L'Eveil du Léviathan

Ce livre se trouvait dans ma PàL depuis quelques semaines, grâce à la complicité de l'éditeur. Attaqué il y a quelques jours, je n'ai pas tardé à m'y trouver immergé dans le bon sens du terme...
Résumé : 
La Ceinture : dans cet anneau d'astéroïdes plus ou moins gros, vit une civilisation fondée sur la récupération et le recyclage, bien loin des "puits de gravité" constitués par les deux grandes puissances du système solaire que sont la Terre (et ses trente milliards d'habitants) et Mars. Au-delà, dans les orbites plus lointaines de Jupiter, Saturne et Uranus, vivent quelques communautés encore plus isolées, noyautées par l'Alliance des Planètes Externes dont les factions rêvent de renverser l'équilibre des forces. Dans ce futur pas trop lointain, le propulseur Epstein rend les voyages interplanétaires plus rapides, en attendant, peut-être, que l'espèce humaine parvienne à faire le grand saut vers les étoiles... Aussi, quand le Canterbury, un transporteur de glace à destination de Cérès, est détruit par un vaisseau non identifié, mais que ses survivants semblent accuser la Flotte de la République Martienne de s'être livrée à un acte de guerre, l'humanité toute entière va retenir son souffle car il se pourrait bien que cet incident inouï soit le point de départ d'une véritable guerre d'extermination. Pour Holden, capitaine des survivants du Cant, propulsé bien malgré lui dans une intrigue interplanétaire à laquelle il ne comprend rien, l'enjeu va bientôt se limiter à trouver le responsable de l'assassinat de ses amis pour lui faire payer le prix du désastre qui s'annonce. Pour Miller, simple officier de police de Cérès, une affaire anodine - la disparition de la fille d'une bonne famille d'un puits de gravité, gagnée semble-t-il à l'idéologie de l'APE - va prendre des proportions inattendues : son enquête en gêne plus d'un. Ce qui ni l'un ni l'autre ne sait encore, c'est à quel point leurs actes vont peut-être influencer le destin de l'espèce toute entière...
Depuis Dune au moins, il est clair que l'intrigue d'un grand cycle de space-op' ne se conçoit pas sans un abondant contexte socio-politique sous-jacent. L'univers décrit par l'auteur va de soi : il n'est jamais que la transposition, dans un futur assez proche pour apparaître aussitôt familier, de cette opposition entre les actuels Nord et Sud économiques. Ici, dans les "puits de gravité" - les Nations Unies d'une Terre que l'on devine plus que surpeuplée, mais aussi une République martienne orgueilleuse voire cocardière - se trouvent à la fois la force du nombre, l'abondance des ressources naturelles et une richesse écologique inouïe. Ailleurs, dans la Ceinture et surtout dans le système solaire externe, règne une anarchie sympathique, celle d'une communauté parlant un pidgin à la construction quelque peu forcée, en tout cas métissée mais aussi passée maître dans l'art de la récupération. L'équilibre est fragile entre ces deux cultures en voie d'individualisation : les tensions politiques, incarnées par la popularité, dans la Ceinture, des idées de l'APE, promettent d'ores et déjà une remise en question de l'influence des grandes puissances. Et en toute logique, assiste-t-on à la rupture de cet édifice au beau milieu de l'intrigue, avec l'émergence d'un conflit généralisé mais aussi nucléarisé.

L'enjeu de L'Eveil du Léviathan ne se limite cependant pas à cette inquiétante course vers l'abîme, qui n'est pas sans rappeler des événements historiques réels que l'on évoque très volontiers en ces temps d'anniversaires. Même si l'état de guerre qui s'affirme peu à peu dans le système solaire préoccupe à juste titre les personnages du roman, la réelle question provient bel et bien d'un élément transcendant leurs existences. Les étoiles sont hors de la portée de la propulsion Epstein, et elles sont silencieuses, mais cela ne veut pas dire qu'elles sont dépourvues de vie pour autant. La "protomolécule" moissonnée par une entreprise militaro-scientifique terrienne dans le sous-sol de la lune Phoebé n'est rien d'autre que la marque de l'existence d'une intelligence extraterrestre peut-être hostile, et en tout cas toute puissante, à même de remettre en question l'édifice plus ou moins confortable et fragile conçu par une humanité pas tout à fait débarrassée de ses peurs ataviques. Les personnages devront tirer toutes les conséquences de son existence pour survivre sur le nouvel échiquier qui se dessine à la fin de ce premier volet d'une série.

En tout état de cause, L'Eveil du Léviathan et l'univers qu'il fonde promettent beaucoup. Par leur envergure, par leur ambition - l'auteur se paye même le luxe d'aborder ici la question post-humaine ! - mais aussi par leur positivisme : il s'agit d'un futur inquiétant, violent et incertain, mais en tout cas ni désespéré ni repoussant. C'est de nos jours une bonne nouvelle en SF, et ça mérite bel et bien d'être salué comme il se doit : bravo !

Ne manquez pas l'avis d'Efelle !

Commentaires

Efelle a dit…
Voilà qui semble intéressant, je me pencherai dessus, ton enthousiasme étant communicatif. :)
Anudar a dit…
Comme quoi mon "fluide" ne doit pas être (encore) épuisé :P