La Belgariade - Intégrale volume 1

Ce livre m'a été offert par son éditeur il y a plusieurs mois. Incluant les trois premiers romans de La Belgariade de David Eddings (Le Pion blanc des présages, La Reine des sortilèges et Le Gambit du magicien), c'est un fort volume de plus de mille pages que j'ai lues par étapes entrecoupées d'un ennui de santé. Chacun de ces romans suivant dans la continuité fictionnelle immédiate celui qui le précède, il m'a semblé plus pertinent de produire une chronique générale de l'ensemble - avant d'en faire autant pour le volume suivant...
Résumé : 
Garion est garçon de ferme chez Faldor, en Sendarie. Ses premiers souvenirs sont ceux de la cuisine de Tante Pol, le rythme immuable des saisons et du travail, et l'amitié avec les autres habitants de la ferme comme avec les visiteurs de passage. Bien qu'ignorant du vaste monde, Garion commence un jour à percevoir qu'une autre réalité se trouve sous le vernis des habitudes, si proche qu'il suffirait de gratter avec son esprit pour la mettre en évidence... Vers la même époque, des personnages inquiétants se mettent à rôder près de chez Faldor : c'est assez pour que Sire Loup - un conteur vagabond visitant la ferme de loin en loin - persuade Tante Pol de quitter le service des cuisines et de le suivre en amenant Garion avec elle. Durnik le forgeron, à qui Tante Pol semble plaire plus que tout, sera aussi du voyage... Dans les bois de la Sendarie, la petite troupe va aussitôt rejoindre Silk le Drasnien - l'homme aux mille astuces et tours - et Barak le Chéresque - à la force d'un ours. De toute évidence, Tante Pol et Sire Loup sont bien plus qu'il y paraît : Garion pourra-t-il apprendre d'eux la raison de leur comportement étrange... voire même le secret de ses origines ? Sa vie pourrait pourtant ne tenir qu'à un fil sur les routes des royaumes du Ponant : les terribles guerriers Murgos sont à ses trousses - et pourquoi donc l'ouvrier de ferme Brill, croisé chez Faldor, ne cesse-t-il de se trouver sur leur chemin ?
Les esprits méchants disent volontiers qu'une histoire de Fantasy équivaut à n'importe quelle autre : le postulat initial de La Belgariade - l'histoire du valet de ferme objet d'une prophétie ancestrale - pourrait bien les conforter dans cette approximation. Il est certain qu'entrer dans La Belgariade peut se révéler périlleux, pour le livre plus que pour le lecteur : son argument peu original ne convaincra que ceux qui n'ont sans doute qu'un souvenir très lointain des contes de fées de leur enfance... et son arrière-plan mythologique fera penser, de façon irrésistible, au Legendarium de Tolkien. Car en effet, La Belgariade s'inscrit dans un contexte de guerre des dieux à laquelle se retrouvent mêlés des mortels, ce qui n'est pas sans faire penser au Silmarillion et au Seigneur des Anneaux : le dieu Torak, voleur d'un artefact de puissance, partage des traits communs avec un Morgoth comme avec un Sauron - et le sorcier Belgarath, quant à lui, partage avec un Gandalf sa bonhomie et sa sympathie pour les gens ordinaires. L'arrière-plan littéraire de La Belgariade est donc vite familier au lecteur : on sait où on est, on sait où on va, et il suffit de se laisser glisser de péripétie en péripétie... à tel point que l'on pourrait parfois se croire dans l'auberge de Bree et avoir envie de chercher Frodon derrière une pinte de bière ! Bien sûr, David Eddings prend soin de munir cet univers d'une histoire politique riche, laquelle permet à Garion et à ses amis de visiter plusieurs royaumes dont chacun possède ses particularismes : une carte vient illustrer le début de la plupart des grandes subdivisions de ce volume, aidant à se repérer ainsi qu'à organiser la quête, mais augmentant encore le parallélisme avec le Seigneur des Anneaux. Certains noms imaginaires même semblent assez proches de ceux inventés par Tolkien pour transcrire des impressions voisines... et c'est ainsi que les sonorités de Cthol Murgos, pays des adorateurs de Torak, font penser à la fois à Mordor et à Cirith Ungol.

Faut-il pour autant rejeter La Belgariade comme une réécriture - insuffisante et inutile - du Legendarium de Tolkien ? Si les ressemblances entre ces deux textes sont marquées, au point même que l'on pourrait parler d'emprunts dans certains cas, David Eddings prend soin de différencier son oeuvre de celle de son aîné sur des points cruciaux. Le statut de l'intelligence tout d'abord : là où Tolkien imaginait que des espèces humanoïdes intelligentes coexistaient et se succédaient sur sa Terre du Milieu, Eddings préfère s'intéresser aux seuls êtres humains - à l'exception de quelques créatures du répertoire fantastique, dryades ainsi que trolls géants. De ce fait, au conflit des dieux répond un conflit humain : les royaumes du Ponant ont quelque chose de l'Europe occidentale quelque part entre l'Antiquité tardive et l'An Mil - et il sera possible d'y reconnaître peut-être l'Empire romain mais aussi la Scandinavie et les Etats en germination qu'étaient alors la France et l'Angleterre ; à l'Est, les royaumes angaraks dont Cthol Murgos paraissent plus difficiles à interpréter... mais leur religion cruelle, à base de sacrifices humains par cardiectomie, n'est pas sans faire penser aux pratiques terrifiantes de la Mésoamérique. Ce joyeux (?) mélange d'époques et de culture ne doit pas faire manquer au lecteur ce qui sera sans doute le marqueur le plus caractéristique de La Belgariade : le statut de la magie. Dans le Legendarium de Tolkien, celle-ci est appelée à s'estomper au fil du temps et à se retirer du monde en fin de compte, comme toutes les "belles choses" ; dans le Trône de Fer de Martin au contraire la magie revient et rend plus précaire l'existence humaine au sein d'un monde mal compris. La position adoptée par David Eddings est différente : la magie existe en cet univers, elle est agissante, elle peut être apprise et donc être enseignée ; par conséquent, l'être humain peut coexister avec elle, et certains problèmes pourront trouver de la sorte plusieurs solutions différentes - selon que l'on y applique la magie ou non. La Belgariade peut s'interpréter de ce fait comme un roman d'apprentissage, ce que ne sont pas Le Seigneur des Anneaux ou Le Trône de Fer ; et ce que Garion doit apprendre, ce n'est pas tant les arcanes de la magie que ses règles inflexibles, qui ne pardonnent pas même une erreur de débutant.

Il est certain que j'aurais sans doute bien plus apprécié La Belgariade si j'avais découvert ce cycle à l'adolescence, mais cette lecture reste plaisante et il est probable que je m'intéresse à ses suites dans un avenir pas trop éloigné.

Commentaires

Christian a dit…
Le côté pavé me freine un peu. Mais surtout ce type de roman me rappelle cruellement que je n’ai plus 19 ans Ah Ah!
Ça doit se lire tout de même avec plaisir,en tout les cas c’est toujours agréable de lire tes chroniques.
Mais ça peut faire un heureux dans la famille. Merci!
Anudar a dit…
Les retours que j'ai eus d'autres personnes, sur les réseaux sociaux, vont dans le sens de ma conclusion : c'est un roman apprécié par les ados et les jeunes adultes. A ce titre, c'est plaisant à lire, et ça donne envie de savoir ce qu'il vient après. Ne t'interdis pas de lui donner sa chance, de toute façon pour l'offrir à quelqu'un il vaut mieux savoir comment c'est dedans ;)
Christian a dit…
Cool. Merci du conseil. Il n’est pas dit que je n’y jette pas un œil moins aussi.Un bon divertissement:)
Anudar a dit…
N'hésite pas à venir dire ce que tu en auras pensé !