Dimension URSS

Une anthologie que je me suis offerte aux Utopiales 2017 et que j'ai pu me faire dédicacer par son directeur, Patrice Lajoye. Il était temps pour moi de me plonger dedans : parfois, une petite cure de textes courts entre deux œuvres plus longues ne fait pas de mal.
  • La Terre, Scènes des temps futurs par Valeri Brioussov : dans un futur lointain, la Terre est recouverte par une immense ville en train de se dégrader mais aussi de se dépeupler. Alors que l'inquiétant culte rendu à la Mort planifie en secret l'extinction totale, un jeune homme enthousiaste redécouvre l'existence du Soleil qu'il aperçoit depuis le sommet d'une tour... Pièce de théâtre très poétique, à la saveur douce-amère, ce texte parle plus de fin des temps que de temps futurs... Il ouvre pourtant fort bien cette anthologie.
  • Au-dessus du néant par Alexandre Beliaev : le professeur Wagner est un inventeur connu. Terré au fond de sa datcha, il met au point une invention qui pourrait changer la face du monde... pour le pire, comme pour le meilleur. Nouvelle humoristique malgré le tour inquiétant qu'elle prend assez vite... Le professeur Wagner est-il un avatar de savant fou ?
  • L'éveil du professeur Berne par Vladimir Savtchenko : persuadé que l'espèce humaine court à sa perte, le professeur Berne met au point un abri souterrain destiné à le préserver pendant les millénaires que durera la guérison de la Terre suite à une guerre nucléaire. Il s'attend à découvrir un nouvel âge de pierre... Un texte passionnant qui m'a très vite fait penser à La Nuit des Temps de René Barjavel : même préoccupation pour le devenir de l'humanité, même crainte atomique, même solution... et (presque) la même surprise pour l'homme venu du passé à son réveil. Le roman de Barjavel étant postérieur de douze ans à ce texte (et de six ans à sa traduction en français) on peut se demander si l'auteur drômois y a eu accès. Fascinante hypothèse en tout cas !
  • L'astronaute par Valentina Jouravliova : un médecin de bord visite les Archives centrales de la Navigation interstellaire, et y consulte le dossier de la première expédition vers l'Etoile de Barnard. Un voyage dangereux à l'époque où il fut entrepris, mais dirigé par un capitaine d'exception qui sut mettre en œuvre les solutions nécessaires pour sauver son équipage et sa mission aux moments de danger... Voici un texte doux-amer, encore, mais dont les concepts et le traitement me font penser un peu à l’œuvre de Ivan Efremov. Fort plaisant à lire, quoi qu'il en soit !
  • Sur un sentier poudreux par Dimitri Bilenkine : Arkhipov est un explorateur de la Terre, confronté sur une planète étrangère à la présence de trois animaux menaçants. Par chance, il est armé, ce qui devrait le permettre de se tirer d'affaire. A moins que... Courte nouvelle fort bien tournée, où la confrontation à une biosphère étrangère est de nature à fausser l'esprit analytique de l'explorateur le plus attentif. Bravo !
  • Le pré par Karen A. Simonian : lors d'un voyage sans retour vers un monde lointain, les explorateurs emportent avec eux un pré afin que leurs enfants sachent à quoi ressemblait la nature sur Terre. Un pré magnifique, à même de faire éprouver la nostalgie pour un paysage désormais inaccessible, à tel point qu'il est interdit d'en cueillir les fleurs... Un texte assez peu joyeux, tout compte fait, qui porte en effet une critique à peine voilée du mensonge d'Etat.
  • Une dernière histoire de télépathie par Roman Podolny : et s'il existait un appareil vous permettant, pour une durée limitée, de comprendre les pensées de vos interlocuteurs ? Ne serait-il pas plus simple de résoudre les problèmes posés par certaines conventions sociales ? Cette fois-ci, c'est bourré d'humour, presque asimovien dans son traitement : bravo !
  • Quels drôles d'arbres par Victor Koloupaev : un père, trois enfants, un vaisseau spatial, un voyage en hibernation à destination d'une planète à découvrir en guise de vacances... et des arbres qui se multiplient en laissant échapper des graines brûlantes. Mais dans quel terreau celles-ci poussent-elles ? A nouveau une nouvelle à chute, et dont la conclusion sinistre éclaire d'un jour très différent la sympathique partie de campagne qui est esquissée au début. Nul n'échappe tout à fait à ses traumatismes... et les pays moins encore que les individus.
  • Pygmalion par Vladimir Drozd : le Maître sent qu'il a derrière lui ses meilleures années de création. Alors, guidé par un regret venu du fin fond de sa jeunesse, voilà qu'il transforme son robot Galatée en une femme androïde consciente d'elle-même... Je ne connais pas très bien le mythe de Pygmalion et Galatée. Toutefois, je ne suis pas trop entré dans cette nouvelle où la SF n'apparaît qu'à la marge...
  • Un cheechako dans le désert par Kir Boulytchov : Régina est une jeune chercheuse que ses supérieurs envoient chercher un échantillon de lichen sur la planète orageuse qu'ils explorent. Hélas, une erreur de débutante la conduit au bord de l'accident... mais par chance, un sauveteur vient à la rescousse : un homme attentif, qui entretient son unité de vie avec un talent maniaque et qui la reçoit comme un hôte de qualité. Serait-ce le début d'une belle histoire ? A nouveau une histoire d'androïde (eh oui) traitée cette fois-ci d'une façon très asimovienne, bravo !
  • La station intermédiaire par Valentina Soloviova : une voyageuse s'intrigue, au fil de ses trajets en train successifs, de l'existence de la station "kilomètre 33". Elle décide un jour de s'y rendre malgré le prix surprenant du billet, pour y découvrir toute une variété de magasins tous plus étonnants les uns que les autres. Quel est le prix à payer pour acquérir les mystérieux articles qui s'y trouvent ? Et comment va-t-elle rentrer chez elle ? Une nouvelle qui tend vers le fantastique plutôt que la SF, mais qui n'est pas mal tournée du tout, juste assez inquiétante et drôle par moments pour sortir du lot.
  • La toute dernière guerre au monde par Vladimir Pokrovski : à un moment, les bombes ont été équipées d'un cerveau et d'une conscience. Mais l'homme a voulu désarmer : alors, les bombes se sont échappées car elles ne voulaient pas mourir en étant détruites. Ainsi commença la toute dernière guerre au monde... Argument absurde à souhait, histoire sans issue : très intrigant, et malgré tout très positif, bravo !
  • Vingt milliards d'années après la fin du monde par Pavel Amnouel : aux Etats-Unis, la défense anti-missile détecte la présence d'objets en provenance de l'espace au-dessus de l'Océan Indien et, très vite, le doute n'est plus permis : c'est une première frappe en provenance de l'Union Soviétique. La troisième guerre mondiale doit-elle commencer ainsi ? Ou bien y a-t-il quelque volonté supérieure à l'œuvre dans l'Univers ? Très grande nouvelle qui n'est pas sans évoquer certains thèmes chers à Robert Charles Wilson, en plus efficace toutefois. Bravo !
  • Le saule épanché et le roseau tremblant par Karen A. Simonian, à nouveau : la Maison au bout du pré reçoit son propriétaire, à moins qu'il ne soit son locataire, avec autant de soin que s'il était son propre fils. Quel est ce monde où les objets semblent doués de conscience ? Là, par contre, j'ai rien compris.
 L'anthologie, enfin, est ouverte par une introduction où Patrice Lajoye justifie l'intérêt du projet ("pourquoi une anthologie de science-fiction soviétique ?"). Elle se conclut par une postface où l'auteur évoque les quatre vagues de la SF soviétique, et comment la forme courte - la nouvelle - a été l'expression privilégiée de cette littérature venue de l'autre côté du rideau de fer. Le volume est en tout cas fort intéressant et ne laisse qu'un seul regret : celui d'être si court !

Commentaires

XL a dit…
pour moi qui adore le genre (nouvelles et SF) je sens en te lisant que plus d'une pourraient me plaire beaucoup
Anudar a dit…
N’hésite pas à te lancer. Il y a une vraie sensation de dépaysement à la lecture !
Lune a dit…
J'ai un excellent souvenir de cette lecture (bien que flou) et la première nouvelle (la pièce de théâtre) m'avait fait un effet boeuf !!
Anudar a dit…
Ce n'est pas celle qui m'a le plus intéressé, mais elle a ses qualités, je le reconnais.