Ringworld

L'Anneau-Monde de Larry Niven, c'est l'un de ces romans classiques (1970 tout de même) que je n'ai jamais lus et qui, c'est certain, manquent à ma culture SF. Je me suis donc attelé cet été à sa lecture en VO...
Résumé : 
Dans un futur pas trop éloigné, l'espèce humaine a réalisé le contact avec plusieurs autres espèces intelligentes, certaines hostiles - telle que celle des kzinti, des humanoïdes féliformes - et d'autres énigmatiques - telle que celle des marionnettistes de Pierson, à trois pattes et deux têtes. Louis Wu a dépassé les deux cents ans lorsqu'il rencontre son premier marionnettiste, qui l'entraîne dans une étrange aventure... Les marionnettistes ont en effet fui l'espace connu quelques temps auparavant car un cataclysme d'envergure galactique promet de balayer la région dans quelques milliers d'années : pour cette espèce ayant une forte aversion au risque, le moment était donc venu de plier bagage. Pourtant, un problème se fait jour : quelque part aux frontières de l'espace connu les marionnettistes ont détecté un système stellaire vidé de ses planètes par une espèce extraterrestre inconnue, qui a de surcroît construit un artefact surprenant : rien de moins qu'un anneau de la taille d'une orbite planétaire ! Nessus le marionnettiste recrute alors Louis Wu, mais aussi le kzin Parleur-aux-Animaux et la femme Teela Brown pour explorer l'Anneau-Monde et en arracher les secrets. Entre les partenaires méfiants les uns à l'égard des autres, la technologie qui dissimule bien des surprises et les dangers d'un artefact abandonné par ses créateurs pour des raisons inconnues, la mission promet de ne pas être de tout repos...
De ce livre, j'attendais une exploration en règle de cette structure géante et fascinante qui lui donne son titre. A mi-chemin entre le "big dumb object" du style Rama et la sphère de Dyson telle que celle d'Omale, l'Anneau-Monde apparaît un peu comme une création science-fictive bâtarde : projet d'ingénierie dantesque portant toutefois la marque des limitations de ses créateurs, capables de récupérer une partie de l'énergie d'une étoile mais pas pour autant de refermer la sphère autour d'elle pour en accaparer la totalité. Cette idée d'une société d'Ingénieurs talentueux sans pour autant avoir été capables de s'élever jusqu'au sublime est explicitée par l'auteur au fur et à mesure de son ouvrage : l'Anneau-Monde porte la marque des erreurs conceptuelles de ses créateurs, qui ont tout prévu hormis la chute de leur civilisation ! Rien, dans cette construction étonnante, ne garantit en effet la pérennité d'une culture vouée à l'effondrement : les machines se dégradent, les gens perdent la volonté ou même le savoir nécessaire à leur entretien, les villes se vident et les sociétés se décomposent, vivant désormais de miettes et dans les ruines, ou retournant même à la superstition - et les explorateurs naufragés auront bien des difficultés à trouver une combine pour reprendre l'espace...

Exploration il y a donc, mais pas exploration en règle, et l'Anneau-Monde lui-même tarde à faire son entrée - ou bien pour être plus précis les personnages tardent beaucoup à y poser le pied. Les nécessités de l'exposition des différentes espèces impliquées dans l'expédition prennent un temps fictionnel important qui finit par être lassant pour le lecteur. On intègre assez vite la rivalité entre humanité d'une part et kzins d'autre part, et l'on devine que les marionnettistes - ce nom en dit au passage beaucoup et peut-être même un peu trop ! -  jouent un camp contre l'autre afin de satisfaire au fond leurs propres intérêts ; on s'habitue assez vite à ce contexte où l'espèce humaine a remporté toutes ses guerres par chance in fine... mais le vrai problème, c'est bel et bien cette exploration bâclée où les personnages partent un peu au petit bonheur en espérant trouver une solution pour réparer leur vaisseau, se disputent, se perdent, se retrouvent, naufragent à nouveau, manquent de se faire brûler vifs par des tournesols extraterrestres (!), se battent contre des primitifs ou bien se font passer pour des dieux afin d'en retirer leur subsistance. On pourra m'objecter que L'Anneau-Monde est une oeuvre de socio-fiction et qu'il s'agit en réalité de l'exploration d'une société disparue, presque de l'archéologie future... sauf que ! En quoi la socio-fiction de L'Anneau-Monde nécessite-t-elle cet objet si original ? Les ressources s'épuisent tôt ou tard sur n'importe quel objet céleste, grand ou petit, et si la leçon est celle de la dégénérescence d'un monde artificiel, n'importe quel grand vaisseau pouvait faire l'affaire. On en reste par conséquent sur notre faim : l'Anneau-Monde n'est au fond ici qu'un décor pour une histoire pas tout à fait dimensionnée à sa taille, et les personnages le comprennent bien, eux qui ne cherchent qu'à s'en échapper ! Quelques images finales très belles viendront achever de décevoir le lecteur : ces étoiles qui se trouvent au sommet d'une montagne (enfin, à peu près), ces constatations que font les personnages qui reconnaissent n'avoir exploré qu'une part infime de cet Anneau-Monde (les océans et leur contenu restant par exemple inconnus) et cette mutilation qui affecte l'un des protagonistes... On se dit, en refermant ce livre, que l'on espérait autre chose de la part d'un classique...

Du sense of wonder, par exemple.

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