The Quantum Magician

J'ai retenu le titre de ce livre en explorant un jour un blog affilié au Planète-SF. Je me suis dit que la chose méritait quelque intérêt de ma part : c'est ainsi que le premier tome de The Quantum Evolution de Derek Künsken a fait son entrée dans ma pile...
Résumé : 
Dans un futur pas trop lointain, Belisarius Arjona est un Homo quantus : son corps est équipé de plaques métalliques et ses cellules possèdent des organites supplémentaires, les magnétosomes, un équipement qui lui permet de réguler à volonté certaines de ses fonctions nerveuses. Ainsi peut-il entrer en état "savant" et améliorer son efficience intellectuelle - voire même entrer en "fugue" lorsque sa conscience disparaît tout à fait, libérant ainsi toutes ses capacités. Mais Arjona est un Homo quantus failli : la fugue promet tôt ou tard de le faire sombrer dans une fièvre mortelle et il a fui les siens, préférant user de ses talents pour des combines et des escroqueries qui - bien que juteuses - représentent un véritable gâchis de ses talents, dans la mesure où il a été conçu pour contempler rien de moins que des énigmes cosmologiques... Vient un jour à lui une représentante de l'Union Sub-Saharienne, dont une flotte réputée perdue a besoin de l'assistance d'un magicien pour revenir à bon port : le trou de ver que ses vaisseaux doivent traverser se trouve sous le contrôle des Marionnettes, un inquiétante faction post-humaine qui n'ouvrira pas le passage sans un paiement exorbitant. Pour Arjona, il s'agit du couronnement de sa carrière d'escroc - mais il sait déjà qu'il ne pourra pas y arriver seul...
Un Topkapi dans l'espace ! Tel est la première impression que j'ai eue devant cette histoire de casse du siècle où le cerveau de l'opération est un post-humain failli, auquel les joies de la contemplation abstraite de l'univers sont interdites. Un Homo quantus ne doit avoir d'autre préoccupation que la science puisqu'il a été conçu pour cela : cette option n'est pas à la portée d'Arjona, qui doit donc trouver un dérivatif à son intelligence aiguisée en vain. Cassandra, l'une de ses recrues dans cette escroquerie d'une grandeur inégalée, montre au lecteur ce que doit être un véritable Homo quantus : au contraire de lui, elle est le produit d'une ingénierie réussie et témoigne le plus souvent d'opinions idéalistes quand Belisarius se montre au contraire matérialiste. L'univers est toutefois dangereux : le pouvoir est détenu par des Etats interstellaires qui peuvent imposer leurs lois et leurs dictats aux puissances de moindre envergure ; des expériences de bio-ingénierie plus ou moins ratées ont donné lieu à d'autres variantes post-humaines que l'Homo quantus - et certaines d'entre elles sont tout à fait monstrueuses. L'univers est vaste, aussi : le réseau de trous de ver abandonné par une civilisation extraterrestre disparue depuis une éternité permet de franchir des centaines d'années-lumière en un clin-d’œil. En fin de compte, cette humanité-là n'est pas tout à fait adulte : jetée trop tôt dans le grand bain d'une galaxie qui lui était offerte, elle n'a pas pris le temps de réparer ses anciennes erreurs avant d'en commettre de nouvelles. C'est ainsi que les post-humains, dans The Quantum Magician, sont sujets aux mêmes défauts que les simples êtres humains que nous sommes - puisqu'ils se mentent, cherchent à s'enrichir au dépens des autres, font preuve de perversité ou se font piéger à cause de leur avidité.

La thématique post-humaine est, de toute évidence, l'élément le plus important et le plus intéressant dans The Quantum Magician. Les post-humains n'y sont pas si différents des êtres humains à l'ancienne, leurs capacités extraordinaires exceptées. Le matérialisme dont fait preuve Belisarius Arjona semble être toutefois un peu plus qu'une simple philosophie ad hoc : suite aux expériences d'ingénierie génétique hasardeuses qui ont donné lieu aux Marionnettes ainsi qu'à ces intéressants post-humains adaptés à la vie en eau profonde, il est apparent que l'idéalisme dont fait preuve Cassandra est dépassé. La conscience n'est en effet pas tout à fait indépendante de la matière et il apparaît que la seconde peut en réalité représenter un véritable piège pour la première, les Marionnettes, les Bâtards aquatiques et l'Homo quantus lui-même étant d'une certaine façon enchaînés à leur condition truquée. La post-humanité, dans ce monde futur, c'est avant tout la souffrance lancinante : celle qu'occasionne un sentiment religieux héréditaire faisant de l'apostasie une mutation génétique à éliminer, celle qu'occasionne une forme physique si monstrueuse qu'elle ne permet plus d'exprimer la moindre émotion... et celle qu'occasionne la contemplation de la réalité nue par le biais de souvenirs tronqués suite à la fugue. Quant aux êtres humains à l'ancienne, leur condition n'est pas toujours plus positive : chercher à s'en extirper peut avoir de graves conséquences. Il s'avère qu'il n'est pas toujours possible de critiquer le système lui-même : en fin de compte, seul Arjona en sera capable par le biais... d'un tour de magie, en quelque sorte !

Si les idées de The Quantum Magician sont des plus intéressantes, si son argumentation est assez originale, il n'en reste pas moins que sa structure en apparaît bien faible pour soutenir l'ensemble. Une part (trop) importante du début de l'oeuvre est consacrée à la présentation de la dream team d'Arjona, qui sera constituée de vieux amis à lui ou de personnalités d'exception dont il a entendu parler par ailleurs. On comprend qu'il soit important pour l'auteur d'y inclure un représentant au moins de chacune des branches de la future famille humaine, et que par souci de redondance il faille y insérer aussi bien des personnalités considérées comme sûres par Arjona que des éléments plus incertains. On comprend aussi que le schéma du plan dont les grandes lignes sont dévoilées par Arjona lors du recrutement de son équipe n'est sans doute pas celui qui se verra réalisé en fin de compte - sinon, cela voudrait dire que l'auteur va nous raconter son histoire deux fois... Comme le dit le personnage principal au début du livre, un bon pari s'apparente à l'une ou l'autre de ces trois possibilités : parier sur une carte, parier sur un joueur... ou se contenter de jeter le dé. Or Arjona ne joue pas aux dés : de toute évidence, le joueur qui sera trompé sera le lecteur s'il se laisse prendre lui-même au jeu de la narration. Et donc, on s'attend à ce que le magicien quantique éponyme ne se contente pas d'un schéma lui permettant de rafler la mise - alors que ce qu'il désire, en réalité, c'est s'enfuir avec la caisse. De ce fait, la conclusion du livre n'est pas tout à fait inattendue : cette histoire se déroule en toute tranquillité, presque de façon scolaire, les péripéties et les relations contrariées entre les différents personnages de l'équipe étant - sinon prévisibles - peu surprenantes, et l'épiphanie d'Arjona étant quant à elle tout à fait attendue. J'ignore combien de suites l'auteur va donner à The Quantum Magician - mais il est certain qu'il faudra beaucoup de bons retours pour me convaincre de leur accorder mon attention !

Ne manquez pas l'avis de Gromovar ni celui d'Apophis.

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