The Nightmare Stacks

A nouveau - encore - l'Univers de la Laverie de Charles Stross, avec cette fois-ci le tout dernier titre paru, sorti depuis un mois environ.
Résumé :
Alex Schwartz est un jeune homme timide : brillant mathématicien, vampire depuis moins d'un an, son nouvel employeur - la Laverie - l'envoie en mission à Leeds. Depuis la débâcle de la Nouvelle Annexe, les services secrets paranormaux de Sa Majesté recherchent un nouveau quartier général et un bunker datant de la Guerre Froide en plein centre du Royaume-Uni mérite d'être inspecté par leurs deux recrues les plus récentes pendant les premières phases du déménagement. Mais pour Alex, natif du coin, c'est la garantie d'avoir à être à nouveau confronté à son envahissante famille - et comment avouer à ses parents qu'il a perdu son job en or à la City of London, qu'il n'a toujours pas de copine et qu'il est devenu un vampire ? Alex ne le sait pas encore, mais il y a pire à craindre que d'être confronté à ses parents : sur une Terre parallèle ravagée par sa propre version du CASE NIGHTMARE GREEN, les débris de l'Empire de l'Etoile du Matin s'apprêtent à entreprendre une migration désespérée. Et Leeds est au coeur de leur plan d'invasion...
Le CASE NIGHTMARE GREEN est la sentence d'apocalypse qui pèse sur les personnages de la Laverie. Un alignement d'étoiles favorables, une somme d'intelligence - ou de puissance de calcul - supérieure à un seuil fatidique promettent l'irruption d'entités hostiles à même de ruiner l'environnement terrestre et de détruire l'espèce humaine. Depuis le début ou presque de la série, les personnages sont confrontés à leur destin peu enviable - annoncé pour la décennie en cours - et, en pratique, tentent par tous les moyens de retarder son arrivée. Ceci étant dit, afin de renouveler sa propre série sans pour autant l'amener à son point final, Stross avait recours à quelques expédients : après avoir confronté ses personnages au vampirisme dans The Rhesus Chart puis au phénomène super-héroïque dans The Annihilation Score, il aurait été peut-être un peu trop évident d'aller chercher une nouvelle figure paranormale du folklore populaire et de l'insérer dans l'univers de la magie rituelle - assistée par ordinateur - de la Laverie.

C'est pourtant ce que tente Stross en s'emparant - rien de moins - que... des Elfes de Tolkien ! Une fois de plus, le talent de l'auteur s'exerce : il se montre toujours aussi talentueux quand il s'agit de citer ses prédécesseurs les plus brillants, de remanier les puissantes images qu'ils ont su créer, pour les réutiliser dans un ensemble cohérent, se payant même le luxe de faire chevaucher à ses Elfes des créatures monstrueuses qui semblent partager un peu plus qu'une parenté avec les licornes d'Equoid. La cohérence de la construction satisfait et convainc aussitôt : les Elfes de Stross, comme ceux de Tolkien, sont beaux, forts, disposent de puissants artifices magiques - même si l'auteur du Seigneur des Anneaux ne leur faisait pas employer eux-mêmes le terme de magie pour décrire leurs propres talents, se fient à la nature plutôt qu'à l'industrie pour appuyer leur civilisation... et utilisent des armures que l'on imagine volontiers aussi soignées que celles entrevues dans les films de Peter Jackson (Le Hobbit). Les Elfes de Stross, toutefois et au contraire de ceux de Tolkien, sont imbibés d'un sentiment de profonde supériorité, se montrent cruels et déterminés à la conquête : ce ne sont, en fait, rien d'autre que des êtres humains à l'allure étrangère, évolués d'une façon différente, mais bien loin d'être dépourvus d'ubris. La confrontation est inévitable : leur propre monde est en ruine et leur espèce condamnée à l'extinction, une façon comme une autre pour Stross de nous donner à voir les conséquences du fameux CASE NIGHTMARE GREEN.

Et pourtant, The Nightmare Stacks ne tient tout compte fait pas toutes les promesses qu'il fait à son lecteur. Le choix savant de la référence, la solidité de la construction, le soin mis à retourner les a priori geeks sur les Elfes ne masquent pas la pauvreté sidérante de l'argument de ce livre, qui peut se résumer ainsi : "un vampire puceau rencontre une princesse elfique, ils tombent amoureux et à la fin ils sauvent la planète". Pour la deuxième fois, Stross commet à mon sens une erreur, celle d'avoir (re)fait du Une Affaire de Famille dans un univers qui ne s'y prête pas très bien. Comme par hasard, cette erreur se reproduit à nouveau en l'absence de Bob Howard, le personnage principal de la série jusqu'à The Rhesus Chart : reste à espérer que, pour le prochain volet de cette histoire, Stross aura la bonne idée de nous rendre le héros malgré lui qui faisait en fait toute l'âme de la Laverie...

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