La Chute du Léviathan

Cette fois-ci, c'est la fin pour The Expanse : ce neuvième volume de la série de James S. A. Corey la conclut, et tient donc d'ultime occasion de suivre les péripéties de ses personnages...
Résumé : 
L'Empire laconien n'est pas encore en ruines, mais il a connu un très sérieux revers : partout des rebelles contestent son autorité, Jim Holden s'est évadé de Laconia en compagnie de l'héritière impériale... et l'empereur lui-même est indisponible. Les chefs laconiens n'ont pas été formés à rester les bras croisés quand leur empire s'effondre autour d'eux... mais pourtant, il pourrait y avoir pire à craindre pour l'humanité que le chaos d'un nouveau conflit. Dans une autre dimension, les entités qui ont autrefois détruit les concepteurs du réseau interstellaire utilisé à présent par les factions humaines affinent leurs expériences - et tôt ou tard, elles trouveront comment tuer les utilisateurs des portails. La clé se trouve-t-elle dans les souvenirs des créateurs du réseau de portails, fossilisés dans un diamant vert de la taille d'une géante gazeuse ? Ou bien faudra-t-il que Jim et ses amis consentent à nouveau à des sacrifices infinis ? Le destin de l'humanité pourrait bien dépendre des choix qui restent à faire pour chacun des joueurs autour de l'échiquier galactique...
Conclure une aussi longue série - dont le modèle plus ou moins revendiqué n'est autre que Le Trône de Fer de G. R. R. Martin - promet toujours d'être délicat. Multiplication des factions, des enjeux, et donc des personnages : parfois, il faut admettre que toutes les dimensions effleurées ne pourront être insérées dans l'ouvrage de conclusion - et que certains aspects de l'oeuvre une fois terminée apparaîtront donc plus fragiles que d'autres. Certains morceaux de The Expanse, par le passé, avaient semblé moins pertinents : ainsi les deux tomes consacrés à l'affaire de la flotte libre d'Inaros, par exemple, ne laissent pas un souvenir impérissable... Cette impression se justifie au cours de ce dernier volume qui dévoile enfin l'ensemble du "grand schéma" de l'auteur : The Expanse est avant tout une histoire des premiers pas de l'humanité dans un univers non stérile - et donc, de la quête qu'elle entreprend pour se positionner dans l'écologie universelle... ou même, méta-universelle ! Le leitmotiv de la série est clair : notre espèce est capable à la fois de grandeur et de médiocrité, tant au niveau individuel que collectif, et c'est de sa propre volonté que peuvent sortir les solutions aux problèmes qu'elle rencontre ou qu'elle crée. Or trouver sa place quand on n'en a pas implique de la construire : cette conclusion n'est pas inattendue dans l'ode au volontarisme que constitue The Expanse. L'espace est un ensemble de promesses dont certaines sont ambiguës voire dangereuses : c'est à chacun des personnages d'agir en ayant les autres en tête. Ceux qui agissent en oubliant l'individualité de l'autre - ou bien, ce qui est pire, en ne faisant confiance qu'à leurs propres idées - finissent punis.

On l'a compris, The Expanse trouve sa conclusion dans des idées qui - si elles sont consensuelles - ne sont ni neuves ni stupéfiantes. Le spectacle final, aux allures de feu d'artifice comme c'était attendu, ne suffit pas à compenser la déception éprouvée : bien sûr, tout le monde court après tout le monde ; bien sûr, la bataille finale est éclatante ; bien sûr, sa résolution est dantesque à souhait... mais tout ceci, le lecteur savait qu'il y aurait droit puisque les volumes précédents nous l'offraient déjà. Il manquait en fait, en plus du croustillant du pop-corn préparé avec soin, quelque saveur exotique et inattendue qui aurait autorisé le lecteur à penser que The Expanse était plus qu'une simple nourriture de réconfort. C'est d'autant plus dommage que par moments, ce livre atteint son sujet... Il le fait, par exemple, en explorant les souvenirs extraterrestres piégés dans un support informatique défiant l'entendement : pour la première fois, l'espèce humaine entre en contact avec une intelligence de nature différente... Il le fait, encore, en introduisant un concept de multivers peuplé d'entités ne désirant pas être dérangées... Il le fait, enfin, grâce à ce fascinant épilogue où l'espèce humaine morcelée développe une nouvelle forme de voyage interstellaire. Explorer les questions soulevées par ces idées aurait suffi à faire de cette lecture un moment passionnant : les éluder, comme c'est hélas le cas, empêche le livre de sceller la série comme elle l'aurait mérité - à savoir comme un futur classique.

Conclure est toujours délicat, ainsi que je le rappelais plus haut. En jouant la sécurité sur sa conclusion, l'auteur bicéphale de The Expanse déçoit : n'y avait-il pas mieux à espérer de la part d'esprits capables d'imaginer le terrorisme météoritique ?

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