Empress

Mark Millar est déjà passé sur ce blog, et je suis par ailleurs un grand fan de Kick-Ass, son super-héros sans-pouvoirs-mais-qui-déchire-quand-même qui a pris vie en comics avant de faire son apparition au cinéma. Autant dire que lorsque j'ai découvert cette BD dont il est le cocréateur, j'ai été aussitôt enclin à me laisser tenter...
Résumé : 
Morax est le cruel roi de la planète Ter, où il rend la justice en proposant aux criminels de se racheter en se battant contre l'adversaire de leur choix : lui-même... ou un reptile monstrueux ! La reine Emporia, qui a porté ses trois enfants, a décidé de lui échapper quel qu'en soit le prix et de revenir à la vie d'anonymat qu'elle a menée autrefois... Mais comment se soustraire au pouvoir de son très puissant seigneur de guerre d'époux, lequel dirige d'une main de fer un empire qui s'étend sur une bonne partie de la Galaxie ? Il faudra pour cela compter sur l'intelligence du capitaine Dane, qui lui est dévoué jusqu'à la mort - et composer avec l'opposition sourde de sa fille aînée qui reste attachée à son père malgré sa cruauté. Trouveront-ils d'autres alliés au cours de leur évasion sans espoir ?
Tout comme un Star Wars est censé se dérouler il y a très longtemps et dans une galaxie très lointaine, cet Empress a lieu il y a très longtemps... mais dans une galaxie qui n'est autre que la nôtre ! Il y a 65 millions d'années, alors que les dinosaures marchaient encore sous le Soleil, la Terre était dans cette histoire déjà peuplée d'êtres humains dont l'un deux, le roi Morax, dirige un empire à la structure totalitaire. Dès la sixième page - alors que les pauvres hères qui ont le tort de ne pas avoir fait justice à son nom avec la sévérité qu'il aurait fallu se voient condamnés à devoir faire face à un tyrannosaure - on se retrouve plongé dans un véritable roman hamiltonien mis en images colorées ! Les péripéties s'enchaînent sans aucun temps mort et, en fin de compte, il n'y a pas une distance très grande entre le lointain futur qu'imaginait Hamilton dans l'Univers des Rois des Etoiles et ce passé qui n'a pas été. On pense aussi, bien sûr, à la saga de L'Empire de Trigan, qui prenait elle-même des accents hamiltoniens et qui disposait déjà du même caractère de feuilleton qu'Empress... à la différence qu'ici, les voyages se font bel et bien de monde en monde, le vil roi Morax pourchassant avec acharnement sa famille en fuite...

Mais au-delà de ces références obligatoires, Empress - et c'est tout son intérêt, au-delà de celui d'hommage caractérisé à des œuvres plus anciennes - raconte une épopée d'un genre inhabituel, celle d'une femme aussi déterminée qu'intrépide, prête à défier un ordre néfaste pour ses idées ainsi que pour l'amour qu'elle porte à sa famille. En effet, il ne s'agit a priori pas ici de mettre fin à un empire démoniaque ni même d'éventer un noir complot : malgré son rang, malgré son passé plutôt mystérieux, Emporia ne souhaite au fond rien d'autre que de vivre une vie ordinaire, et c'est ce désir qui la conduit à la fin à renverser un système totalitaire.. Soutenue dans sa quête par une théorie de personnages bien distincts et surtout complémentaires - du garde du corps fidèle à la déraison au mercenaire débrouillard, en passant par ses propres enfants - la reine en fuite pourra visiter différents mondes où s'exerce le pouvoir de Morax, et être confrontée à la corruption que celui-ci engendre... Société de surveillance - où les oukazes ne sont en aucun cas discutables - et où la haute technologie vient donner à cette bureaucratie terrifiante la puissance de l'instantanéité ; dictature mercantiliste où les corps eux-mêmes peuvent se changer en ressources ; lourde influence d'un passé de chaos mal apaisé par le feu et le sang... Cette Galaxie-là se porte bien mal et si Emporia ne cherche pas à sauver autre chose que ses enfants, c'est peut-être parce qu'elle est consciente qu'il n'est pas en son pouvoir de sauver les autres. Et ce, même si - à la faveur de son ambition infinie - Morax commettait un jour une erreur annoncée presque dès le début de cette histoire...

Un trait magnifique allié à une histoire trépidante et pourtant plus profonde qu'il y paraît : joli cocktail pour une BD que je suis fort satisfait d'avoir découverte !

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