Shazam !

Avertissement préliminaire : si vous êtes arrivés ici parce que vous cherchez des informations sur un film intitulé Shazaam que vous pensez avoir vu dans les années 1990, j'ai le regret de vous informer que vous êtes victimes d'un faux souvenir comme cet excellent article sur Vox devrait vous le démontrer. La présente chronique est celle du film de 2019, et vous remarquerez au passage que les deux titres ne sont pas identiques...
Résumé : 
Au fond d'une caverne remplie d'artefacts magiques et de portes conduisant vers des lieux peuplés de créatures inquiétantes, Shazam - le dernier du conseil des sept sorciers - veille sur les sept péchés capitaux jadis transformés en statues. Mais Shazam vieillit et, bientôt, les sept démons se libéreront : pour éviter l'Apocalypse, il faut trouver un champion au cœur pur qui saura prendre la relève et pétrifier à nouveau les péchés capitaux... Les candidats ne sont pas rares mais aucun d'entre eux n'est digne de la charge et Shazam les renvoie tous au monde humain, porteurs de souvenirs incompréhensibles. Thaddeus Sivana est l'un d'entre eux : ulcéré d'avoir été rejeté alors qu'il n'était qu'un enfant, il va dépenser l'immense fortune de sa famille à retrouver le chemin de la caverne et s'emparer du pouvoir qui l'a tenté... Billy Batson est quant à lui un orphelin qui écume famille d'accueil sur famille d'accueil : il cherche sa mère, qu'il a perdue dans une fête foraine alors qu'il avait trois ans, quitte à en recourir à des méthodes surprenantes. Son dernier exploit l'envoie chez Victor et Rosa, deux anciens gosses de l'assistance qui hébergent déjà cinq autres orphelins. Billy a beau ne pas avoir envie de faire partie de la famille, c'est en protégeant l'un des cinq autres pupilles qu'il se retrouve à son tour confronté à Shazam. Celui-ci vient d'être dépossédé de son plus grand trésor par Thaddeus qui a dans le même temps libéré les péchés capitaux afin d'entreprendre sa vengeance contre le monde entier. Contraint et forcé, Billy va devoir endosser le costume d'un super-héros presque invincible, et découvrir que la toute-puissance ne fait pas tout lorsque l'on manque d'expérience au moment même où un psychopathe veut s'emparer de la planète...
Il sera difficile ici de proposer un réel développement sur l'argument con à souhait de ce film : après l'histoire du prince exilé d'Aquaman, voici donc celle de l'orphelin du petit peuple qu'un magicien fait prince. Faudra-t-il écrire que c'est vu et revu ? Hélas oui, et il n'y a pas une seule des étapes de Shazam ! qui ne soit attendue.
  • Le héros que l'enfance a maltraité sur qui tombe une responsabilité dont il ne veut pas ? Check.
  • L'antagoniste que l'enfance a maltraité qui finit par faire le choix du mal ? Check.
  • Le héros qui commence par se complaire dans la médiocrité ? Check.
  • L'équipe de héros constituée à partir de la famille du héros malgré lui ? Check.
  • La leçon finale en forme d'ode à la famille ? Check.
On retiendra que la morale de ce film est double : la famille de cœur, c'est le bien et la responsabilité n'est pas un choix mais le mal en est un. Sous son glaçage aux couleurs si criardes qu'elles en apparaissent vénéneuses, le gâteau qu'est Shazam ! dissimule assez mal ses couches aux arômes écœurants pour ne pas dire putrides : c'est une Weltanshauung pas tout à fait anodine, sans nul doute simpliste et peut-être même réactionnaire qui nous est proposée ici. Le bellâtre en lequel Billy se change lorsqu'il invoque le nom de Shazam en est au fond la parfaite illustration : est-ce là ce que l'adolescent paumé doit devenir ? Est-ce bien là le futur qu'il porte en lui ?

Par chance - encore heureux - cette nouvelle déclinaison du DCverse est à regarder au n-ième degré. A l'image d'un Kick-Ass, avec lequel il partage par ailleurs un méchant incarné par Mark Strong, Shazam ! propose un argument con à souhait mais ne se prend pas au sérieux un seul instant. Le méchant tire en permanence une gueule de six pieds de long et vocifère des menaces toujours plus ignobles (dont il met certaines à exécution) mais, il faut le comprendre : c'est le méchant, c'est son rôle, et il le tient bien car il est au fond le seul à se prendre au sérieux dans cette histoire. Les jeunes acteurs surjouent leurs rôles et donnent l'impression d'avoir été dirigés comme et par des amateurs, un peu comme si une classe de Troisième option ciné avait décidé de tourner un film de super-héros et avait bénéficié d'une subvention de dix millions d'euros pour accomplir son projet. Le résultat, c'est que l'on n'y croit pas un instant : tout dans Shazam ! est à prendre au millième degré, du méchant même pas inquiétant mais grotesque aux héros si grotesques (eux aussi) que l'on ne peut s'empêcher d'avoir pour eux une bouffée d'empathie (comme pour E.T. en fait !). En fin de compte, Shazam ! pourra rester dans ma mémoire comme un sympathique navet si raté qu'il en acquiert une forme étrange et inattendue de beauté : il se peut même que telle ait été l'intention des auteurs de ce film. Si c'est le cas, bravo : il n'est pas donné à tout le monde d'atteindre aussi bien son objectif...

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