A la mode, à la mode

Encore une nouvelle du recueil Danses aériennes de Nancy Kress !
Résumé : 
Suzanne ne vit que pour et que par la mode ! Les grands créateurs produisent à chaque nouvelle collection des vêtements qui véhiculent des émotions, avec lesquelles il faut se syntoniser grâce à des drogues... ainsi, à chaque saison correspondent couleurs, formes et humeurs dans lesquelles on doit se couler pour être à la mode, et à ce jeu Suzanne est l'une des meilleures. Sauf que Cade, son compagnon, semble s'en lasser, refusant même de se mettre au goût du jour et promettant ainsi de faire de sa vie un enfer démodé...
Chaque époque a les vacuités qu'elle mérite. La tyrannie de l'apparence a fini, dans le futur proche décrit dans cette nouvelle, par jouer un rôle toujours plus prépondérant d'autant plus que le vêtement s'accorde maintenant avec le corps ainsi que l'humeur. Ce texte confine presque à la dystopie : nul n'est tenu de suivre la mode, mais l'injonction sociale à la suivre et à participer aux fêtes où il s'agit de montrer à quel point on la suit bien est si forte qu'elle engendre névroses et mensonges. D'abord Suzanne manipule Cade avec succès pour obtenir qu'il adopte la mode saisonnière, puis insiste sans succès pour qu'il adopte celle de la saison suivante, ment pour justifier ses absences aux soirées, et finit par corrompre un créateur de mode afin de préparer son prochain coup et réussir son come-back sur le champ de bataille social : derrière le renouvellement périodique de la mode se trouve en effet l'artificialité d'une culture où chaque instant est, par son unicité, considéré comme si précieux qu'il convient à tout prix de l'habiller de couleurs et d'émotions, et de le fêter comme si c'était le dernier.

Il ne s'agit pas de ma philosophie, la chose est certaine, et de ce fait la déconfiture de Suzanne m'a occasionné un plaisir vorace car je voue une intense détestation à ces gens qui vivent comme l'oiseau sur la branche... Le fait est que même ce personnage si détestable finit par comprendre en creux que la tyrannie de l'instant doit prendre fin : la résistance de Cade l'amène à concevoir un plan à plus long terme et donc à anticiper la mode à venir. Sacrifier le micro-plaisir de l'instant au bénéfice d'un plaisir futur plus long en durée ? Suzanne fait ici un pas décisif dans la bonne direction et cesse de ce fait d'être un portrait de mondaine écervelée. Le démon de la mode n'est certes pas vaincu - mais la chose est certaine, un jour ou l'autre il devra rentrer dans sa boîte en carton...

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