Spherical Harmonic

Je n'ai jamais chroniqué ici d'oeuvre signée Catherine Asaro, et c'est bien dommage : il y a un peu plus de dix ans je découvrais La Saga de l'Empire Skolien, à savoir une série space-op' renouvelant fort bien les éléments les plus classiques du genre. Deux empires interstellaires ennemis se font face, l'Imperium skolien d'une part et le Concordat d'Eubée d'autre part. Le premier possède quelques structures démocratiques alors que le deuxième est une véritable tyrannie - mais ce qui les distingue pour de vrai, c'est leur attitude à l'égard des empathes et des psions. Les mondes skoliens reconnaissent leur existence et leur ménagent une place privilégiée - les plus talentueux, les psions Rhon, peuvent même générer le "psiberweb" qui donne à l'Imperium une véritable supériorité tactique sur ses adversaires en combat spatial. En face, les Eubiens - aussi appelés Troqueurs - utilisent les psions comme "donneurs" pour leur caste dirigeante : les Aristos, produits d'une expérience génétique ratée, torturent leurs "donneurs" car cela occasionne chez eux la "transcendance", à savoir un plaisir physique supérieur même à l'orgasme. Skoliens et Troqueurs sont ennemis depuis des siècles et les Alliés, organisés autour de la Terre, cherchent leur propre voie, se méfiant aussi bien des tentations hégémoniques des Troqueurs que de celles des Skoliens.

Résumé : 
La guerre de Radiance a pris fin dans la confusion. Les Skoliens ont réussi à envahir la capitale ennemie et à s'emparer de l'Empereur Jaibriol II, mais les Troqueurs eux-mêmes ont capturé un Rhon de la dynastie skolienne en même temps que l'une des Clés qui permettent la création du psiberweb. L'Imperator Soz, qui a elle-même conduit ses troupes victorieuses sur Eubée, n'est plus - sa navette semble-t-il abattue pendant la retraite, alors qu'elle emportait l'Empereur vaincu avec elle. Nul ne peut donc dire qui, au juste, a gagné la guerre... Les signes se produisent pourtant là où nul ne les attendait : sur la lune Opalite, colonie mineure de l'Imperium skolien, réapparaît le Pharaon Dyhianna Selei, la tante de Soz, qui avait fui devant l'assaut des Troqueurs. La destruction du psiberweb au moment de l'invasion l'a diminuée, tout comme l'Imperium tout entier autour d'elle... Pourtant, elle sait qu'elle ne peut se laisser le temps de la récupération. Car, en face, les Troqueurs comme les Alliés préparent leurs prochains coups... Et si les Rhon de la dynastie impériale veulent avoir un espoir d'échapper à l'atroce servitude aux mains des Aristos comme se libérer des exigences du gouvernement skolien, ils vont devoir bientôt saisir toutes leurs chances. Dyhianna pourra-t-elle assumer son titre de Pharaon sans renoncer à ce qui fait son humanité ?
Catherine Asaro est physicienne et, ce qui ne gâche rien, elle prend soin d'insérer dans son oeuvre de fiction des éléments de hard-science, notions de mathématiques et de physique inclues... La plupart des romans de la Saga peuvent se lire d'une façon autonome, Asaro ayant pris soin de construire une intrigue vue par les yeux de différents personnages - dont tous ne sont pas Skoliens, et dont les plus positifs d'entre eux peuvent se montrer parfois inquiétants voire détestables. C'est pour ces raisons que je ne parviens pas à comprendre pourquoi, au juste, cette belle série a été laissée de côté par les éditeurs français : quatre tomes parus il y a une dizaine d'année puis... plus rien... Il est vrai que je suis réputé incapable de comprendre l'intellect éditorial. Brisons là : la Saga de l'Empire Skolien m'est par chance accessible en version originale puisque je lis en anglais - parfois, hein... quand ça en vaut la peine... - et j'ai eu envie d'y revenir.

Ce roman fait suite à Point d'Inversion et à Radiance, lesquels racontent les circonstances de la rencontre entre Soz et Jaibriol II. Pour des raisons évidentes, ces deux personnages sont tout à fait absents de Spherical Harmonic, et la plupart des personnages eubiens sont absents de ce roman ou bien n'y apparaissent qu'en tant que guest-stars. C'est donc une intrigue centrée sur les machinations politiques à l'intérieur d'un Imperium skolien désemparé qui nous est offerte : peu à peu, Dyhianna va se trouver impliquée dans une révolution de palais - à moins qu'il ne s'agisse d'un coup d'Etat - dont la finalité sera de lui donner un pouvoir plus étendu. L'une des conséquences les plus tangibles de la Guerre de Radiance est donc la fin d'une certaine forme de démocratie au sein de l'Imperium : il est intéressant de voir que le nouveau dépositaire de ce pouvoir absolu n'est pas un portrait de despote. Asaro nous surprend donc une fois de plus...

L'intrigue est tonique par moments mais la tonalité de ce livre est dans l'ensemble assez contemplative. Peu voire pas de combats spatiaux, alors que l'assaut des Skoliens sur Eubée reste gravée dans mon esprit comme l'une des scènes de bataille d'anthologie de la SF. Il est vrai que le personnage de Dyhianna est réputé pacifique : c'est une mathématicienne, pas une stratège comme l'était Soz. A ce titre Spherical Harmonic n'est pas le meilleur morceau de la Saga si l'on veut la découvrir, même si la chose est possible, très peu de secrets entrevus par ailleurs y étant abordés : il s'agit plutôt d'un roman à lire pour continuer son exploration de la Saga - ou pour y revenir. Et je ne regrette pas de l'avoir fait.

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