Sur la Lune - Mary Robinette Kowal

Cette lecture constitue le dernier de mes rattrapages dans le cadre du Prix des Blogueurs 2023 du Planète-SF.
Résumé : 
La Terre ne se remettra pas de la catastrophe endurée depuis l'impact d'un météore onze ans plus tôt : l'espoir de survie pour l'humanité se trouve dans l'espace, à commencer sur la Lune où se trouve d'ores et déjà une colonie internationale, mais aussi sur Mars où se dirige la première expédition habitée. En cette année 1963, le grand public est surtout préoccupé par l'amélioration des conditions de vie qui tarde... et certains perçoivent les investissements dans le programme spatial comme des pertes sèches pour le développement humain. Nicole Wargin, astronaute expérimentée, sait que son travail ne se résume pas à trouver des solutions techniques dans les environnements stériles de l'espace... et qu'elle doit aussi donner dans les relations humaines, en incarnant d'une façon ou d'une autre la voie de l'espace. Faut-il attendre autre chose d'une femme dont l'époux est gouverneur du Kansas et envisage d'accéder aux plus hautes fonctions ? Sur la Terre comme sur la Lune, les dangers seront à la hauteur des enjeux et des capacités de Nicole...
Sur la Lune est le troisième volume d'une série, dont je n'ai lu aucune des précédentes itérations. Il doit cependant être spécifié que malgré quelques références aux événements des cycles précédents, la lecture de celui-ci peut se faire de façon indépendante sans poser le moindre problème de compréhension : c'est ce que j'ai fait, grâce il est vrai à la lecture d'une fiche Wikipedia pour mieux comprendre le contexte... et ce fut suffisant.

Qu'est-ce qu'un astronaute (ou une astronette, pour reprendre un terme qui apparaît plusieurs fois dans ce livre) ? C'est avant tout un spécialiste en résolution de problèmes souvent complexes voire vitaux : lire des notices et en retenir le contenu au moins d'une façon vague (soit donc, savoir dans quelle notice on peut trouver la réponse à une certaine question) ; avoir des bases de mathématiques mais aussi de physique, de chimie et même de biologie (car un organisme quel qu'il soit est un système ouvert au sens thermodynamique du terme, et le maintenir en vie revient à entretenir les conditions de son ouverture) ; disposer d'une intelligence associative toujours utile pour relier des incidents étranges (et donc, établir des faisceaux de preuves)... Ce texte est une uchronie (bien sûr) mais il faut avoir conscience qu'en raison de son caractère hard-scientifique l'ensemble des solutions technologiques présentées ici sont compatibles avec les moyens des années 60 connues dans notre monde réel : on rappellera que l'ordinateur de bord des missions Apollo était une machine certes innovante pour l'époque... mais très en dessous des capacités de nos ordinateurs contemporains. De ce fait, l'expertise polyvalente permet à Nicole Wargin de réaliser des tâches que nous déléguerions de nos jours à des machines. L'astronaute sait que sa survie peut dépendre à chaque instant de sa capacité à résoudre un problème technique (ou non) susceptible d'occasionner des conséquences catastrophiques. Les systèmes qui rendent la survie possible sont, par chance, le plus souvent redondants - au prix toutefois d'une complexité augmentée à chaque mise à jour. L'expérience d'un vétéran tel que Nicole (elle a cinquante ans) est donc irremplaçable... surtout lorsque les problèmes techniques sont d'origine humaine.

Si l'humanité sur Terre est une espèce désormais menacée, tous les humains ne l'admettent en effet pas. Il existe un mouvement hostile à la colonisation spatiale, dont le schéma de pensée n'est autre que le climato-scepticisme : le réchauffement climatique accéléré remet en question l'habitabilité de la planète, mais les problèmes qu'il occasionne déjà ne sont pas acceptés par tous comme les symptômes d'un mal plus grand. La métaphore de notre monde actuel est transparente sinon bienvenue (on pourrait redouter, au passage, que certains lecteurs de ce livre n'en tirent la conclusion erronée qui voudrait que l'issue pour notre espèce ne serait autre que l'espace !), l'urgence étant à l'action qui seule permettra de sauver ce qui peut encore l'être. Les époques troublées produisant leur lot de monstres, certains opposants à la colonisation de l'espace agissent de façon monstrueuse - mais toujours justifiée, à leurs yeux, par les nécessités du plus grand nombre quand ce n'est pas à coups de citations bibliques. Selon Nietzsche, quiconque lutte contre des monstres devrait prendre garde (...) à ne pas devenir monstre lui-même : c'est ce danger qui guette Nicole, alors que l'empilement de problèmes (dont tous ne sont pas techniques... j'insiste comme le texte lui-même...) sur Terre et sur la Lune implique une volonté de sabotage de plus en plus agressive. Le personnage est sous pression, pour bien des raisons dont certaines sont internes : l'un des enjeux du livre consiste à montrer que les astronautes qui survivent sont ceux qui parviennent à résoudre les problèmes, soit donc, à résister à la pression quand celle-ci augmente. Le voyage de Nicole constituera d'une certaine façon le modèle à suivre par l'espèce pour garantir sa survie, ce qui justifie son destin tel que présenté en épilogue.

Prolongé par une assez longue postface où l'auteure explique sa démarche de documentation, ce roman fait penser par moments à certains textes d'Arthur C. Clarke ou de Robert Heinlein, de ceux où ces auteurs faisaient la part belle à la résolution de problèmes techniques. Il le fait toutefois d'une façon contemporaine : cette conquête spatiale alternative n'est pas l'apanage d'hommes blancs tous bien portants. On pourra considérer le soin pris par l'auteure à développer ce thème (en lui pardonnant au passage de confier le seul restaurant lunaire... à un couple de français) comme une envie de glisser en filigrane l'idée selon laquelle chacun a sa part à jouer dans la sauvegarde collective : on le savait déjà, mais il est toujours bon de le répéter...

Ne manquez pas les avis de : Gromovar, Tigger Lilly, Apophis, FeydRautha, le Maki, ...

Commentaires

Le Maki a dit…
C'est le moins bon de la série, ne te reste plus qu'à te pencher sur le reste pour savourer pleinement cet univers !
Anudar a dit…
Il n'est pas certain que je me donne cette peine...