Le Tombeau Scellé tome 1 - Gideon la Neuvième

Voici un livre qui m'a été offert par son éditeur. A l'époque où j'ai décidé de l'ouvrir, j'avais besoin de détente et j'ai été tenté de la trouver dedans par sa quatrième de couverture laissant soupçonner une oeuvre tout à fait foutraque...
Résumé : 
Gideon est au service de la Neuvième Maison : les maîtres de la neuvième planète du système capital de l'Empire ont mauvaise réputation auprès de leurs pairs - et plus encore auprès de leurs subordonnés. C'est la raison pour laquelle Harrowhark - héritière et régente de la Neuvième - doit l'arrêter in extremis au moment où elle tente une évasion... Il se trouve que la princesse nécromancienne, avec laquelle Gideon entretient depuis l'enfance une relation d'attirance-répulsion, a été convoquée par l'Empereur lui-même : il désire que soient recrutés rien de moins que des nouveaux Lycteurs et Harrowhark est déterminée à en faire partie - mais elle a pour cela besoin d'un Cavalier. Or, seule Gideon peut devenir Cavalière sur leur planète et le temps presse. Bon gré mal gré, la soldate rebelle va devoir suivre sa nécromancienne sur la planète où elles vont connaître leur mise à l'épreuve. Les maléfices de la Première Maison suffiront-ils à les rapprocher pour de bon ? Quel sera le prix à payer pour que Harrowhark accède à son ambition ?
Le célèbre même si re-titré Ils étaient dix d'Agatha Christie est l'un des classiques du genre "meurtres en lieu clos" : les morts qui s'égrènent permettent au lecteur de comprendre assez vite que le tueur doit être l'un des survivants... quitte à ce que l'auteure brouille les pistes grâce à une pirouette.

L'univers de Tamsyn Muir semble en apparence bien éloigné de l'imaginaire christien. On se trouve ici ailleurs - dans le temps et peut-être dans l'espace, le système solaire d'origine de cet Empire comptant pas moins de neuf planètes alors que le nôtre en a huit. Surtout, les différentes branches de la nécromancie viennent y compléter la biologie et la physique ordinaires : on peut s'en servir pour produire de la matière à partir d'énergie, changer des squelettes en véritables robots, évoquer les âmes enfuies et même ressusciter les morts (ou en tout cas certains d'entre eux). Chacune des neuf Maisons semble avoir sa spécialité soit donc ses atouts, ce qui laisse à penser au départ que le schéma du roman sera celui d'un tournoi où les Neuvièmes seront appelées à gagner. L'ambition de l'auteure va toutefois plus loin et c'est ici qu'elle invoque les mânes (!) d'Agatha Christie pour construire sa propre version de son texte sus-cité : la Première Maison est un piège, ainsi qu'il se doit, et les morts s'accumulent bientôt - ce qui ne manque pas de piquant dans un univers de nécromanciens... Malgré tout, le lecteur pourra goûter (?) à divers nécro-combats décrits avec un soin méticuleux, permettant de les noter sur une échelle allant de satisfaisant à hénaurme. Avec Tamsyn Muir, il semble que l'humour (noir, bien entendu) n'est jamais très loin - et on sourit assez souvent devant Gideon la Neuvième.

Si l'ambiance foutraque annoncée en quatrième de couverture est donc bel et bien présente - et d'une façon trop peu appuyée pour qu'elle tourne au foutage de gueule, ce qui compte-tenu du sujet n'allait peut-être pas de soi - elle accompagne de façon paradoxale une intrigue aux puissants enjeux internes. Cet univers de ressuscités semble fatigué, peut-être même au bord de l'épuisement, certains de ses personnages ne cessant de mentir aux autres et à eux-mêmes pour cacher leur propre décrépitude. Gideon est une soldate indisciplinée, que caractérisent assez bien les objets qu'elle emporte au moment de son évasion avortée : son épée, ses bottes et ses revues porno ; elle semble presque trop vivante pour trouver sa place dans cet Empire de nécromanciens et s'affirme donc aux yeux du lecteur non comme un guide, mais plutôt comme un point de familiarité. Elle forme un étrange duo avec Harrowhark, laquelle s'affirme à terme et malgré l'antipathie qu'elle inspire comme la véritable héroïne de cette histoire : on le sait, l'intensité de la haine équivaut à celle de l'amour et la tension émotionnelle entre les deux personnages laisse bien vite envisager que leur relation n'est pas figée, mais plutôt en fermentation. Les époques dangereuses sont propices aux sentiments violents - et y a-t-il époque plus dangereuse que celle où un monde peut prendre fin ?

Ouvrant une série intitulée Le Tombeau Scellé, ce livre parvient à en imposer l'ambiance et le décor originaux, tout en distillant juste assez de ses enjeux pour donner envie de voir plus loin. Pour que la suite confirme l'intérêt de l'ensemble, il faudra pourtant qu'elle trouve à renouveler son approche : les crânes décorés - un par Maison - qui ouvrent chaque chapitre en mettant l'accent sur les personnages importants pour ce temps précis du développement global constituaient une très bonne idée d'accroche... mais pareille astuce ne suffira pas face à l'expansion qui se préfigure pour cet univers. L'auteure saura-t-elle surprendre ses lecteurs ? On peut l'espérer.

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