Blake et Mortimer tome 22 : L'Onde Septimus

La série Blake et Mortimer, abandonnée par son créateur Edgar P. Jacobs pour une raison définitive, se poursuit avec ce tome 22 qui embraye sur l'un des plus étranges de ses prédécesseurs, à savoir, le fameux La Marque jaune. La mythologie Septimus étant ce qu'elle est, comment les auteurs (dont certains ont déjà été croisés par ici) allaient-ils s'en tirer ?
Résumé : 
Les inquiétantes expériences du professeur Septimus, qui sont à l'origine de l'affaire de la Marque Jaune, sont devenues matière à une pièce de théâtre. Pourtant, l'onde Méga est une réalité scientifique, qu'explore le professeur Mortimer dans le plus grand secret... sans savoir qu'une cabale d'admirateurs de Septimus tente en même temps de mettre la main sur le cobaye historique du scientifique dévoyé, le fameux "Guinea Pig" et donc nul autre que l'infâme Olrik. Or, les expériences que conduisent aussi bien Mortimer que les continuateurs de l'oeuvre de Septimus ont de redoutables effets sur Olrik ainsi que sur la population de Londres. Le professeur maudit avait-il prévu, d'une façon ou d'une autre, de survivre à travers son oeuvre ? Ou bien une autre force, plus terrifiante encore, serait-elle à l'oeuvre à travers l'onde Méga ? Olrik pourra-t-il sauver sa raison sans en recourir à une alliance contre-nature avec son ennemi juré ?
Poursuivre l'oeuvre de Jacobs en augmentant le compact et puissant album où Septimus faisait son apparition relevait de la gageure, tant l'intrigue et le schéma de La Marque jaune semblaient aussi aboutis que ramassés. Pour la première fois, l'auteur initial de la série confrontait ses personnages à une force bien près de les submerger par l'effacement. En prenant la suite (presque directe) d'un tel album, les nouveaux auteurs s'attaquaient à un morceau très solide et, sans doute, bien plus coriace que la mission relevée avec plus ou moins de brio par leurs prédécesseurs.

Compte-tenu de cette plus grande difficulté, l'album produit satisfait au premier coup d'oeil les impératifs de cohérence graphique que pose d'emblée la découverte d'un nouveau Blake et Mortimer. Jacobs étant, sans doute, le plus fin représentant de l'école de la ligne claire - plus brillant que le travailleur Jacques Martin, l'auteur des Aventures d'Alix, plus brillant peut-être même que le maître Hergé, pourtant l'inventeur du style ! - un bon Blake et Mortimer se doit de satisfaire au très haut niveau d'exigence illustré par les albums précédents. Les auteurs de celui-ci l'ayant très bien compris et intégré, cette Onde Septimus ne choque pas : le travail est soigné, l'hommage à Jacobs appuyé, voire même enjoué, le dessin se payant même le luxe d'invoquer les mânes de l'expressionnisme allemand !

Car il s'agit bel et bien d'un récit d'horreur qui nous est conté là, un récit d'horreur sans vampire mais peuplé de monstres. Montres à l'apparence humaine, qu'il s'agisse d'Olrik ou des misérables qui voudraient lui voir à nouveau chausser les lunettes du "Guinea Pig", mais aussi monstre extraterrestre, intrusion aussi transcendante que terrifiante et dont la greffe sur le corps de l'intrigue mérite bel et bien sa case géante au détour d'une page. C'est ici, je pense, que les auteurs se sont fourvoyés : ce genre de lovecrafterie (très, très) édulcorée (à mon sens : je ne suis pas lecteur de Lovecraft) n'est pas du Jacobs. Si un Blake et Mortimer n'est jamais loin du récit horrifique, l'ennemi chez Jacobs est toujours l'humain tenté par l'ubris, et jamais l'entité non-humaine voire paranormale. Réussi d'un point de vue graphique, tonique dans son intrigue, étonnant et pas inintéressant, cet album m'apparaît malgré tout, et de ce fait, comme inattendu - dans le mauvais sens du terme. Je ne souhaite pas voir de nouveaux auteurs poursuivre dans cette voie : un Blake et Mortimer qui va chercher du côté inhumain de l'imaginaire ne me semble pas être un Blake et Mortimer. Les auteurs eux-mêmes semblent d'ailleurs le reconnaître en laissant le capitaine Blake un peu en retrait, dans cette aventure : tout au plus découvre-t-il l'inquiétant vaisseau extraterrestre à l'origine de l'horreur qui s'abat sur Londres... et contribue-t-il à sa destruction. Or un Blake et Mortimer où Blake ne joue, somme toute, qu'un rôle de faire-valoir n'est pas un Blake et Mortimer : sans vouloir être aussi affirmatif, c'est presque la conclusion à laquelle je voudrais arriver au sujet de cet album, plutôt réussi et pourtant si loin de ce qui fait le charme de la série...

Commentaires

Escrocgriffe a dit…
Aïe aïe aïe… C’est, à mon sens, le pire qui puisse arriver à une oeuvre qui se prolonge après la mort de son auteur : perdre ce qui faisait son charme :(
Anudar a dit…
Les nouveaux "Blake et Mortimer", sans être inintéressants par essence, m'apparaissent dans la plupart des cas beaux mais pas assez jacobiens...
Alias a dit…
À mon avis, ce volume a pas mal de bonnes idées, mais abominablement mal exploitées. Il s'éparpille dans des histoires d'ET qui n'a pas de raison d'être.

C'est un peu le Evangelion des Blake & Mortimer...
Anudar a dit…
Yep, l'intrusion de ce vaisseau spatial me semble au minimum très étonnante.
Alias a dit…
Surtout qu'il y avait matière à faire une bonne intrigue sans.
Anudar a dit…
J'aime bien le concept de l'onde méga. Y revenir était une bonne idée, la chose est certaine... Reste à voir comment ça aurait pu être fait.