Piège sur Zarkass tome 1 : Une Chenille pour deux

Depuis quelques mois, une fort intéressante collection de BD tournant autour de l'oeuvre de Stefan Wul commence à être disponible en librairie. Rassemblée sous l'étiquette Les Univers de Stefan Wul, elle sera l'occasion de (re)découvrir un auteur francophone souvent mal connu à l'époque actuelle car actif il y a de cela plusieurs décennies. Ouverte avec Niourk et Oms en Série, la collection continue à présent avec ce premier tome de Piège sur Zarkass. N'ayant jamais lu le roman duquel cette série est adaptée, il s'agit pour moi d'une découverte complète.

Résumé : 
Sur Zarkass, les indigènes primitifs vivent en symbiose étroite avec leurs chenilles-lions : bien plus que de simples animaux de trait, celles-ci sécrètent des onguents et produisent des gaz qui leur permettent de survivre dans l'inquiétante jungle planétaire... Louis et Marcel sont deux femmes que le gouvernement matriarcal terrien envoie sur Zarkass pour une mission en toute apparence anodine : Louis est une "chasseuse de papillons" et Marcel est son guide de brousse. Mais il faut, comme souvent, voir au-delà des apparences... Marcel est en réalité une reprise de justice, une dure à cuire contrainte par le gouvernement à coopérer avec Louis, laquelle doit de son côté atteindre un redoutable volcan, là où l'attend sa véritable mission. Alors que d'inquiétants aéronefs en forme de triangle survolent Zarkass, et que les indigènes semblent pratiquer la rétention d'information à l'égard de la colonie terrienne, Louis elle-même semble avoir son propre agenda... La faune hostile de la jungle, sur Zarkass, est-elle bien le seul et véritable danger qui pèse sur les deux terriennes ?
Je regrette beaucoup de ne pas avoir lu le livre de Wul avant de me plonger dans cette BD. Il m'est de ce fait impossible de dire, a priori, si les deux personnages terriens étaient pour de vrai des personnages féminins - sauf à consulter Wikipédia, par exemple, ce que je n'ai pas envie de faire. L'adaptation, en BD comme au cinéma, répond à des impératifs scénaristiques mais parfois aussi culturels. En l'occurrence, l'originalité de cette société matriarcale où les femmes occupent le premier plan - mais portent des prénoms masculins - et où les hommes semblent cantonnés au rôle de nourrices (!) est mise en lumière, à quelques allusions près, par le machisme des indigènes de Zarkass. J'ignore si le propos de Wul était aussi avant-gardiste (pour son époque). En revanche, on perçoit bien qu'il y a là-dedans un fumet d'aventures coloniales : safari indigène, comptoir métropolitain et haute technologie perdue au fin fond de la brousse. Sans nul doute cette BD, tout en essayant de coller à son époque à elle, parvient-elle à rendre hommage au contexte sorti de l'imaginaire de Wul.

En dehors de ces intéressants niveaux de lecture, qui à eux seuls justifient la comparaison entre l'oeuvre écrite initiale et son adaptation graphique, il faut bien reconnaître que l'ensemble de cet album repose sur la relation d'attirance-répulsion entre Louis et Marcel. Entre la pseudo-entomologiste et sa guide, le courant ne passe pas tout de suite et lorsqu'il le fait, ce n'est que par intermittence. Un couple mal assorti, une association a priori hasardeuse mais qui, on le devine, va donner de meilleurs résultats qu'on ne l'imagine dans un premier temps : les fictions, depuis l'écriture du livre de Wul, ont usé (ou même abusé) de ce genre de duo. L'album, bien que très linéaire, parvient pourtant à suivre plusieurs fils d'intrigue distincts : les deux quêtes de Louis (l'officielle et la plus secrète) mais aussi l'arrière-plan biographique de Marcel : qu'a-t-elle fait pour se retrouver sous les verrous ? A ce titre, Une Chenille pour deux, qui se conclut sur une belle image, éveille l'intérêt : nul doute que je m'intéresserai à la suite.

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