Les blogueurs parlent aux blogueurs - Le Chroniqueur

Au début des années 2010, l'excellent Gromovar avait pris une initiative chaleureuse et passionnante : il s'agissait d'interviewer les blogueurs de ce qui était déjà le Planète-SF, réalisant ainsi une oeuvre de connaissance de la blogoSFFFère.
 
En ce début des années 2020, cette communauté a changé : des anciens sont partis, d'autres sont toujours là, et des nouveaux sont arrivés. Le moment, d'après moi, est revenu de faire le point et de nous interroger en tant que blogoSFFFère sur nos aspirations et nos liens communs. Avec la permission de Gromovar, inventeur du concept, je reprends par conséquent la rubrique Les blogueurs parlent aux blogueurs !

Et aujourd'hui, c'est au tour du Chroniqueur de nous parler de lui/d’elle...




    1. Bonjour, peux-tu te présenter en deux mots (tu peux être aussi bref que tu veux…jusqu’au néant)

Je suis Marc, alias le Chroniqueur. Je suis doctorant en littérature comparée, enseignant, auteur, et aussi blogueur !


    2. Pourquoi avoir créé un blog ? Est-ce le premier ? Le seul ?

C’est une longue histoire, qui remonte à ma première année d’université. Une amie m’avait vu en train de lire un recueil de Lovecraft, probablement l’un de ceux qui contient L’Appel de Cthulhu. Elle était enchantée de trouver quelqu’un qui s’intéressait aux littératures de l’imaginaire, et m’a recommandé plusieurs lectures. Parmi celles-ci se trouvait China Miéville, qui est devenu l’un de mes auteurs préférés par la suite. En effectuant des recherches un peu partout sur Internet, j’ai constaté avec une certaine déception que peu de gens parlaient de cet auteur. Et puisque l’idée me trottait en tête depuis déjà un roman, j’ai décidé d’ouvrir un blog pour aborder non seulement l’œuvre de China Miéville, mais aussi pour montrer qu’il était possible d’analyser les littératures de l’imaginaire en mobilisant les mêmes outils que pour le reste du champ littéraire. C’est aussi ce contact avec China Miéville qui m’a fait aller en Master recherche en littérature comparée, puis en thèse (ce qui a eu un impact considérable sur ma manière d’écrire). Je ne remercierai jamais assez cette amie pour cette formidable découverte !


    3. Combien de temps y consacres-tu ?

Je serais incapable de chiffrer ce temps, mais je dirais plusieurs heures par semaine, peut-être dix, étalées sur mon temps libre en semaine et mes week-ends.


    4. Blogues-tu tout ce que tu lis ?

Pas toujours. Quand j’ai commencé, c’était presque toujours le cas. Maintenant, je sélectionne quand même, au moins un peu. Pour les BD, je n’écris pas d’articles avant d’avoir d’idée précise de ce que je pourrais dire de l’intégralité d’un cycle ou d’une œuvre entière. Je rédige quand même des notes qui me permettent de poser mes réflexions, mais elles ne me servent pas toujours. Par exemple, j’ai des notes sur les runs respectifs de Scott Snyder et Tom King sur Batman, mais je ne sais pas si elles me serviront véritablement un jour.


    5. As-tu déjà lu certains livres simplement parce que tu te disais que ça pourrait faire un article intéressant pour ton blog ?

Pas vraiment. J’ai écrit certaines chroniques en sachant qu’elles seraient lues, d’autres en sachant qu’elles ne recevraient que très peu d’attention, mais ma lecture des ouvrages correspondants n’a pas été influencée par cette donnée.


    6. Lis-tu en VO ? Si oui, en quelles langues ?

Cela peut m’arriver, oui. Je lis en anglais (surtout des articles de recherche de littérature, en ce moment), et j’aimerais beaucoup tenter de lire en allemand.


    7. Blogues-tu avec ou sans roleplay ? Si c’est le cas, que représente ce roleplay pour toi ?

Pas vraiment. Je n’utilise que très rarement un pseudonyme, et on peut trouver mon véritable nom assez facilement.


    8. Depuis combien de temps lis-tu de la SFFF ?

Longtemps, aussi loin que je me souvienne, en vérité. Petit, je lisais les romans Chair de poule de R. L. Stine, entre autres. Au collège, je me souviens de la lecture de Pierre Bottero, le cycle de L’Autre principalement, mais aussi L’enfant mémoire d’Alain Grousset et Danielle Martinigol. Au lycée, j’ai commencé à m’intéresser aux œuvres de Lynn Flewelling, Robin Hobb, mais aussi au cycle des Portes de la mort de Margaret Weis et Tracy Hickman, ou encore à H. P. Lovecraft. Et au milieu de ces romans, beaucoup de mangas, avec Dragon Ball du regretté Akira Toriyama et D. Gray Man de Katsura Hoshino, puis Bleach de Tite Kubo. Beaucoup de Fantasy et de BD, ce n’est que plus tard, au début de l’université, que je me suis vraiment intéressé à la science-fiction, avec Greg Egan, William Gibson, ou encore Peter Watts.


    9. A quel rythme lis-tu ?

Au meilleur de ma forme et de ma disponibilité, je peux lire entre un et deux romans par semaine. En ce moment, je tente de lire un roman par semaine, mais ce n’est pas toujours le cas. Ce n’est pas grave, et je ne mets pas la pression. Je préfère prendre mon temps pour profiter de mes lectures.


    10. Que trouves-tu dans nos littératures de genre ?

Toute ma vie. Cela paraît un peu étrange et excessif dit comme ça, mais je pense que je ne pourrais pas vivre de la même façon sans elles. Elles me passionnent au point que je me suis lancé dans des recherches et dans un blog à leur sujet, donc je pense que ce n’est pas si excessif, après tout. Et puis elles m’ont permis de rencontrer tout un tas de personnes formidables !


    11. Partages-tu cette passion avec ton entourage ?

Quasiment, oui. Ma mère et plusieurs de mes amis lisent des œuvres appartenant aux littératures de genre. C’est souvent moi qui les conseille, d’ailleurs. Une autre partie de mon entourage ne lit pas de romans, mais s’intéresse quand même à l’imaginaire par le prisme du cinéma,des séries ou de la BD, ce qui permet quand même d’en discuter.


    12. Quelle a été ta première lecture SFFF ? Te souviens-tu de l’occasion qui t’a amené à cette lecture ?

Je n’ai pas de souvenir précis, mais je pense que ça se joue entre la découverte d’un sorcier à lunettes que je ne peux maintenant plus voir en peinture et une lecture au CDI en classe de 6ème ou 5ème. Mon collège avait beaucoup d’œuvres de SF et de Fantasy adressées à la jeunesse, parmi lesquels des romans de Danielle Martinigol et Alain Grousset, de mémoire. Je suppose que c’est par eux que ça a commencé, à moins que L’île au trésor de Robert Louis Stevenson ne compte !


    13. Peux-tu nous décrire un (ou plus) grand souvenir de SFFF ?

En tant que lecteur, mes premières lectures de William Gibson et China Miéville, sans grand doute possible, puisque c’est elles qui m’ont amené à lire toujours plus d’imaginaire. En tant que blogueur, je dirais la toute première interview que j’ai effectuée avec Nancy Kress, qui avait accepté de répondre à mes questions alors que je n’avais pas encore beaucoup d’expérience mon blog n’avait pas une fréquentation énorme.


    14. Quel est le livre qui t’a le plus marqué récemment ? (Répondre sans réfléchir)

Bonne question. Je dirais Les Champs de la lune de Catherine Dufour, sorti tout récemment. La narration est très intéressante et interroge le fait de bien raconter et de bien écrire une histoire, et l’univers fictionnel décrit nous met face à la destruction de notre environnement, qui semble se poursuivre sur la Lune. Je vous encourage à le lire !


    15. Vers quelle étiquette SF, F, ou F, va ta préférence ? Et pourquoi ?

La Weird Fiction, donc ni l’une ni les autres, ou bien les trois à la fois, dépendant de la manière dont on considère la Weird Fiction. J’aime les univers étranges, dont on ne peut maîtriser complètement toutes les mécaniques, qui mettent leur lecteur en difficulté, les expérimentations narratives, littéraires et linguistiques, mais aussi les descriptions d’individus et de sociétés complètement Autres. J’ai le sentiment que la Weird Fiction peut m’apporter tout cela à la fois.


    16. Comment ont évolué tes goûts entre tes débuts en SFFF et aujourd’hui ?

J’ai toujours lu de tout en imaginaire, depuis le début, avec sans doute une prédominance de la Fantasy. En ce moment, j’ai l’impression que je lis davantage de SF et de Fantastique/Horreur. Après une longue pause, je me suis aussi remis à la BD, sous toutes ses formes. Des comics de super-héros comme Batman ou des projets plus indépendants, des mangas comme Jujutsu Kaisen de Gege Akutami (que j’ai lu parce que des amis comme des élèves m’en ont parlé), ou Devilman de Go Nagai, et l’œuvre de Mathieu Bablet que j’apprécie beaucoup.


    17. Quels sont tes auteurs préférés ? Pourquoi ?

H. P. Lovecraft, pour les créatures qu’il décrit et sa manière d’écrire, même si dans les deux cas, c’est très influencé par son racisme. Philip K. Dick, pour la place prépondérante de l’empathie dans son œuvre, et les mondes truqués qu’il invente. N. K. Jemisin, pour le cycle de La Terre fracturée qui m’a profondément marqué pour ses personnages et son propos, là encore centré sur l’humain et son devenir. Catherine Dufour, pour sa plume, son humour, sa capacité à s’attaquer à tous les genres possibles en y apposant sa marque. Sabrina Calvo, pour ses expérimentations linguistiques, ses personnages profondément marqués par la vie et ses univers si proches du nôtre et pourtant si Cyberpunk. Ketty Steward, parce que tout ce qu’elle écrit me fait beaucoup réfléchir. J’ai hâte de me plonger dans sa novella Foodistan. Et China Miéville, pour ses univers fictionnels que je trouve vraiment originaux et éloignés des codes classiques.


    18. Y a-t-il des livres que tu regrettes d’avoir lu (temps perdu) ? D’autres que tu aurais regretté de ne pas voir lus ?

Des livres que je regrette d’avoir lus, non. En revanche, je pense que j’aurais regretté de ne pas avoir lu certains romans comme Trop semblable à l’éclair d’Ada Palmer, qui m’a vraiment marqué par sa complexité et ses références philosophiques. Je pense aussi à La Cité des Saints et des Fous de Jeff VanderMeer, avec lequel j’ai découvert à quel point on peut expérimenter avec l’objet textuel et jusqu’où on peut aller.


    19. Y a-t-il des auteurs dont tu lis tout (ou voudrais pouvoir tout lire) ?

Philip K. Dick, déjà, même si j’en ai déjà beaucoup lu. China Miéville, dont j’ai lu tout ce qui est disponible en français. Sabrina Calvo, même si ce n’est pas complètement possible parce que ses recueils de nouvelles ne sont plus trouvables.


    20. Vas-tu voir les auteurs sur les salons ? Ramènes-tu des interviews, des photos, des dédicaces ?

Oui, très souvent ! Il y a des salons où je me rends pratiquement tous les ans, à savoir les Utopiales, les Intergalactiques et Ouest Hurlant. Je vais systématiquement voir les auteurs en dédicace pour faire signer leurs ouvrages, mais aussi leur demander des interviews. Je trouve que cet aspect du milieu de l’imaginaire est vraiment formidable.


    21. Que penses-tu de l’œuvre de Bernard Werber ? Et de celle de Maxime Chattam ?

Ma réponse va être assez simple. Je n’ai pas d’avis particulier, puisque je ne les ai pas lus.


    22. Tes fournisseurs : librairies, bouquinistes, Internet ?

Les librairies pour les livres neufs et Internet pour les occasions que je ne peux pas trouver physiquement. Les éditeurs, aussi, puisque je reçois des SP.


    23. BD, comics, mangas, ou non ?

Oui très oui ! J’en lis de plus en plus, d’ailleurs. J’aime beaucoup la manière dont la narration et la transmission de l’information fonctionnent en BD. Dans les comics de super-héros, je dois avouer que je suis très intéressé par la réécriture constante de personnages qui ont plusieurs dizaines d’années d’existence, à l’image de Batman, par exemple, que les équipes créatives transforment complètement d’un récit à l’autre.


    24. Lis-tu aussi de la littérature « blanche » ? Si oui, qui aimes-tu particulièrement parmi les auteurs étiquetés « blanche » ?

Je n’en lis que très peu, parce que d’ordinaire ce n’est vraiment pas ma tasse de thé. Parmi les auteurs classiques, j’aime beaucoup les épopées antiques, les romans de chevalerie, Molière, Voltaire, Jules Vallès, ou Baudelaire. Dans les plus contemporaines, je n’ai lu que Patrick Modiano à l’université, que j’avais plutôt apprécié, mais c’est tout.


    25. Tentative de Weltanschauung : qu’aimes-tu comme musique ? Comme cinéma ? Quel est ton loisir favori ? Plutôt matérialiste ou idéaliste ?

En musique, le metal (Alkaloid, Animals As Leaders, TesseracT), la musique électronique (dans un éventail très large, de Perfume à Ascendant Vierge), le jazz (Herbie Hancock, Nubiya Garcia, Blue Lab Beats, Nubiyan Twist, Robert Glasper, James Francies). En cinéma, les films de science-fiction (étonnant, non ?) et d’action. En dehors de la lecture, je dirais que mon loisir favori est le jeu-vidéo. J’ai acheté une console l’an dernier et je ne le regrette pas du tout ! Pour ce qui est de la dernière question, je répondrai que je suis matérialiste historique.


    26. As-tu une liseuse ? Quel est ton rapport à la lecture numérique ?

J’ai une liseuse, oui. J’aime beaucoup la lecture numérique, car cela permet de relever des extraits beaucoup plus facilement, ce qui est pratique pour les travaux de recherche et l’écriture d’articles. On peut aussi transporter certains ouvrages particulièrement volumineux en papier beaucoup plus facilement. Je pense ici au Livre des Martyrs de Steven Erikson, puisque chaque tome compte au minimum 600 pages. Sur une série de 10 volumes, c’est beaucoup. Le numérique la rend moins colossale, à mon sens. Par ailleurs, ayant des problèmes de vue de plus en plus importants, le numérique me permet d’agrandir la police des textes, ce qui rend la lecture plus confortable, et donc moins fatigante pour mes yeux déjà malades.


    27. Quel est ton rapport à Internet ? Connecté depuis longtemps ? Quel est ton rapport aux réseaux sociaux ?

J’ai eu accès à internet lorsque j’avais une dizaine d’années, lors de mon entrée au collège, si mes souvenirs sont exacts. Ma mère avait acheté un ordinateur de bureau qui servait à toute la famille. Par la suite, au lycée, j’ai eu ma propre machine. On peut donc dire que je n’ai que peu connu le monde sans Internet, de la même manière que j’ai vécu l’époque où les réseaux sociaux se sont développés. La communication en ligne est donc assez naturelle pour moi, et j’utilise plusieurs réseaux sociaux pour partager mes articles ou échanger avec d’autres personnes qui sont maintenant devenues des amis. D’autres plateformes me semblent complètement étranges et bien trop rapides, comme Snapchat ou Tiktok. Je dirais donc que je vois Internet plutôt positivement, mais qu’il faut prendre garde à un certain nombre de dérives qui atteignent les plus jeunes et ceux qui n’ont pas de recul quant à leurs pratiques, avec la propagation effrénée des fake news et autres théories du complot, les campagnes de harcèlement et de diffamation, ou encore les échanges souvent véhéments. Ces dérives affectent notre manière de communiquer en ligne, mais aussi dans la vraie vie, malheureusement. Des comportements qui sembleraient aberrants sont devenus aujourd’hui complètement banals, sans que cela pose problème à grand monde.


    28. As-tu des projets d’écriture de fiction, ou est-ce que tu en as eu par le passé ?

J’en ai. Une de mes nouvelles, Une invasion mentale, a même été publiée chez ActuSF dans le Club de la nouvelle. J’essaie d’écrire des fictions courtes de temps en temps, mais il faut que je me trouve une organisation qui me le permettra de manière satisfaisante. J’aime travailler sur des récits Weird, et plusieurs se trouvent encore dans mes tiroirs !


    29. Sans y répondre, quelle question aurais-tu aimé que je te pose ?

Joues-tu à des jeux-vidéo ? Si oui, lesquels ?


    30. Une dernière chose à dire au lectorat en délire ?

Merci beaucoup à toi pour cette interview Anudar, et au plaisir de te croiser de nouveau !

Commentaires

Christian a dit…
Je lis toujours les interviews du blog du Chroniqueur pour un éclairage sur les auteurs et leurs ouvrages. Celle avec Guillaume Chamanadjian et Claire Duvivier est très intéressante. Le monde de la fantasy, de l’imaginaire est devenu accessible grâce à tous ces auteurs. Bonne continuation.
Merci à vous deux.