Survival Family

Vu dans le cadre du festival des Intergalactiques de Lyon, ce film post-apocalyptique japonais m'a fait de l’œil malgré son genre... et l'on va vite comprendre pourquoi !
Résumé : 
La famille Suzuki mène une vie ordinaire à Tokyo en 2016 : le père travaille à deux stations de RER de l'appartement familial, la mère fait tourner le ménage, le fils aîné fait des études à l'université alors que sa sœur est encore lycéenne. Tous comptent sur les technologies du présent et sur l'électricité pour accomplir leurs tâches quotidiennes comme leur superflu... mais que peut-il se passer le jour où la technologie se met à faire défaut ? La vie peut-elle continuer longtemps comme si de rien n'était ?
Qu'est-ce qu'une vie normale ? De nos jours et dans les pays développés, c'est une vie où il suffit de tourner un robinet pour obtenir de l'eau potable, où les commerçants du quartier ont tout ce qu'il faut pour vous fournir de la nourriture à préparer le jour où votre frigo et vos placards sont vides, où un interrupteur permet de chasser l'obscurité ainsi que le froid, où trains, voitures et avions vous permettent de franchir des distances considérables en quelques heures et où un objet à peine plus grand que votre main vous permet de garder le contact avec votre famille, vos amis et le monde en général. Voici la vie qu'au Japon comme en France beaucoup de gens considèrent comme normale au point de se demander comment, au juste, on faisait avant l'électricité.

Imaginons à présent un monde sans électricité : les centrales ne fonctionnent plus et le réseau n'est plus alimenté - et qui pis est, les piles elles-mêmes sont vides si bien que toutes les machines électriques, sans exception, s'arrêtent à la même heure. Les coupures électriques, cela se produit parfois - en France comme au Japon - et les gens savent qu'il convient alors de patienter... le temps que la vie normale reprenne ses droits. L'argument de ce film est bel et bien celui du délai qui s'allonge entre le premier incident, dont l'explication importe en fin de compte assez peu, et celui du retour de l'électricité : dans ce délai, la vie normale disparaît et si son souvenir ne s'efface pas des mémoires, il devient de plus en plus évident que l'on doit adopter de nouveaux paradigmes - ou plutôt qu'il convient d'en rétablir des anciens. L'économie cesse d'être monétaire, les biens et les services pouvant être dès lors acquis par le troc, le pillage ou le vol ; les connaissances nécessaires à la survie deviennent une richesse incalculable bien qu'elles puissent être acquises par imitation ; et les talents particuliers font de l'individu qui en dispose une ressource humaine incontournable. C'est ainsi que la civilisation ne s'effondre pas tout à fait : les rapports sociaux si codifiés au Japon l'interdisent et les gens font avec les nouvelles conditions de vie.

La famille dysfonctionnelle dépeinte lors du dernier jour de vie normale que connaît le monde lors de ce film nous montre, par le petit bout de la lorgnette, quelles qualités sont nécessaires à la survie dans un monde aussi différent que celui où l'électricité aurait disparu. La modification des rapports sociaux et la disparition de l'argent impliquent la prise en compte des nouvelles règles économiques, et par conséquent de nouvelles formes de négociation auxquelles la mère - brillante praticienne de l'économie domestique - présente aussitôt des aptitudes fort utiles. Le père, une fois délesté du lourd dossier fiscal sur lequel il planche au sein de son entreprise, peut orienter son énergie vers la recherche de ressources alimentaires ou de solutions de voyage, quitte à consentir au sacrifice de lui-même. Les enfants, libérés de leurs addictions technologiques et de leurs illusions sociales, donnent libre cours à leur pensée associative et identifient avec justesse l'eau déminéralisée ainsi que la nourriture pour chats comme des ressources intéressantes bien que négligées par les pillards dans les supermarchés...

Si la morale de fin peut sembler décevante - la fonctionnalité de l'individu et en réalité son bonheur lui étant rendus par la catastrophe mais ne disparaissant pas au moment du retour à des conditions de vie normales - elle n'est jamais que la conclusion logique d'un film plus drôle que tragique. Partant du même postulat de base que le Ravage de René Barjavel, Survival Family verse dans l'humour plutôt que dans l'atroce. Après tout, s'il est vrai que perdre la guerre n'implique pas de perdre l'appétit, la fin du monde n'est pas celle des situations aussi cocasses qu'improbables - et ne doutons pas la famille Suzuki, après avoir passé deux ans à vivre comme à l'époque d'Edo, en sera sortie changée dans le bon sens... et capable de rire des péripéties rencontrées alors !

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