L'Outsider

Un nouveau Stephen King : depuis ma découverte assez tardive de cet auteur et surtout de son oeuvre, ce genre d'annonce est pour moi une bonne nouvelle...
Résumé : 
A Flint City en Oklahoma, un meurtre ignoble vient d'être commis. Les spécialistes confrontés au corps sont formels : seul un prédateur de la plus haute dangerosité a pu faire subir pareille barbarie au jeune Frank Peterson et il convient d'arrêter le monstre au plus vite... La police a devant elle un boulevard : des témoignages accablent Terry Maitland, professeur d'anglais et coach sportif de son état. Le dossier semble en tout cas bien assez solide pour faire arrêter le suspect en plein match et devant la ville toute entière. Aussitôt, la vindicte populaire se déclenche et les menaces pèsent sur l'avenir de la famille Maitland : pourtant, le coach met en avant un alibi et ne démord pas de sa ligne de défense alors que ce qui l'attend, c'est une injection mortelle... Tandis que l'avocat de Terry engage un détective privé, les doutes commencent à embrumer l'esprit du policier Ralph Anderson : même s'il sait que les monstres se dissimulent souvent derrière le masque de la plus haute respectabilité, l'aplomb du suspect et celui de son avocat y compris face aux preuves scientifiques se font de plus en plus étonnants... Et si Terry n'était pas l'assassin de Frank Peterson ? Et si quelqu'un d'autre agissait dans l'ombre ? Deux questions qui en dissimulent d'autres plus simples et plus inquiétantes... Qui ? Pourquoi ? Et surtout... comment ?
Si ce roman démarre comme un roman policier avec un meurtre en apparence impossible - puisque son suspect a été vu en deux endroits différents aux moments cruciaux - la barbarie de celui-ci l'inscrit dès le commencement dans le genre de l'horreur, et pour qui connaît un tant soit peu l'oeuvre de King, il est évident que le récit hélas banal d'une procédure judiciaire et policière déclenchée suite à un acte répugnant va tôt ou tard déraper vers une autre forme de cauchemar. L'Oklahoma est un Etat du Midwest : s'il n'est pas aussi écrasé de soleil que le Texas, et si la gâchette y est sans doute moins facile, le quarante-sixième Etat de l'Union fut un territoire de pionniers jusque dans un passé assez récent et il demeure de nos jours un véritable carrefour. Flint City, inventée pour les besoins de l'intrigue, est une ville américaine en apparence des plus ordinaires : quelques jours après la fête nationale du 4th of July, la communauté tourne un peu au ralenti dans la torpeur estivale des vacances scolaires... Le cauchemar commence donc avec un meurtre à même de révolter n'importe quelle personne dotée d'un peu d'empathie. Il se confirme avec l'arrestation spectaculaire du suspect, laquelle déclenche horreur et stupéfaction : quand une figure aussi respectée que celle de Terry Maitland est jetée à bas, c'est toute la communauté qui tremble, et c'est en fin de compte l'éveil - ou le réveil - des plus bas instincts que sont culpabilité par association, haine et désir de vengeance. Le cauchemar se poursuit ensuite en forme de folle escalade n'épargnant aucun personnage, comme si l'auteur cherchait à briser chaque élément pouvant les rattacher à une vie en apparence normale.

Il existe un monstre - à tous les sens du terme - qui se cache entre les pages de ce livre. On le sait, Stephen King aime les monstres, et celui-ci partage quelque parenté avec la fameuse créature de Ça : là où le clown se nourrissait de la peur qu'il éveillait chez ses victimes, l'Outsider - soit donc l'antagoniste métamorphe de ce roman - se nourrit quant à lui de la tristesse qu'éveillent ses crimes et de leurs conséquences. Même si la chair humaine semble avoir pour lui quelque intérêt alimentaire, c'est bel et bien des sentiments négatifs que dépend sa subsistance et sa capacité à endosser une nouvelle apparence... et le fait que certains se trompent et en viennent à la rage vengeresse n'est jamais qu'un supplément gratuit fort bienvenu après un repas déjà succulent. Inhumaine, cette créature ? Oui, cela va de soi - et si elle est de toute évidence moins redoutable que Ça, elle se révèle peut-être et aussi plus haïssable encore. Après tout, l'Outsider est plus proche de l'humanité dont il est un parasite plutôt qu'un prédateur comme le clown ; ce dernier restait inactif pendant plusieurs décennies avant d'ouvrir un cycle nouveau de terreur alors que l'Outsider est plutôt un routard de l'horreur - choisissant ses victimes au fil de son chemin et se terrant non dans l'ombre souterraine (encore que) mais dans la distance qu'impliquent les routes interminables dans le paysage des Etats-Unis.

Roman très américain et très contemporain - puisque son auteur y fait sans cesse référence aux plus nouvelles des nouvelles technologies, qu'elles soient d'investigation policière ou non - L'Outsider semble à première vue n'être qu'un remake très bien exécuté de Ça : il s'agit à nouveau pour King d'explorer la peur, les sentiments humains et la profondeur de l'inconnu, dont le destin n'est jamais que l'une des expressions. S'agit-il pourtant d'une remise au goût du jour d'un roman plus ancien ? Pas tout à fait, pour les raisons déjà évoquées plus haut : si le schéma semble identique - celui de l'élimination d'une créature hostile - sa motivation n'est pas tout à fait la même. Les enfants du "club des ratés" combattaient leurs angoisses les plus profondes là où ce qui aiguillonne Ralph et ses alliés, c'est l'esprit de justice. Les adultes à l'oeuvre dans leur mission d'élimination dans L'Outsider ont donc la partie somme toute facile, puisque pour vaincre il suffit de croire et de dégainer un revolver avant que l'ennemi n'ait le temps de frapper. C'est pour cette raison que, sans être manqué, ce nouveau roman ne parvient pas à convaincre tout à fait : le maître de l'horreur a fait mieux avant, si bien que faire moins efficace maintenant ne peut que décevoir...

Ne manquez pas non plus l'avis de Lune !

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