Nemrod

Un space-opera, un auteur pour moi inconnu, un titre un tant soit peu intrigant... Et voici comment ce livre s'est trouvé au sommet de ma PàL. Qu'allais-je pouvoir en tirer ?
Résumé : 
La Communauté, c'est une république autocratique s'étendant depuis Antiterra sur de nombreuses colonies dont les habitants humains sont des variants génétiques de leurs lointains ancêtres de Mère-Nourricière, la planète à présent disparue car devenue inhabitable. Au sein de la Communauté, tout un chacun a sa place, depuis les petits paysans des colonies les plus arriérées jusqu'au Tribun, en passant par les puissants oligarques et leurs hommes de main... sans oublier bien sûr les intelligences artificielles qui assistent l'être humain dans son labeur. Tout bascule pourtant le jour où les nuées de l'Adversaire violent l'espace humain, ravageant tout et récoltant l'eau et la matière organique des colonies : les Forces armées de la Communauté semblent incapables de la moindre résistance, au moment même où émergent de nouvelles révoltes. L'alliance de l'espèce humaine avec ses IA suffira-t-elle à repousser un ennemi incompréhensible ? Ou bien faudra-t-il que certains puisent à la source des plus anciens mythes pour trouver peut-être un compromis avec l'Adversaire ?
Des IA. Un complot d'envergure galactique et peut-être même cosmique. Un ennemi capable de manipuler le tissu même de l'espace-temps. Les mânes d'un poète réduit en poussière depuis plus de mille ans. Une société d'envergure interstellaire qui singe les façons et même les défauts d'une civilisation disparue en même temps que son sol. Et l'esprit du lecteur qui murmure de moins en moins bas : Hypérion, Hypérion, HYPERION ! Les points communs entre Nemrod et le grand cycle de Dan Simmons sont apparents et nombreux, la Communauté du premier s'apparentant très volontiers au Retz du deuxième, la noosphère à l'infosphère, la place accordée à Victor Hugo à celle accordée à John Keats. Tiens ! Il y a même là-dedans un voyage de monde en monde par distransportation téléportation... et il y a aussi un labyrinthe. Et si l'Adversaire n'est pas un avatar du Technocentre, c'est parce qu'il tient plus de la nuée tyranide ou peut-être même de l'essaim zerg dans sa capacité à l'assimilation de modes de pensée qui lui sont étrangers. En fin de compte, ce qui sauvera l'humanité dans Nemrod - et de Nemrod, au passage - ce seront bel et bien ses symboles, ses arts et ses émotions, des spécificités humaines dont l'Adversaire ignorait tout. Le schéma ne manque pas d'intérêt, mais la démonstration est appuyée, très appuyée, trop appuyée, forçant le trait jusqu'à la rendre presque indigeste - et c'est fort dommage, car cette opposition entre la façon de penser de la nuée d'une part et celle de la multitude humaine d'autre part méritait bien d'être mise en valeur.

Mais ce qui pèche pour de vrai dans ce Nemrod, c'est ce que je considère comme ses difficultés à traiter sa propre intrigue. Si - comme il est permis de le penser - Hypérion constitue en effet l'une des références de ce livre, il convient d'en comparer les structures : dans les deux cas, on retrouve l'idée de personnages majeurs dont chacun apporte un élément indispensable à la résolution de l'intrigue. A la délocalisation temporelle qu'adoptait Dan Simmons à travers les récits des pélerins, Olivier Bérenval préfère toutefois la délocalisation spatiale des expériences faites par ses personnages : le petit paysan, la femme soldat et la haut gradée ne seront amenés qu'à la toute fin à se croiser sur l'échiquier cosmique, leurs fragments d'intrigue ne s'entrelaçant que dans les dernières pages. Le procédé n'est pas critiquable en lui-même et aurait pu coller à ce roman qui met au fond l'espace et non le temps au centre de son propos : le problème ici, c'est son caractère de patchwork aux frontières assez mal définies. Au fond, y a-t-il des personnages majeurs bien caractérisés dans ce roman ? Il y a des noms, en effet, il y a des professions et il y a des relations... mais que ces personnages semblent dépourvus d'humanité alors qu'ils sont censés représenter un éventail de l'espèce humaine dans sa grandeur tout comme sa médiocrité ! Qu'il est difficile de s'attacher à leur histoire et à leurs vies... Sans surprise, je n'ai guère apprécié le temps passé en compagnie de ce livre dont j'ai forcé la lecture jusqu'au bout, espérant peut-être quelque magnifique illumination. Il n'en a rien été : tant pis.

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