The Artist

Petite entorse à mon régime habituel avec un film où il n'y a pas la moindre trace de SF, F ou F' : j'ai vu avant-hier soir The Artist. Pour la petite histoire, je l'ai vu dans une salle de village dont le système de projection fait un clac-clac-clac permanent constituant à lui seul un hommage aux premières heures du cinéma...
Résumé :
The Artist, c'est George Valentin : un acteur du cinéma muet dont la popularité, en 1927, est au zénith. Peppy Miller, elle, est encore une simple figurante qui croise par hasard son idole à la sortie d'une première... Or, pour le cinéma encore tout jeune, c'est la fin d'une ère : la technologie permettant de produire des films parlants est en train d'apparaître, et avec la possibilité d'insérer des dialogues, c'est tout un art du cinéma qui va changer... George Valentin, qui considère les films parlants comme "pas sérieux", ne risque-t-il pas d'être oublié du public à mesure que monte l'étoile de Peppy Miller, l'un des "nouveaux visages" du cinéma ?
On présente ce film comme un hommage au cinéma muet. De mon côté, après avoir quand j'étais gosse ri plus souvent qu'à mon tour avec les Charlie Chaplin et autres Laurel et Hardy muets dans les deux cas, j'ai beaucoup apprécié de retrouver ici des codes à présent oubliés par le cinéma "bruit et fureur". En fait, entre le cinéma muet et n'importe quel Avatar, je crois que l'on peut dire qu'il y a tout un monde : celui qui sépare deux formes d'art s'exprimant, par hasard, sur le même support mais n'ayant presque rien à voir. Un peu comme si l'on voulait comparer l'art de Léonard de Vinci avec celui, par exemple, de Matisse... Le cinéma muet, ne disposant pas du vecteur de la voix, nécessitait l'insertion de quelques rares panneaux écrits pour pallier à l'absence de dialogues - et surtout, requérait de ses acteurs un véritable effort dans la construction de leurs expressions. L'image était alors presque seule pour faire le travail, à peine soutenue par une musique d'accompagnement jouée à l'orchestre. Ces contraintes sont très bien respectées dans ce film, les quelques rares sons autres que ceux de l'orchestre étant pour la plupart concentrés à la fin. Car The Artist est en effet un hommage au cinéma muet - mais ce n'est pour autant pas un film muet.

L'argument de ce film n'a rien d'extraordinaire et rappelle un peu Les Feux de la Rampe de Chaplin, la rivalité artistique entre l'homme du cinéma d'avant et la femme du cinéma d'aujourd'hui en plus. Une rivalité qui perturbe la rencontre entre l'homme et la femme tout court, mais pas au point d'empêcher un happy end un peu attendu. L'intérêt du film, c'est avant tout la déchéance du personnage de George Valentin, qui n'a pas voulu comprendre que le monde a changé. Une histoire en forme d'illustration pour l'assertion qui voudrait que "le public a toujours raison". C'est oublier que les goûts du public se construisent et s'éduquent... voire se manipulent. Bien qu'amateur de cinéma parlant, je dois reconnaître que les acteurs contemporains ne semblent pas capables de la même concentration et de la même expressivité que les acteurs du cinéma muet... L'hommage est ici aussi très net, les prestations des deux acteurs principaux semblant épuisantes.

Je pense que l'on ne peut parler de ce film sans évoquer, aussi, l'ambiance dans la salle. Certes il s'agissait d'un public a priori un peu particulier, les salles de village ne drainant pas n'importe qui, mais néanmoins, c'est une expérience à part entière que de regarder un film dans une ambiance où les seuls sons d'origine humaine sont ceux qui proviennent des spectateurs. Beaucoup de rires, quelques murmures, qui ponctuent un film muet mais pas silencieux. Huit décennies plus tard, cet hommage montre que le cinéma muet n'est pas mort, mais tout juste endormi. Au public de faire l'effort d'en réveiller les trésors.

En attendant d'assister à la prochaine évolution du cinéma, peut-être par l'irruption d'un sens nouveau ? L'avenir le dira.

Commentaires

Gromovar a dit…
Ca me dit bien. J'espère seulement ne pas être déçu tant j'aime Les feux de la rampe. Et cette musique.
Anudar a dit…
Mis à part la présence d'une femme et d'un artiste sur le retour, il n'y a quand même pas beaucoup de rapports entre les deux films.
Blop a dit…
Une jolie description du charme pas si désuet du muet. Ce film me fait envie à moi zaussi.
Vert a dit…
Beaucoup aimé ce film qui se démarque (forcément) de ce qui sort en ce moment. Et m'a bien rappelé les Laurel & Hardy et cie.

J'ai moins apprécié les gens qui mangeaient du pop corn par contre, quand les gens comprendront-ils que c'est à réserver aux films bourrins ? ^^