La Maison des Derviches

De Ian McDonald, ce blog n'a encore vu passer que quelques morceaux tous publiés dans le numéro 68 de la revue Bifrost : la sélection de ce livre dans la short-list du Prix des Blogueurs 2013 signifiait qu'il m'allait falloir aller plus loin dans ma découverte de cet auteur que l'ami Efelle semble beaucoup apprécier. C'est chose faite.
Résumé : 
Istanbul, l'ancienne Byzance, en 2027, quelques années après que la Turquie ait rejoint l'Union européenne. Quelques années aussi après que les champs pétrolifères iraniens aient été contaminés par la radioactivité... Dans un monde toujours plus dangereux, toujours plus chaud, le gaz est devenu le carburant des automobiles, même dans la circulation démentielle d'une ville comme Istanbul, capitale ultra-moderne, à la frontière entre la Thrace européenne et l'Anatolie asiatique. C'est à Istanbul qu'un capitalisme débridé assure l'approvisionnement d'une Europe toujours plus assoiffée de combustibles fossiles. Mais Istanbul est aussi une ville de traditions, la capitale d'empires millénaires qu'une révolution, un peu plus de cent ans plus tôt, a détrônée au profit de la plus centrale Ankara. A Istanbul, depuis qu'il a été le témoin d'un attentat-suicide, Necdet a des visions de créatures du folklore : ne sont-elles que l'effet d'un choc post-traumatique ? A Istanbul, où elle est venue afin d'échapper au destin agricole de sa famille, Leyla est sur le point de rejoindre une bande de geeks à la tête d'une idée commerciale révolutionnaire. A Istanbul, Can a neuf ans : beaucoup de gens le croient sourd alors qu'il n'est que reclus du monde, son seul point de vue étant son essaim de bitbots aux formes changeantes... A Istanbul, Ayse est antiquaire, chargée par un étrange client de mettre la main sur une pièce aussi légendaire qu'unique : la momie d'un homme confit dans le miel. A Istanbul, Adnan est trader et monte une combine qui pourrait bien le rendre riche à millions... A Istanbul, Georgios Ferrentinou est l'un des derniers enfants de Byzance, qui voit revenir, près de cinquante ans plus tard, l'amour de sa vie, enfui lorsque les généraux turcs ont repris le pouvoir en mains et inquiété les Grecs. Tous partagent un lien, celui d'une vieille maison, un ancien couvent de derviches transformé en immeuble d'habitation. Leurs trajectoires peuvent-elles se croiser ? Entre les deux rives du Bosphore, entre le passé le plus ésotérique et le futur le plus éblouissant, quel sera le destin d'Istanbul ?
Dans La Maison des Derviches, chaque personnage possède une part de responsabilité dans la découverte d'une agglomération tentaculaire et surchauffée. Chacun se transforme à son tour en guide et offre le secours de son regard au lecteur, constituant ainsi un roman tout sauf uniforme : pas de point commun, a priori, entre les points de vue du trader et de l'enfant, de l'homme aux visions et de la jeune commerciale, du vieil homme et de l'antiquaire. Pourtant, leur coopération - parfois inattendue, parfois forcée - les amène à construire un monde étonnant de cohérence, une Turquie future et - presque - au bord d'une nouvelle révolution industrielle si ce n'est de la singularité... Car tout ne va pas bien dans cette Istanbul future : traditions et modernité se côtoient et pourraient bien en venir à s'opposer - ou bien à s'allier pour faire naître le pire au lieu du meilleur. Les fantômes des âges passés - depuis le traumatisme de 1453 jusqu'à ceux du XXème siècle - pèsent bien trop sur chaque habitant d'Istanbul pour que les fantasmes d'un "Etat profond" ne trouvent à être partagés.

Ville tentaculaire et schizophrénique, propice aux incidents monstrueux, Istanbul apparaît comme la vitrine d'une humanité future mais incertaine, toujours plus géniale et toujours plus inquiète, où la technologie devient l'alliée indispensable des complots mais où la légende - pour ne pas dire le mythe - ancienne ou moderne en forme la chair. C'est la ville, en réalité, qui est le personnage principal de ce roman parfois raconté à la deuxième personne : une ville qui, après avoir tant de fois changé de nom, s'est recouverte de véritables strates géologiques dont l'interprétation se révélera nécessaire à ses habitants. Ni amicale, ni hostile, Istanbul n'est au fond rien d'autre qu'un écosystème propice aux flux de matière, d'énergie... et d'intelligence humaine.

Roman violent avec les personnages et avec son lecteur, La Maison des Derviches est à mon sens une magistrale réussite, une oeuvre qu'il est difficile d'appréhender avant d'en avoir tourné la dernière page, et pourtant un livre indispensable qui pourrait bien, peut-être, donner certaines des clés de notre avenir. 2027, c'est demain. Et Istanbul est déjà construite sur la rive européenne du Bosphore.

Ne manquez pas l'avis d'Efelle !

Commentaires

Guillmot a dit…
J'ai pas du tout accroché, et j'ai vraiment l'impression d'être passé à côté de ce roman... J'attendrai quelques temps avant de retenter l'expérience.
Anudar a dit…
J'ai eu pas mal de difficultés à entrer dedans. Il est vrai que je n'ai pas réussi à lire de livre cet Eté... Mais après l'avoir fini, je suis content de l'avoir lu.
Unknown a dit…
Moi, j’ai adoré. Et si le livre est difficile d’approche, il n’est pas facile non plus de lire autre chose après tant l’ambiance y est prenante, voire obsédante. Une très belle critique.
Anudar a dit…
Bienvenue ici, et merci ! On verra si je reste "pris" dedans après avoir commencé autre chose.
Efelle a dit…
J'en garde un excellent souvenir et l'ai trouvé bien meilleur que Le fleuve des dieux niveau rythme et intérêt des personnages.
Anudar a dit…
C'est en tout cas pour moi une excellente découverte.
Enorme, j'ai adoré. Mais comme tu le dis, cela prend tout son sens une fois le livre terminé.
Anudar a dit…
On est sur la même longueur d'ondes. Pour moi, et pour le moment, c'est un très bon concurrent pour le Prix.
Lorhkan a dit…
Et je ne l'ai toujours pas lu...
Anudar a dit…
C'est moins urgent que le Scalzi je pense !