Le Robot Caliban

Si Roger MacBride Allen est un parfait inconnu sur ce blog, ce n'est pas le cas d'Isaac Asimov dont il a emprunté le Cycle des Robots dans ce roman, premier volet d'une trilogie. On le sait, l'écriture du Bon Docteur ne satisfait pas tout le monde et si j'en ai pas mal mangé il y a une vingtaine d'années - déjà - il faut bien reconnaître que depuis, je n'ai pas eu envie plus que ça de m'y replonger, sauf de temps en temps, par hasard à moins que ça ne soit par accident... Alors, qu'est-ce que ça donne quand un autre vient à lui emprunter sa plume ?
Résumé : 
Inferno porte bien son nom. Une planète aux confins de l'espace humain, où la tentative d'installation des Spatiaux est menacée par un écosystème mal terraformé, à l'équilibre plus qu'incertain. C'est à tel point que les Colons, dont la société sans robots est en train de remporter la course à la conquête galactique, ont été rappelés en renfort : experts en terraformation, ils sont les seuls à pouvoir peut-être éviter la dégradation totale de l'environnement d'Inferno... Sur ce monde où Spatiaux et Colons cohabitent tant bien que mal tout en s'opposant sur la question robotique, un robot inhabituel s'éveille au fin fond d'un laboratoire. Caliban est une machine inédite, produite par le génie de Fredda Leving, une Spatiale déterminée à éviter que sa culture ne se sclérose tout à fait. Mais, au terme de sa première activation, Caliban découvre à ses pieds le corps assommé de sa créatrice, baignant dans une mare de sang. Alors, il s'enfuit, cherchant à découvrir un monde pour l'interprétation duquel il ne dispose que d'une base de données incomplète... Ce qu'il ne sait pas, c'est que son attitude va épouvanter tous ceux qui en auront connaissance : aucun robot, contraint par la Première Loi de la Robotique, ne peut abandonner un être humain en situation de péril. Qui est Caliban ? Et jusqu'à quel point son existence est-elle liée au destin de l'humanité sur Inferno ?
De toute évidence, Roger MacBride Allen connaît son Asimov et il respecte fort bien les contraintes - assez légères - de l'écriture du Bon Docteur. L'utilisation des fameuses Trois Lois de la Robotique est ici convaincante puisqu'il parvient à en tirer des paradoxes dont tous ne sont pas évidents. Si leur étude - sous la forme de deux conférences données par le personnage de Fredda Leving - est quelque peu didactique pour ne pas dire scolaire, il s'en dégage bien cette idée recherchée dans tout ce livre selon laquelle une société humaine ayant des effets sur son environnement - et celui-ci l'influençant en retour, une culture de type robotique - fondée sur le concept du mythe de Frankenstein et sur celui de l'exploitation d'une masse inépuisable de travailleurs aliénés - ne peut, contrainte par sa propre indolence, faire face aux enjeux d'un écosystème hostile. En ce sens, Le Robot Caliban trouve très bien sa place dans L'Histoire des Temps Futurs d'Asimov : quelques siècles après les événements de Les Robots et l'Empire, les Spatiaux tentent eux aussi de conquérir la Galaxie mais, comme on l'apprend dans le Cycle de Fondation, ils ont en fin de compte échoué...

Esquissant ainsi les enjeux d'une époque charnière, celle où les Spatiaux et les cultures de roboticiens s'effacent devant les Colons qui rejettent les robots, l'auteur adopte l'une des formes de prédilection du Bon Docteur, à savoir celle de l'intrigue policière. Qui a voulu tuer - peut-être - Fredda Leving ? Est-ce Caliban que tout semble incriminer, à commencer par son apparent mépris pour les Trois Lois ? Est-ce l'un ou l'une de ses associé(e)s dans une entreprise d'envergure planétaire et pourtant secrète ? Est-ce un personnage au-dessus de tout soupçon ? Le personnage d'Alvar Kresh - qui, en tant que shérif de la capitale d'Inferno, va devoir mener l'enquête - va en perdre sinon son latin, du moins une bonne partie de ses certitudes. Ce livre apparaît en fin de compte comme un hommage plus qu'honnête à l'oeuvre d'Asimov : de toute évidence, Roger MacBride Allen a cherché à faire de son mieux et il est parvenu à produire quelque chose de convaincant. Et pourtant, Le Robot Caliban, s'il ne laisse aucun mauvais goût au terme de la lecture, ne parvient pas à passionner son lecteur. Ai-je trop lu d'Isaac Asimov pour apprécier les hommages qui lui sont faits ? C'est à craindre...

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