Le Dragon sous la Mer

Une nouvelle lecture dans le cadre du Défi Frank Herbert avec ce classique antérieur à Dune.
Résumé :
Le futur proche. Les Etats-Unis livrent une guerre d'usure aux Puissances Orientales, un conflit au cours duquel la Grande Bretagne a été atomisée. A présent, le pétrole vient à manquer... La solution, c'est d'aller en voler dans les puits contrôlés par l'ennemi, sur les plateaux continentaux européens. Un travail dangereux, que seule l'élite des sous-mariniers peut réussir. Or, les missions précédentes ont toutes échoué : entre les murs des sous-marins furtifs, les hommes développent des maladies psychiques pouvant les conduire au drame. Ramsey est psychologue. La Marine prend la décision de lui faire rejoindre un équipage afin qu'il puisse lui éviter le pire - et peut-être garantir la sûreté de futures missions... Mais, plongé dans l'un des environnements les plus hostiles qui soit, et pourchassé par un ennemi implacable qui a peut-être bien ses agents à bord, le psychologue ne risque-t-il pas à son tour de sombrer dans la psychose ?
Il s'agit d'un livre à l'ambiance bien claustrophobique. Le sujet, en soi, est déjà un brin casse-gueule : l'équipage du sous-marin fait avancer son navire à la seule oreille et bidouille en permanence pour tromper celle de ses poursuivants. Il faut bien reconnaître que le Maître ne s'est, en plus, pas simplifié la tâche en faisant de son personnage principal un expert en psychologie, et de surcroît, une psychologie assistée par ordinateur, dont le but est de décrypter le fonctionnement du capitaine qui est, à sa façon, un rouage dans la machine. On n'est pas loin, ici, du thème de la machine qui cherche à comprendre une autre machine et donc, peut-être, du Jihad Butlérien évoqué dans Dune. Ce n'est sans doute pas un hasard si ce roman est antérieur de quelques années au chef-d'oeuvre du Maître.

Dans ces fonds marins où la pression menace à tout instant de rompre les parois fragiles du sous-marin, une autre pression s'exerce sur les esprits et menace de les conduire au point de rupture. Frank Herbert y oppose une religiosité qui s'impose d'elle-même, comme par une sorte de loi naturelle : soumis à des forces qui le dépassent, l'être humain peut ne plus avoir foi qu'en une dimension d'ordre supérieur et, en fin de compte, c'est un miracle si le sous-marin revient à bon port... Dans le même temps, le thème de la maternité apparaît bien au-delà de la simple suggestion : le tunnel par lequel le sous-marin est expulsé de sa base est assimilé à une trompe de Fallope et l'océan lui-même à un bain amniotique. Une histoire d'hommes, écrite par un homme, pour des hommes ? Les retrouvailles de Ramsey avec sa femme, à la fin, et d'une façon générale les relations des personnages principaux avec les rares personnages féminins (dont certains ne sont qu'évoqués) apparaissent très peu convaincantes.

Dans ce roman, le Maître montre déjà son goût pour les liaisons dangereuses entre les mystères de l'esprit et les prouesses du corps. Mais, en assimilant d'une façon aussi caricaturale les thèmes de la féminité/maternité à ceux d'un "ailleurs" divin et transcendant, il nous fait un aveu : il n'est pas encore l'auteur de Dune.

Commentaires

Efelle a dit…
Pas le meilleur Herbert, on est sur la même longueur d'ondes. Il me fait penser à Destination Vide qui est dans la même veine.
Anudar a dit…
"Destination Vide", c'est déjà plus dunien... D'ailleurs, l'un des comparses de DAR y a détecté une citation qui permet d'identifier (sans doute) l'origine du mot "Butler" dans Jihad Butlérien.
Guillmot a dit…
Je me tâte à lire celui-là :) Pour l'avoir lu.
Anudar a dit…
J'ai pas compris le lien entre le début et la fin de ton commentaire ?