Le mystère olphite

Voici un livre que j'avais récolté aux Utopiales 2019 : le proverbe ne dit-il pas mieux vaut tard que jamais ?
Résumé : 
Les Olphites, individus appairés à des astres lointains tels que les comètes, se sont retirés du monde au profit de leurs écoles. C'est là qu'ils forment leurs prochaines générations - tous les Olphites sont masculins - et veillent avec un soin jaloux sur leurs secrets. Certains, dans le monde ordinaire de ce futur pas trop éloigné, commencent à se méfier d'eux. Aussi, quand le jeune et brillant Maor s'enfuit de son école à l'âge de dix-huit ans, il ne sait pas quelle sera la portée de sa fugue : à la faveur de rencontres aussi fortuites que signifiantes, il va révéler au monde rien de moins qu'un secret à même de changer le destin de l'humanité...
Soyons direct, pour une fois : Le mystère olphite est un roman au mieux banal, et au pire mauvais. Le problème ne vient pas de ses concepts initiaux : l'auteure imagine ici la possibilité d'une connexion télépathique entre la matière organique extraterrestre et l'esprit de certains mutants humains, et pourquoi pas ? Ann McCaffrey imaginait bien la possibilité d'un lien mental entre ses fameux dragons et leurs chevaliers humains... alors, pourquoi pas avec des corps célestes ? Le fait que le gène de liaison (appelons-le ainsi) soit porté par la section non commune au X du chromosome Y a même des implications intéressantes, puisque la société olphite est masculine au sens strict : ce n'est pas une garantie de tolérance à l'égard de l'humanité ordinaire, puisque les femmes sont alors considérées comme des partenaires de reproduction dont l'intérêt se limite à l'utérus ! Allons plus loin : la mentalité particulière des Olphites les conduit à s'organiser en mouvement religieux aux tendances sectaires, et c'est ainsi qu'un illuminé aux allures de gourou les représente face au siècle afin de mieux manipuler ses interlocuteurs... dont les chefs d'Etat. La vérité, qui se dévoile au cours du roman, est beaucoup moins bénigne que son allure de sage laisse à penser : au-delà des réalités atroces du mode de vie des Olphites, leurs chefs manigancent un plan bel et bien monstrueux.

Le problème ne venant pas des concepts de ce roman - ils valent après tout ceux d'autres œuvres dont certaines ont rencontré un franc succès - il faudra bel et bien admettre que c'est leur mise en oeuvre qui est défaillante. La société olphite avait tout le potentiel d'une dystopie glaçante : au fond, les Olphites seraient susceptibles de s'entendre assez bien avec les Tleilaxu du Cycle de Dune, puisque tout comme eux ils sont persuadés de constituer une humanité supérieure et que la femme n'y a aucun statut autre qu'utilitaire. Mais au lieu de développer ce thème et de montrer l'émergence d'un vrai mouvement de résistance, l'auteure préfère conduire Maor dans un voyage sans but jusqu'à découvrir l'amour incarné dans la belle Sirius. Il fallait sans doute un nom d'étoile pour mieux guider le jeune homme, ou plutôt pour que le lecteur comprenne bien que la comète - libre voyageuse - finirait par se satelliser autour d'un astre lumineux... On rappellera que Maor est censé avoir passé dix ans au sein d'une institution masculine : les Olphites ignorent-ils toute forme de sexualité récréative ? S'ils ont recours à l'insémination artificielle pour s'épargner la fréquentation des femmes, sont-ils pour autant soumis à une forme de castration chimique endormant leur libido ? Tant de questions qui, pour le coup, suspendent la suspension d'incrédulité du lecteur devant le trouble que le fuyard éprouve aussitôt face à l'entreprenante jeune femme.

L'argument du roman étant donc un coup de foudre, il fallait bel et bien s'attendre à ce que toute l'histoire s'organise de façon linéaire, et c'est en effet ce qu'il se produit : le chemin de Maor et celui de Sirius convergent, ils ne se quittent plus, ils sont séparés par les méchants et c'est de leur désir de retrouvailles que provient la solution au problème principal. Celui-ci non plus ne convainc pas : s'il y a bel et bien de la part des olphites une forme de complot contre l'humanité, sa nature ne suffit pas à éveiller une répulsion aussi concrète qu'il aurait fallu. En fin de compte, c'est l'argument trop faible de ce roman qui le rend banal, et c'est son schéma peu ambitieux qui le rend mauvais...

Le mystère olphite est suivi d'une nouvelle intitulée Horizon, se déroulant dans le même univers mais à une époque plus éloignée dans le temps. Sa conclusion la rend plus intéressante que le roman qui ouvre ce livre, mais hélas sans rattraper la déception qu'il occasionne... C'est bien dommage !

Commentaires

Christian a dit…
Tout cela sur fond de romance.. Je vais quand même le noter.
Si ça se trouve ,je ne vais pas pouvoir m’endormir sans en lire un passage.
Merci pour cette chronique très claire et cet avis qui guidera plus d’un lecteur perdu.lol
Anudar a dit…
Alors là, je sens que tu te fais plus méchant que moi !

Ce livre a dû trouver son public, sans quoi il n'aurait pas été publié en poche... mais je me demande bien quel est le public recherché, au fond.
Christian a dit…
Un jeune public, peut-être plus friand.
Je pense qu’en effet il y a tellement à lire que je vais zappé celui-là.
Anudar a dit…
En fait, je ne crois pas que je le mettrais entre les mains du jeune public non plus... car je craindrais de donner une image fausse de la SF.