The Rhesus Chart

Je me suis replongé avec délices dans l'univers de la Laverie avec le dernier volet disponible en poche (à l'heure actuelle, hein). Avec The Rhesus Chart, Charles Stross nous propose cette fois-ci de nous intéresser à l'un des mythes les plus usés célèbres de la SF, à savoir, celui du vampire.
Résumé :
Tentant d'importer les méthodes de management des start-ups de la Silicon Valley, les Ressources Humaines de la Laverie attendent désormais de leurs employés qu'ils se mettent à travailler sur leurs propres projets sur une partie définie de leur temps de travail. Le projet d'Andy ayant manqué de très mal tourner, le voici affecté à celui de Bob qui, après avoir obtenu le report de la date de la fin du monde, s'intéresse maintenant aux vampires - ou plutôt, à la raison pour laquelle tout le monde à la Laverie soutient que les vampires n'existent pas. Même sa charmante épouse, Mo, est en mesure de lui démontrer que les vampires ne peuvent pas exister. Sauf qu'au même moment, un geek recruté par une banque londonienne se voit transformé par l'algorithme sur lequel il travaille... Une transformation qui fait de lui un être insomniaque, nocturne et qui lui donne soif. Très soif... Pour affronter ces créatures plus tout à fait humaines que sont les vampires, il faudra peut-être bien que Bob retourne affronter ses propres démons. D'autant plus que, pour la première fois, quelque chose semble mériter de qualifier ce cas d'anormal. La Laverie sera-t-elle de taille face à ce nouvel ennemi ? N'y a-t-il pas pire à craindre qu'un nid de vampires ?
Je l'ai déjà dit, je me méfie des vampires en littérature. Trop de Twilighteries ont fini par amocher Dracula et il faudra bien dix-quinze ans pour que l'on puisse à nouveau voir apparaître un vampire dans un livre sans ricaner en pensant "Edward ! Edwâââârd !". Ici, toutefois, on est chez Stross - et l'on peut s'attendre à ce que l'auteur s'empare du terme et du concept en les décortiquant pour faire sa propre cuisine. Parce que Stross n'est pas du genre à se laisser impressionner par des bellâtres, fussent-ils phosphorescents. Et donc, voici qu'il nous invente rien de moins que ce que j'ai envie de qualifier de vampirisme assisté par ordinateur. Comme souvent chez lui, le paranormal s'infiltre dans l'univers de gens normaux, voire même banaux, et peut-être même un peu couillons, grâce à la technologie qui envahit chaque année un peu plus nos vies. C'est le leitmotiv de cet univers de la Laverie : nos ordinateurs sont des portails qui ne demandent qu'à être ouverts sur d'autres réalités - où pullulent des intelligences hostiles et surtout voraces. Ici, en bidouillant un algorithme capable de prédire les fluctuations du marché - rêve de trader - le "patient zéro" de cette nouvelle épidémie de vampirisme attire l'attention d'un parasite mental qui lui concède quelques pouvoirs intéressants, les mêmes en fait que ceux du folklore. Quelques limitations à ce pouvoir : le parasite n'aime pas les UV, de plus, il a soif, très soif - lui aussi - et si on ne lui donne pas à boire, il risque de se retourner contre son hôte. Pour le reste, il n'est pas très exigeant et acceptera bien volontiers de prolonger la vie du vampire pendant quelques décennies voire plus si affinités...

Le schéma est déjà d'une simplicité qui confine au génial et suffirait à faire un très bon roman court. Mais cela ne suffit pas à Stross qui se fait un plaisir d'entrecroiser cette histoire avec le cataclysme qui s'annonce en toile de fond de cet univers : le CASE NIGHTMARE GREEN, une invasion d'entités affamées, se rapproche de plus en plus et les incidents de plus en plus dangereux auxquels doivent faire face les personnages de la Laverie témoignent de son imminence. Avec l'apparition d'un nid de vampires, et avec leur recherche méthodique d'une façon de satisfaire à leurs besoins - parce qu'ils ont soif, très soif, eux aussi... - c'est la première fois que l'agence d'espionnage paranormal du Royaume-Uni doit faire face à un tel risque de voir ses activités révélées au grand public. Mais, cela ne suffit toujours pas à Stross. Parce que les nids de vampires n'apparaissent pas tout à fait comme ça, même lorsque le CASE NIGHTMARE GREEN devient imminent. Et parce que quelqu'un tire les ficelles, quelque part. Alors, expérience ratée ? Luttes d'influences au sein de la Laverie ? Ou bien quelque complot encore plus obscur et plus dangereux ?

On tient là tous les ingrédients d'un excellent Stross et, de par le fait, c'en est un. A voir les sympathiques personnages de la Laverie - parce qu'il y en a - sur les... dents pour essayer de démêler cet infernal écheveau, à voir le rythme de l'oeuvre s'accélérer - laissant à présager le bain de... sang final - on se rend compte que l'on tient ici l'un des meilleurs épisodes de la série. La preuve, s'il en fallait une, que le vampire n'est pas un si mauvais argument pour faire de la SF, dès lors que l'on sait quoi en faire. Et qu'importe si l'auteur se paye le luxe de faire disparaître à la fin certains de ses personnages, et de remanier les relations qui unissent quelques autres... C'est la preuve que son univers est vivant et dynamique. Après tout, le vampire n'est-il pas la métaphore de l'individu qui achète son envie d'éternité avec la vie des autres ?

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