Le bien commun

Je poursuis ma lecture du recueil Danses aériennes de Nancy Kress avec ce texte au titre fort alléchant par les temps qui courent...
Résumé : 
En 2070, Zed vit dans un monde arriéré : le 30 juin, cinquante-six ans plus tôt, un vaisseau extraterrestre a fait disparaître plus de la moitié de la population humaine en quelques heures avant de repartir. Les survivants ont dû reconstruire un noyau de civilisation à partir du savoir et des machines qui ne se trouvaient pas dans les centres urbains éradiqués. Quelques années plus tard, le vaisseau est revenu et depuis chacun redoute un nouveau "30 juin"... Que veulent les étrangers ? Sont-ils la promesse d'apocalypse qu'envisage le père fanatique de Zed ? Pour le savoir, le jeune homme devra franchir le dôme de leur résidence, et il y découvrira une vérité peut-être dérangeante...
Depuis la Trilogie des Tripodes de John Christopher, la découverte par un jeune homme d'un monde arriéré suite à une invasion extraterrestre est un classique de la science-fiction. Le bien commun apparaît d'emblée beaucoup moins sombre que l'oeuvre de Christopher : mis à part leur désastreuse intervention en 2014, les extraterrestres de Nancy Kress ne sont a priori pas hostiles à l'humanité. Il ne s'agit pas pour eux d'éliminer une civilisation concurrente pour mieux s'installer sur Terre ensuite, mais plutôt de pousser l'espèce humaine vers l'avant à force d'un électrochoc. En ce sens, le titre de la nouvelle est tout à fait justifié : peut-on légitimer la mort de quelques-uns pour assurer la survie du groupe entier ? Quelle est la valeur d'une vie humaine rapportée à celle de toute l'humanité, si on la considère comme un objet défini dans l'espace comme dans le temps ? Quelle est la responsabilité d'une génération face aux autres générations, passées comme à venir ? La perspective temporelle - ou "loin-voir" - adoptée par les extraterrestres en question dans cette nouvelle est de nature à donner le vertige.

Si les enjeux - éthiques, temporels et intellectuels en général - de cette nouvelle sont colossaux, la première partie du périple de Zed en ressort presque téléphonée au premier abord. Est-elle indispensable à son acquisition du "loin-voir" ? Cela reste à démontrer. Le fait est que les extraterrestres, à l'intérieur de leur dôme, cultivent une humanité nouvelle qui serait capable de "loin-voir"... et qu'ils tentent pour cela plusieurs approches distinctes dont l'une donnera un résultat inattendu. Le schéma de cette nouvelle est donc très herbertien et tout à fait fascinant, si bien que l'on en oublie le démarrage un peu poussif et somme toute hors-contexte : peut-être était-il difficile de procéder d'autre façon... ou peut-être fallait-il procéder ainsi ?

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