à un titty bar minable : pour le spectateur, qui en sait plus que le naïf Eli à ce stade-là de l'histoire, le voyage prend des allures lamentables - à l'image des crasseux motels où descend la petite troupe - et comme on est aux Etats-Unis, cela ne peut que (mal) se terminer suite à une visite à un casino. Famille bien dysfonctionnelle que celle d'Eli, où le dernier adulte en charge se révèle être un aimant à catastrophes... quant à "l'autre" famille, celle de la génétique, est-elle meilleure ?

Pour être en mesure de répondre à cette question, il faudrait se pencher sur le volet science-fictif de cette histoire. Et là... Il faut bien reconnaître que Kin : le commencement ne parvient presque jamais à surprendre : la révélation finale est attendue, Eli n'est pas tant gentil qu'effacé, le soldat venu d'ailleurs est propre sur lui sous son casque - tout droit sorti de la garde-robe des Daft Punk - et l'ensemble de la baston finale est un long et peu vraisemblable tunnel de bruit, de balles et d'explosions... Quel malfrat au juste imaginerait de prendre d'assaut un commissariat rempli de policiers pour accomplir sa vengeance ? Il en ressort que ce film n'a pas cherché à faire mieux qu'à greffer - avec maladresse qui pire est - les deux pans de son intrigue l'un sur l'autre : le personnage d'Eli, à lui seul, n'est pas assez puissant pour donner à l'ensemble le liant qui lui manque et l'on finit par se demander si l'on n'est pas en train de regarder quelque mash-up de Tron et d'un récit de voyage en famille... Quel dommage !

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