Yoko Tsuno tome 20

Un Yoko Tsuno déjà un peu ancien (paru en 1994 !) sur lequel je suis tombé en bouquinerie à Lyon (la librairie Temps-Livres de Markus Leicht pour être plus précis). L'occasion pour moi de me le procurer car je ne l'avais pas dans propre bédéthèque...
Résumé : 
Yoko est à Bruges, la "Venise du Nord", invitée par un peintre qui prétend lui avoir tiré le portrait. Jan Laet est cependant un curieux personnage et l'entrevue manque très mal se terminer : la peinture que lui montre le peintre a soi-disant été faite au XVIème siècle, un deuxième larron se présente pistolet en main et les deux inquiétants individus veulent lui faire avouer où elle cacherait une mystérieuse fiole verte ! Ce n'est pas tout : il paraîtrait que cette fiole ne contiendrait rien d'autre que l'agent de la peste noire. Ayant reconnu Monya sur le fameux tableau, Yoko n'est pas sans se douter qu'il y a du translateur dans l'air... Que va-t-elle trouver au XVIème siècle ?
Yoko part donc une troisième fois en voyage dans le temps, après La Spirale du Temps et Le Matin du Monde. Cette fois-ci, ce n'est pas à l'appel de Monya mais bel et bien de son propre fait que le voyage est entrepris et, comme les fois précédentes, il s'agit en fait pour Yoko d'obéir à son destin puisque le tableau, qui existe dans le présent, doit être peint dans le passé ! Occasion pour l'auteur de suggérer un paradoxe temporel avec l'énigme des deux robes identiques dégageant des étincelles quand on les met en contact : il s'agit en fait du même objet et les lois de la physique n'en permettent pas la coexistence à la même époque. Quelque part, Yoko est donc contrainte à partir dans le passé : argument intéressant mais qui a déjà été vu, et d'une façon moins grossière, dans de précédents albums.

L'art de l'ellipse de Roger Leloup est ici poussé à l'extrême. Le contexte d'un Yoko Tsuno est toujours d'une grande richesse et c'est pourquoi les albums les plus réussis sont ceux qui font intervenir des personnages et des objets récurrents : l'astuce permet à l'auteur d'économiser du temps fictionnel. Cela marche bien pour les albums les plus anciens, et en particulier pour les albums faisant intervenir les Vinéens. Hélas, tiraillé ici entre son envie de faire visiter à Yoko la Bruges du XVIème siècle et la nécessité de faire entrer son histoire dans les quarante-six pages fatidiques, voilà que l'auteur se fourvoie : il choisit de ne pas choisir et choisit en réalité de sacrifier l'intelligibilité de son histoire. L'ellipse, poussée à l'extrême, devient... trop elliptique, et à chaque page voyant le développement de l'intrigue on se dit que quelque chose manque. La même réflexion vient lorsque l'on ferme l'album, au terme de la lecture... mais l'on se dit cette fois-ci que ce qui manque, c'est un deuxième volume ! De toute évidence, l'intrigue imaginée par Leloup était d'une envergure trop grande pour un seul album. Comprimée en un seul, voilà qu'elle en devient bien peu satisfaisante : cet Astrologue de Bruges n'est pas dépourvu d'intérêt, bien sûr, mais il est clair qu'il est loin d'être l'un des épisodes les plus réussis de la série. J'irais même plus loin : il ouvre en fait un espèce de cycle où le même choix néfaste est fait, à un niveau ou à un autre, faisant souffrir à chaque fois les intrigues. Ce n'est qu'avec La Servante de Lucifer que Leloup en revient à de meilleurs moments de lecture.

A noter que l'édition dont je dispose est augmentée d'un abondant dossier final, permettant de revenir sur certains grands thèmes de la série, et surtout sur l'incroyable talent de dessinateur de Roger Leloup. Rien que pour cela, cet album méritait malgré tout d'entrer dans ma bibliothèque...

Commentaires

Anudar a dit…
Ceci est un commentaire-test.
Efelle a dit…
C'est le même problème qu'avec l'Or du Rhin. Il aurait fallu que Leloup s'affranchisse du seuil des 48 planches.
Anudar a dit…
Voilà, c'est tout juste ce que je pense. D'autant plus que certains albums de certaines séries se font en plus de 48 pages y compris chez Dupuis.

Après, pour moi les plus mauvais sont les deux du cycle chinois au XIème siècle. D'abord parce que la justification in-universe de l'histoire est minimale voire absente et ensuite parce que la cohérence commence même à poser problème...
Blop a dit…
Avec cet album sur Bruges, je me souviens d'une lecture agréable mais moins enthousiasmante que celles du cycle des Vinéens. Je n'avais pas pensé à ce "carcan" des 48 planches...
Efelle a dit…
Même Hergé faisait des doubles albums, on ne peut donc accuser la formation classique de Leloup.

Reste à son crédit des albums inspirés, mythiques, sensationnels, incontournables (Orgue du Diable, Forge de Vulcain, Spirale du Temps).
Efelle a dit…
Dans les albums les plus récents, la fin est généralement assez abrupte.
Efelle a dit…
La frontière de la vie et La fille du vent, faute de ma part d'oublier ceux ci.
Anudar a dit…
Je ne pense pas que sa formation soit en cause. A un moment, chaque auteur de BD se trouve en face d'un tripode à faire tenir en équilibre : le premier pied c'est le décor, le deuxième c'est l'intrigue, le troisième c'est le temps fictionnel disponible. Il est clair, ici, que l'intrigue était trop longue pour la durée disponible...
Anudar a dit…
C'est vrai, quand on repense aux "Trois Soleils de Vinéa", la fin se développe sur un nombre plutôt important de pages, entre la destruction de la Tour du Guide Suprême et les dernières images...
Vert a dit…
Moi je l'aime bien celui-là, mais je pense que c'est un des premiers que j'ai lu, donc le voyage dans le temps était une notion toute neuve pour moi, et en plus je kiffais grave les robes d'époque de Yoko :D
Anudar a dit…
Ah, je veux bien croire qu'avec l'effet "madeleine de Proust" il puisse paraître meilleur...
Guillmot a dit…
Ca a l'air de marcher le test !