Eschatôn

Un space-opera, des tentacules, un nom d'auteur inconnu sur ce blog mais associé à la BD... Il s'agissait là d'un cocktail (d)étonnant à même de m'attirer. Fort occupé cet Eté, j'ai lu ce livre à petites gorgées avant de le finir il y a deux semaines. Démesure du temps de lecture puis de production d'une chronique... Au travail à présent !
Résumé : 
Dans un lointain passé, un cataclysme a fragilisé la trame de la réalité, greffant à la Voie Lactée un bras spiral surnuméraire et y introduisant les Puissances : des créatures géantes capables d'imposer leur volonté aux êtres humains réduits à l'état de drones, pas plus conscients d'eux-mêmes que les fourmis dans une fourmilière. Le cataclysme a eu aussi pour effet de gêner le fonctionnement des machines auxquelles l'humanité faisait confiance depuis des générations. Après des siècles d'anarchie, la Foi s'est levée, se répandant de monde en monde grâce à des nefs de pierre et non plus de métal, propulsées par la connexion au Mental de ses adeptes... La Foi, hostile en même temps aux Puissances et aux machines qui ont rendu le cataclysme possible, maintient les mondes humains dans un état d'arriération permanent. Depuis des millénaires, après quelques premiers succès, la guerre de positions entre la Foi et les Puissances est au point mort, et si de temps en temps la Foi parvient à libérer quelques drones ou à tuer une Puissance mineure, les raids sur les mondes de la Foi ne cessent jamais. Il y a cependant pire à craindre : sur un monde-jungle, une Légion toute entière est dispersée, la majeure partie de ses troupes exterminée. Les Puissances se sont-elles emparées d'un instrument à même de rompre la concentration des cantres et de détruire les nefs de pierre pendant leurs voyages ? Ou bien y aurait-il un autre ennemi qui agirait dans l'ombre ?
Il y a là-dedans à peu près tout ce qu'il faut pour m'intéresser : la Foi semble avoir fait son credo d'une des plus belles citations de Dune, à savoir le fameux "Tu ne feras pas de machine à l'esprit de l'Homme semblable", cette image d'une Voie Lactée contrefaite par l'irruption de systèmes stellaires entiers qui en viennent à former un troisième bras spiral, la partie d'échecs jouée dans l'ombre - ou pas - entre non pas deux mais bel et bien trois factions qui s'opposent et s'allient selon les nécessités diplomatiques du moment, et la Foi elle-même avec son lot de fanatiques, de convaincus, d'hérétiques, d'hérésiarques, de simples fidèles et de salauds, tous en nuances de gris. On est ici dans Dune, mais aussi dans 1984, dans Starcraft, dans le Cycle de la Laverie, peut-être en compagnie de Lovecraft, peut-être dans Warhammer 40k pour le peu que je puisse en juger. Alex Nikolavitch connait ses univers de SF, il maîtrise aussi l'art délicat de la citation qu'il ne fait jamais lourde si bien qu'il est possible d'en manquer.

Plus regrettable sera le fait que les personnages, nombreux, semblent parfois un peu effacés dans leurs relations les uns avec les autres. On suit l'évolution en particulier d'un simple soldat qui, piégé par le naufrage de sa nef sur un monde hostile, et après moult péripéties, finit par être impliqué dans le complot qui entraînera peut-être la disparition de la Foi et des Puissances. L'enjeu, pour les personnages, est immense : il s'agit rien de moins que de rétablir le fonctionnement normal de l'Univers - mais au prix de l'extinction des talents liés à l'utilisation du Mental. D'une façon ou d'une autre, dans l'échec ou dans la victoire, les personnages sont condamnés à subir un monde qu'ils n'aiment pas. Dépassés par ce schéma, ils finissent par devenir de simples spectateurs de leur propre destin, à l'image de cette espèce humaine piégée depuis des millénaires dans un Univers qui n'est plus taillé pour elle. Il est difficile, dans ces conditions, de s'attacher à eux, ce qui ne diminue pourtant pas l'intérêt et l'ambition de ce livre. De toute évidence, l'idée d'Alex Nikolavitch était bonne. Je ne doute pas qu'il en aura d'autres qui seront tout aussi intéressantes.

Commentaires

Gromovar a dit…
Merci pour cette analyse.
Anudar a dit…
Mais de rien, je suis là pour ça.