Les blogueurs parlent aux blogueurs : Touchez mon blog, Monseigneur

Au début des années 2010, l'excellent Gromovar avait pris une initiative chaleureuse et passionnante : il s'agissait d'interviewer les blogueurs de ce qui était déjà le Planète-SF , réalisant ainsi une œuvre de connaissance de la blogoSFFFère.

En ce début des années 2020, cette communauté a changé : des anciens sont partis, d'autres sont toujours là, et des nouveaux sont arrivés. Le moment, d'après moi, est revenu de faire le point et de nous interroger en tant que blogoSFFFère sur nos aspirations et nos liens communs. Avec la permission de Gromovar, inventeur du concept, je reprends par conséquent la rubrique Les blogueurs parlent aux blogueurs !

Et aujourd'hui, c'est au tour de TmbM de nous parler de lui...

    1. Bonjour, peux-tu te présenter en deux mots (tu peux être aussi bref que tu veux... jusqu’au néant)

Bof. Tout ce qu'il est important de noter, c'est qu'aucune intelligence artificielle ne se cache derrière ce pseudonyme.

    2. Pourquoi avoir créé un blog ? Est-ce le premier ? Le seul ?

Pendant une vingtaine d'années, j'ai noté mes impressions de lectures dans des cahiers. J'en ai beaucoup, noircis de références. Je faisais ça dans mon coin, tout seul, et ça m'allait très bien. Puis, il y a presque dix ans, je me suis offert un break. Pas une voiture mais une année de césure. J'ai quitté mon boulot, rendu mon appartement, vendu mes meubles et je suis parti au bout du monde, pour ne pas dire au milieu de nulle part, en me débarrassant de quasiment tout ce que je possédait, dont mes livres. Pour autant, je n'ai pas réussi à me séparer de mes cahiers, qui dorment encore dans un carton poussiéreux dans le grenier de mon paternel (comme quoi c'était bien la peine de les garder). Comme je ne pouvais pas bourrer mon sac à dos de bouquins mais qu'il était hors de question d'arrêter de lire et de prendre des notes, j'ai acheté une liseuse et j'ai décidé de dématérialiser mes cahiers. De là est né mon blog. C'est le premier, le seul.

    3. Combien de temps y consacres-tu ?

C'est très irrégulier. Tout dépend de mes lectures, de mon inspiration, de mes disponibilités et de mes obligations. Il peut m'arriver d'y passer plusieurs soirées de suite, de publier deux ou trois billets d'un coup, et de ne plus y toucher pendant quelques jours. Je ne me force jamais. L'entretien de mon blog n'est dicté que par le plaisir qu'il me procure. En l’occurrence, presque dix ans plus tard, j'ai toujours le sentiment que le temps que je lui consacre est bien investi. En revanche, le plus chronophage, bien que très agréable, reste l'aspect communautaire de la blogosphère. Au début, je commentais beaucoup les billets des potes mais je ne prends plus tellement le temps de le faire. Et je le regrette. Mais je continue à religieusement lire les billets de ceux que je suis, à commencer par Baroona, Le Maki ou encore Le Chien Critique (pas forcément dans cet ordre). Entre autres !

    4. Blogues-tu tout ce que tu lis ?

Non. Déjà, à moins que ce ne soit précisé et étayé dans le corps du billet, je n'exprime une opinion que concernant les livres que je termine. Or, j'en abandonne un paquet en cours de route. Ceux-là ne figurent pas sur le blog. Ensuite il arrive aussi qu'un livre me laisse indifférent et, si je le termine, j'évite dans ce cas de publier un avis creux, inutile ou insatisfaisant. A moins bien sûr que cette indifférence ne puisse s'argumenter. Toutefois, la grande majorité des livres lus dans leur intégralité finit sur le blog.

    5. As-tu déjà lu certains livres simplement parce que tu te disais que ça pourrait faire un article intéressant pour ton blog ?

Tous les livres peuvent donner un article intéressant. Du moins, quand j'en publie un, je m'y emploie. Mais je comprends le sens de ta question... Donc, non, si je lis un livre c'est parce que j'en ai envie. Si, d'une pierre deux coups, j'en ai envie et qu'en plus ça peut donner un article intéressant, tant mieux. C'est l'envie, et l'envie seule, qui me fait sélectionner mes lectures. Je ne suis pas opportuniste.

    6. Lis-tu en VO ? Si oui, en quelles langues ?

Il m'arrivait par le passé de lire des livres en anglais. C'est devenu très rare.

    7. Blogues-tu avec ou sans roleplay ? Si c’est le cas, que représente ce roleplay pour toi ? 

J'écris ce qui me passe par la tête, sans chercher à adopter quelque posture que ce soit, et je crois que le contenu de ce blog dresse sincèrement les contours de ma personnalité. J'essaie d'être drôle et pertinent, provocateur et percutant, inattendu et original, cultivé et populaire – modeste également. Parfois, j'y arrive. Ce n'est pas toujours très glorieux mais parfaitement assumé malgré tout. Ceci dit, et contrairement à ce que l'on peut lire sur internet en général et sur les réseaux sociaux en particulier, tous les propos tenus dans mes billets ne sont pas nécessairement à prendre au pied de la lettre.

    8. Depuis combien de temps lis-tu de la SFFF ?

D'aussi loin que je me souvienne. Enfant, j'ai passé une bonne partie de mes vacances chez mes grands-parents à la campagne. La bibliothèque de la maison était remplie de romans d'anticipation des éditions Fleuve Noir. J'ai littéralement appris à lire avec cette collection. Jimmy Guieu, Peter Randa, Jean-Gaston Vandel et F. Richard-Bessière ont été pour moi ce que la Méthode Boscher a été pour d'autres.

    9. A quel rythme lis-tu ?

Tous les jours. Je lis beaucoup. Vraiment beaucoup. Dans les transports, le soir, pendant ma pause déjeuner, dès que j'ai cinq minutes. Rarement moins de deux heures par jour. Si je lis moins, je deviens fébrile. J'ai un rapport assez compulsif à la lecture.

    10. Que trouves-tu dans nos littératures de genre ?

Je ne trouve pas la même chose dans chaque livre. Et pour cause, je ne cherche pas la même chose dans chaque livre. Il est évident qu'on n'aborde pas une nouvelle de Stanley G. Weinbaum comme un roman de Maurice Renard, pas non plus un space opera de Jack Vance comme un délire paranoïaque de Phlip K Dick. Je crois d'ailleurs que je ne cherche rien de spécifique à la littérature de genre - ne perdons pas de vue que la littérature de genre est avant tout de la littérature. Donc, en fonction des moments, des auteurs, des circonstances, j'aime y trouver des idées ou des concepts, matière à réflexion ou divertissement, rigueur ou désinvolture, originalité ou classicisme... Avec un certain style, idéalement. D'ailleurs, le mieux est encore quand je trouve autre chose que ce que je cherchais. J'aime être surpris...

    11. Partages-tu cette passion avec ton entourage ?

Oui. Je crois bien que je ne suis entouré que de gros lecteurs avec lesquels je compare quotidiennement des avis de lecture et confronte des points de vue sur la littérature. Je ne parle pas nécessairement de SF tous les jours avec mon entourage. Mais de livres, oui.

    12. Quelle a été ta première lecture SFFF ? Te souviens-tu de l’occasion qui t’a amené à cette lecture ?

Difficile de me souvenir de ma première lecture. Mais de la plus déterminante en matière de SF, oui. Je devais avoir onze ou douze ans et je passais le week-end chez un de mes oncles. Sur ses étagères, il avait plusieurs livres d'Isaac Asimov. Je ne connaissais pas. J'ai été très intrigué par les dessins de Caza qui illustraient les volumes des éditions J'ai Lu, en particulier celui des Robots. J'avais à peine ouvert ce livre que ma mère me le reprenait des mains en me disant que ce n'était pas de mon âge. Dès qu'elle a eu le dos tourné, mon oncle me l'a tendu discrètement, accompagné d'un clin d’œil. Peu de temps après, il m'a fait lire Le Seigneur des Anneaux, ma première lecture de fantasy. Et, là aussi, la plus déterminante.

    13. Peux-tu nous décrire un (ou plus) grand souvenir de SFFF ?

Certainement celui que je viens d'évoquer. J'ai donc lu Les Robots. Une révélation ! Dans la foulée, j'ai lu toutes les nouvelles d'Asimov ou presque, ses romans, ses cycles, tout ce que je trouvais. Ma mère avait sans doute raison sur un point : j'étais un peu jeune à l'époque et je doute d'avoir tout compris. Mais ça ne m'a pas empêché d'adorer.

    14. Quel est le livre qui t’a le plus marqué récemment ? (Répondre sans réfléchir)

Tout dépend de ce que tu entends par « récemment ». Ces dernière heures ? Le Cheval d'orgueil de Pierre-Jakez Hélias, un classique du fonds d'anthropologie sur la vie en pays Bigouden au lendemain de la Première Guerre mondiale. Ces derniers jours ? Vas-y, Béru ! De San-Antonio, dans lequel Bérurier se fait passer pour le masseur officiel de l'équipe Fafatrin afin d'enquêter de l'intérieur sur des meurtres commis durant le tour de France. Ces dernières semaines ? Le Prestige de Christopher Priest, qui plonge le lecteur dans le monde merveilleux de la prestidigitation à travers la compétition acharnée entre deux magiciens dont le talent est malheureusement gaspillé par une conduite futile, destructrice, et qui se livrent à une vindicte qui les mènera bien au-delà de la simple rivalité. Ces derniers mois ? Le cœur ne cède pas de Grégoire Bouillier, dans lequel l'auteur s'interroge sur les raisons qui ont pu pousser une femme, dans les années 80, à se laisser mourir de faim tout en consignant sa solitude, sa mélancolie et son quotidien d'agonie dans un cahier d'écolier. Ces dernières années ? Solénoïde de Mircéa Cărtărescu ! Il s'agit du journal fictif que tient un professeur de langue en Roumanie. Personnage médiocre, pour ne pas dire raté, confronté à une réalité qu'il accepte mal, il mène à la place une existence fantasmée dans un décor surréaliste et noircit des pages et des pages. Entre le récit de son quotidien, l'interprétation de ses rêves, la revisitation de ses lointains souvenirs, ses déambulations oniriques et la mise en perspective de sa jeunesse avec celle de ses élèves, le journal prend peu à peu la forme du roman d'apprentissage que le narrateur ambitionne d'écrire sans jamais y parvenir. (Retenez bien le nom de ce romancier et poète roumain : il aura le prix Nobel de littérature un jour.)

    15. Vers quelle étiquette SF, F, ou F, va ta préférence ? Et pourquoi ?

La Science-Fiction, juste devant le Fantastique. La Fantasy se tient très, très loin derrière les deux premiers. J'ai pourtant lu de bons livres dans cette catégorie : les œuvres de Robert E. Howard, évidemment, de même que celles de Tolkien et de Mervyn Peake. Je pourrais également citer Le Dragon Griaule, Gagner la Guerre ou encore Le Cycle de Syffe. Mais, quitte à lire de la littérature de genre, c'est d'abord vers la SF que je me dirige.

    16. Comment ont évolué tes goûts entre tes débuts en SFFF et aujourd’hui ?

Je ne suis pas sûr qu'ils aient beaucoup évolué. Je ne me suis jamais lassé de la SF rétro. Plus il y a de martiens, plus ça me plaît, surtout s'ils sont verts.

    17. Quels sont tes auteurs préférés ? Pourquoi ?

C'est difficile de répondre à cette question. Mes auteurs préférés sont-ils ceux vers lesquels je vais régulièrement ou ceux qui ont marqué mon parcours de lecteur ? Sont-ils ceux dont les noms me feraient passer pour présomptueux ou ceux dont la liste reflète mon envie de quitter les sentiers battus ? Sont-ils ceux qui m'installent dans ma zone de confort ou ceux qui m'en font sortir ? A moins que ce ne soit un mélange de tout cela.

    18. Y a-t-il des livres que tu regrettes d’avoir lu (temps perdu) ? D’autres que tu aurais regretté de ne pas voir lus ?

Tous les livres que j'ai lus, bons ou moins bons, ont fait de moi le lecteur que je suis.

    19. Y a-t-il des auteurs dont tu lis tout (ou voudrais pouvoir tout lire) ?

Non. Et en même temps, j'ai un côté résolument complétiste - il faut que je l'assume. Il n'y a qu'à voir les challenges que je me suis fixés sur mon blog : lire toutes les aventures du commissaire San-Antonio, les 231 premiers romans d'anticipation du Fleuve Noir, la collection complète des anthologies de Pulp de Jacques Sadoul... Pour autant, je lis rarement tous les titres d'un auteur. Ou alors sans faire exprès... Ah, si ! Il ne sont pas tous signés du même nom mais j'ai lu tous les volumes parus de la collection Parallaxe du Bélial' et j'ai bien l'intention de lire les suivants. Ça compte ?

    20. Vas-tu voir les auteurs sur les salons ? Ramènes-tu des interviews, des photos, des dédicaces ?

Avoir une signature dans un livre ne m'apporte rien, d'autant plus que je les garde très peu et de moins en moins - je ne suis pas collectionneur. Encore moins groopie.

    21. Que penses-tu de l’œuvre de Bernard Werber ? Et de celle de Maxime Chattam ?

(Pour être tout à fait honnête, je suis gêné par cette question et par l'idée que je crois deviner derrière. Je ne m'y associe pas. C'est dit. Bref.) J'ai lu La Trilogie des Fourmis quand j'étais ado. Je me souviens avoir adoré le premier, moyennement le suivant, pas du tout le dernier. Je ne suis pas revenu vers cet auteur. Quant à Maxime Chattam, je ne lui ai encore jamais donné sa chance.

    22. Tes fournisseurs : librairies, bouquinistes, Internet ?

Aucun des trois. Comment dire... J'ai su m'entourer des bonnes personnes et constituer mon propre réseau... Ce qui fait que la quasi-intégralité des livres chroniqués sur mon blog est arrivé en SP. Depuis une bonne vingtaine d'années, je n'ai pour ainsi dire acheté aucun livre. Ou éventuellement pour offrir. Je fréquente donc les librairies mais ce n'est pas moi qui les faire vivre. Il peut m'arriver de rentrer chez un bouquiniste. J'évite autant que possible d'acheter sur Internet.

    23. BD, comics, mangas, ou non ?

J'ai lu énormément de BD quand j'étais plus jeune mais ça m'est un peu passé. J'ai l'impression d'avoir perdu une bonne partie de ma curiosité dans ce domaine et je suis largement dépassé par la production. Je continue à en lire de temps en temps mais toujours celles que je connais déjà par cœur, à commencer par Achille Talon que je relis régulièrement, toujours avec autant de plaisir (Hilarion Lefuneste est sans doute mon personnage préféré, toutes BD confondues). J'ai lu les incontournables en manga, Akira, Gunnm, les œuvres de Toriyama, de Taniguchi, de Tezuka... Je m'y connais très mal en comics.

    24. Lis-tu aussi de la littérature « blanche » ? Si oui, qui aimes-tu particulièrement parmi les auteurs étiquetés « blanche » ?

Voilà, on y arrive. C'est vrai que je lis beaucoup de littérature de genre et que j'interviens occasionnellement sur le forum de Planète-SF mais je ne me suis jamais revendiqué de la blogoSFFFère - je suis toutefois très honoré d'être associé à ses contributeurs. En effet, je ne suis pas exclusif dans mes lectures et la SFFF ne représente pas la majorité de mes billets. D'ailleurs, pour preuve, Touchez mon blog, Monseigneur... est une référence à de la « blanche », au Bossu de Paul Féval, un classique du roman de cape et d'épée. Donc, oui, je lis de la « blanche ». Plein de « blanche ».

    25. Tentative de Weltanschauung : qu’aimes-tu comme musique ? Comme cinéma ? Quel est ton loisir favori ? Plutôt matérialiste ou idéaliste ?

Au moment où je tape ces lignes, j'écoute The New Abnormal de The Strokes. Le reste du temps, j'aime bien avoir un fond musical mais je n'y prête pas vraiment attention. Il faut dire que le boucan de mes gosses couvre largement celui de la radio. Par manque de temps et d'envie, j'ai délaissé les salles obscures que j'ai pourtant assidûment fréquentées dans ma jeunesse. Comme le petit écran, d'ailleurs. Je me souviens d'un billet sur mon blog (mais lequel ?) où je lançais sur le ton de la blague que je n'avais pas vu une série TV depuis Madame est servie. Croyez-le ou non mais c'est l'exacte vérité... Je ne suis pas du tout matérialiste. Au contraire. Je suis même plus proche de l'ascète. Mon loisir principal reste la lecture. (Je suis un psychopathe.)

    26. As-tu une liseuse ? Quel est ton rapport à la lecture numérique ?

Comme je le disais plus haut, j'ai acheté une liseuse il y a une dizaine d'années pour partir en voyage au long cours. Je l'ai beaucoup utilisée alors puis pas mal délaissée à mon retour à la civilisation. Je la ressors régulièrement, voire de plus en plus.

    27. Quel est ton rapport à Internet ? Connecté depuis longtemps ? Quel est ton rapport aux réseaux sociaux ?

Plutôt distant. Je ne fréquente les réseaux sociaux que dans le cadre de mon blog. Et encore, je me contente d'y relayer les billets que je publie. J'utilise Internet, comme tout le monde aujourd'hui, mais de manière assez raisonnée. Quant à mon téléphone, il est souvent éteint et, quand j'ai cinq minutes à tuer, je préfère ouvrir mon livre et en lire quelques pages que scroller. (D'ailleurs, Anudar, combien de temps s'est-il passé avant que je ne découvre ta proposition d'entretien envoyée via Twitter ? Une semaine, non ? )

    28. As-tu des projets d’écriture de fiction, ou est-ce que tu en as eu par le passé ?

Non. Écrire pour ce blog est déjà bien suffisant. Mais je n'écarte pas cette idée pour autant. Cela dit, je crois que si je devais me lancer dans un projet d'écriture, je ne m'orienterais pas vers la fiction. Plutôt vers un essai.

    29. Sans y répondre, quelle question aurais-tu aimé que je te pose ?

Celle-ci, justement.

    30. Une dernière chose à dire au lectorat en délire ?

C'est un bonhomme de neige qui dit à son ami bonhomme de neige : - C'est moi ou ça sent la carotte ?