Méta-Baron tome 6 : Sans-Nom le Techno-Baron

A nouveau du Méta-Baron, une série dérivée de l'Incaliverse imaginé par Jodo à la fin des années 70 et sans cesse étendu depuis...
Résumé : 
Dans le monde parallèle où vivent les Méta-Gardiennes, une bataille sans précédent est en train de se jouer. Les Techno-Technos ont franchi la barrière dimensionnelle afin de s'emparer de l'épiphyte si abondante au sein de ce nouvel univers : ils en ont besoin s'ils veulent sauver le leur à l'agonie... Malgré leur courage, les indigènes d'Algoma ne peuvent l'emporter contre les troupes Techno-Techno - et le Méta-Baron n'est pas long à découvrir que le Simak, cette créature métamorphe qui se dit transhumaine, est encore au service des forces impériales. Orne-8 elle-même est à bord du vaisseau amiral qu'elle dirige... Le Méta-Baron devra-t-il la tuer pour mettre fin à ce nouveau conflit ? N'y a-t-il pas quelque nouveau piège qui l'attend à bord du vaisseau d'Orne-8 ?
L'Incaliverse de Jodorowsky est un enfant de Dune. On le sait, le projet manqué d'adaptation du génial roman de Frank Herbert a déterminé une bonne partie de l'oeuvre de Jodo : parmi les déclinaisons de celle-ci, beaucoup portent la marque d'une lecture assez approfondie de Dune et de ses suites. La série Méta-Baron ne fait pas exception : s'écartant toutefois des sentiers rebattus, ce volume s'intéresse au plus près à la transhumanité du Simak - lequel, maître assassin capable de changer d'apparence comme de tenue, a réussi à se glisser au sommet de la hiérarchie de l'Empire et s'apprête ni plus ni moins qu'à supplanter l'espèce humaine. Il est difficile ici de ne pas voir une allusion des auteurs à la présence envahissante, au sein du Cycle de Dune tardif, des Danseurs-Visages tleilaxu capables de se substituer à la perfection aux individus qu'ils ont tués. L'image est saisissante : les auteurs donnent à voir de la corruption d'une espèce toute entière par des créatures qui traitent les individus comme de la vulgaire matière organique à retravailler par la génétique... Le processus est impressionnant, il est de toute évidence douloureux et sans retour - mais il est aussi et surtout imparfait. Le projet du Simak est donc par avance condamné : quelque chose est perdu au fur et à mesure des copies successives, et le caractère viral de celles-ci ne suffira donc pas à forcer une évolution radicale de l'espèce humaine vers cette fameuse transhumanité mise en avant par un précédent album.

Face aux aberrations et à l'hybris du Simak, le Méta-Baron va devoir à nouveau redevenir ce qu'il déteste - à savoir un tueur sans merci et même un mercenaire. Pour ce personnage qui semble toujours plus fatigué de lui-même - l'une des premières images de la série La Caste des Méta-Barons dont celle-ci est un spin-off le montrait sur le point de mettre fin à sa vie - chaque occasion de céder à sa nature est un renoncement et un pas de plus vers l'abîme. C'est de ce dégoût que le personnage éprouve pour lui-même que provient la dimension qui rend la série intéressante sur le long terme : Méta-Baron est une tragédie, celle d'un homme taillé par l'hérédité, la tradition et la technique pour être une chose en laquelle il ne veut plus s'incarner. Au fond, comme le fait remarquer le Simak, le Méta-Baron et le transhumain ont beaucoup en commun - à ceci près que le Méta-Baron n'a aucun hybris et cherche au contraire à défaire celui qui a présidé à sa propre naissance. Moins convaincant, dans ces conditions, se révèle ce triangle amoureux dont le précédent album avait esquissé la construction : même si c'est à ma connaissance la première fois qu'un Méta-Baron se voit confronté à ce type de difficulté, celui-ci en apparaît presque simpliste - et sa résolution en tire une saveur déplaisante, celle de la précipitation.

La chose n'est pourtant pas dommageable à l'album tout entier : celui-ci coule de source et se révèle tonique tout du long, remplissant fort bien sa mission de conclusion d'un cycle - et d'introduction au suivant...

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