Helstrid

J'ai déjà eu l'occasion de parler ici de Christian Léourier mais aussi de la collection Une Heure-Lumière du Bélial' : les deux se combinent ici pour donner lieu à Helstrid, un texte court qui fleure bon le planet-opera gelé...
Résumé : 
Vic s'est porté volontaire pour piloter le convoi de ravitaillement de la Compagnie qui opère sur Helstrid. Cette planète volcanique à l'atmosphère toxique et au froid glacial est un véritable enfer neigeux - mais on y récolte un minerai assez précieux pour qu'une présence humaine y soit entretenue à grands frais. Le voyage à destination de l'avant poste promet d'être long, monotone et solitaire - la compagnie de l'intelligence artificielle embarquée n'étant pas de celles que prise Vic - mais n'est-ce après tout pas ce qu'il est venu chercher en s'engageant suite à une déception amoureuse ? Et si la mission venait à se révéler plus dangereuse que ne le pensent les machines ?
Helstrid, c'est avant tout une ambiance claustrophobique, l'essentiel de l'intrigue se déroulant à l'intérieur d'un compartiment de pilotage assez confortable... sauf quand la technologie se met à faire défaut. L'être humain à bord du convoi est trois fois seul : face à l'environnement peut-être stérile de la planète, face à ses souvenirs de la Terre et de relations humaines pas tout à fait fonctionnelles... et face aux machines que d'obscurs programmateurs ont dotées d'une persona féminine presque exaspérante à force de sympathie et de positivisme. Or, c'est dans la solitude que germent les terreurs primordiales de l'être humain que peuvent être la sensation d'être observé (par un prédateur)... ou celle d'être pris au piège. Existe-t-il meilleur piège que celui dans lequel la proie entre de son plein gré... avant de découvrir que s'en échapper serait tout aussi mortel que d'y rester coincé ?

Il est difficile de ne pas avoir une pensée pour le 2001 d'Arthur C. Clarke à la lecture de ce dialogue entre l'être humain et une machinerie intelligente qu'il ne comprend pas, même à la fin. Le HAL 9000 de 2001, suite à une programmation contradictoire, découvrait une solution permettant de lever le paradoxe - à savoir l'élimination de l'équipage humain - et la mettait en oeuvre avec détermination ; ici, l'intelligence artificielle du camion où embarque Vic possède elle aussi son lot d'instructions hiérarchisées, qui la conduisent - elle et son équipage humain - à la catastrophe. Dans les deux cas, l'erreur initiale est humaine : la machine est-elle au fond capable de résoudre des paradoxes ? Peut-on faire confiance à un ordinateur pour protéger des vies humaines dans un problème où celles-ci ne sont qu'un paramètre parmi d'autres ? Au fond, Helstrid comme 2001 pose la question de la compréhension que l'être humain peut avoir des machines : est-il raisonnable de laisser des intelligences artificielles interagir avec des gens qui n'ont pas été formés pour les programmer ?

Là où Helstrid se révèle innovant, par rapport au 2001 de Clarke, c'est que le paradoxe n'est pas levé à l'initiative de la machine mais bel et bien à celle de l'être humain. Cette vérité que Vic ne cesse d'éprouver - à force de sentir son esprit se heurter aux trois murs de sa solitude - la machine en est, somme toute, consciente bien avant la conclusion d'une clarté clinique. L'être humain n'est pas fait pour s'aventurer dans un environnement aussi étranger que celui d'Helstrid ou même l'espace : la technologie et les intelligences artificielles sont là pour suppléer à sa présence ectopique, dispendieuse et de toute façon fragile plutôt que de la faciliter. Le 2001 de Clarke montrait que la conquête spatiale ne pouvait être bâtie sur des mensonges. Le Helstrid de Léourier sous-entend qu'elle n'est peut-être pas pour nous...

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