Le Trône de Fer, l'Intégrale tome 5

2012 avait été pour moi l'année du début de la lecture du Trône de Fer de G.R.R. Martin - à moins qu'il ne s'agisse de l'ascension de l'Everest si l'on en croit l'ami Gromovar. Le précédent tome de la série (que je lis en édition intégrale, parce que quinze tomes en poche, faut pas déconner) m'avait presque déçu. Ben oui : au bout de quatre mille et quelques pages cumulées, il semblait encore bien difficile de savoir où l'on allait... Près de trois ans après, avec la parution du tome cinq de l'intégrale (je n'ai pas craqué entre deux), il était temps de reprendre la garde sur le Mur...
Résumé : 
La Maison Lannister a réussi à sécuriser le Trône de Fer pour le garçonnet-roi Tommen, mais ce fut au prix d'une alliance inconfortable avec la puissante Maison Tyrell de Hautjardin. La reine régente Cersei Lannister, à présent privée de l'amour incestueux de Jaime, pourrait bien être la prochaine pièce à tomber dans le "jeu des trônes" : son complot contre Margaery, sa belle-fille Tyrell, l'a jetée aux mains du Grand Septon qui accorde un peu trop de crédit aux rumeurs selon lesquelles ses enfants ne seraient pas ceux du défunt Robert Baratheon... A l'Est, Daenerys Targaryen, la Mère des Dragons, a conquis Meereen, une ville d'esclavagistes qui voient d'un très mauvais oeil l'affranchissement des esclaves. Pour tenir sa ville, Daenerys va devoir choisir entre la voie de la guerre et celle de la conciliation... Mais en existe une qui soit la bonne ? Surtout quand convergent vers elle tous ces prétendants avides peut-être plus de la puissance qu'elle représente que de sa propre personne ? Au Nord de Westeros, Jon Snow et le prétendant Stannis Baratheon entretiennent un voisinage contraint et bien peu chaleureux. Le premier, soucieux de ne rien faire qui puisse mettre en péril sa Garde de Nuit, ne peut négliger l'aide qui lui a été apportée par le deuxième... mais il ne peut en même temps pas lui apporter le soutien qu'il réclame. Le bâtard Stark, peut-être le dernier survivant d'une Maison exterminée, allié au juste mais raide frère de Robert Baratheon, sait que le danger réel se trouve au-delà du Mur qu'il garde. Là-bas, les morts se relèvent quand le froid monte... Et avec le froid viennent aussi les Marcheurs blancs, dont le règne de terreur vieux de plusieurs milliers d'années à présent n'est plus qu'un mythe. Les royaumes humains sauront-ils s'allier alors que le froid et le mal s'éveillent de nouveau ? Pourront-ils trouver de l'aide quand ils en auront le plus besoin ?
Ce cinquième tome de l'intégrale du Trône de Fer pèse son nombre de pages : 1145 de texte... sans compter les pas loin de cinquante pages faisant la liste des dramatis personae. Disons-le tout de suite, il s'agit d'un impressionnant pavé qui succède fort bien à tous les autres et permet à la série d'atteindre les cinq mille pages cumulées... On dirait volontiers "ouf"... mais ce n'est pas fini !

Le résumé que j'ai produit de ce volume ne rend hélas pas justice à l'extrême complexité - ainsi qu'à l'intrication - de l'intrigue développée à l'intérieur. Le monde où se trouvent les continents de Westeros et d'Essos est vaste, peut-être plus que le nôtre, le nombre de personnages qui l'habitent et s'y côtoient est grand, très grand, comme en témoigne la déjà citée liste finale. Leurs interactions - et leurs relations - apparaissent de ce fait presque innombrables, surtout quand de nouveaux personnages alignés ou non avec les anciens font leur apparition. Aux heurs et malheurs de la petite histoire de chacun s'associent les coups de la grande Histoire, celle à qui Perec attribuait une grande hache : le règne des Lannister est arrivé, mais il a été acheté par l'or, la trahison et le meurtre - toutes choses que le Trône de Fer attire et distille. Ce fut un plaisir de voir périr l'infect Joffrey et le très antipathique Tywin : on assiste ici à la déchéance de l'orgueilleuse et peu compétente Cersei, humiliée en public et promise à un procès ou à un jugement par duel chevaleresque. Les Lannister sont détestables, la chose est écrite, et l'on se réjouit de les voir à leur tour abaissés... voire bientôt effacés, emportés par le vent ?

L'irruption des Dorniens, au particularisme très marqué, m'était apparue comme presque superfétatoire. Leur implication dans les nouveaux complots, à Westeros mais aussi à Meereen, vient hélas confirmer cette impression peu agréable. J'ai envie de dire que la multiplication des personnages, des lieux et des fils d'intrigue vient parasiter le "grand schéma" de l'auteur. Celui-ci, dans sa postface, vient en effet se plaindre que ce livre a été l'enfer - à écrire, je suppose... mais peut-il s'en prendre à quelqu'un d'autre qu'à lui ? Le Trône de Fer est une série dont la puissance repose bien entendu sur l'extrême richesse, et sur son étonnante complexité. On n'ose imaginer quelle quantité de notes G.R.R. Martin a pu produire pour en arriver à produire une cohérence étirée sur plus de cinq mille pages. De cette puissance, il a su tirer un monde aussi original que magnifique - mais n'a-t-il pas perdu de vue le fait que la Guerre des deux Roses elle-même n'opposait que deux camps ?

Le présent volume n'est cependant pas décevant, bien au contraire. Il relève très bien l'intérêt de la série, quelque peu diminué au terme d'un quatrième tome pas aussi convaincant que les autres. Avec l'Hiver, c'est une phase nouvelle du jeu des trônes qui va s'ouvrir : il faudra pour cela lire la suite, que j'attends avec une impatience renouvelée.

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