Seuls tome 5

Il y a quelques années, alléché par une couverture (une fois de plus) ainsi que par une page publiée je ne sais où, je me suis lancé dans une série de BD très prometteuse. Qui s'annonçait qui plus est comme pas trop longue (cinq tomes) : si j'accepte assez bien les longues séries de manga (puisqu'en général il n'y a pas plus de quatre mois d'attente entre deux tomes, et que chacun d'entre eux est assez rempli), j'ai un peu moins de patience lorsqu'il s'agit de la BD "bien de chez nous", avec ses délais d'attente supérieurs à un an voire parfois deux... Autant dire que je n'aime pas trop lorsqu'une série prévoit dès le départ d'être très, très longue. Parce que je sais que ça va prendre des années pour en arriver à la fin. A raison d'une vingtaine de minutes de lecture par album, c'est un peu exagéré. Non ?

Seuls représente un assez bon compromis. Et ce qui ne gâche rien, l'histoire est plutôt prenante. Un beau matin, cinq enfants, Dodji, Leïla, Camille, Yvan et Terry, qui ont entre six et treize ans, se réveillent comme chaque matin dans leur lit... Seule différence, et lourde qui plus est : il n'y a personne d'autre dans la ville. Dès le premier matin, ils vont tomber les uns sur les autres et décider, sans se poser la moindre question, de rester ensemble. Dodji, le plus grand, un garçon noir sorti d'un foyer de l'assistance publique et dont l'enfance n'a pas été facile, devient d'une façon assez naturelle le "chef" du petit groupe. Chacun des autres a ses traits de caractères bien à lui sans être caricatural. Leïla est débrouillarde et bricoleuse. Camille est intellectuelle et pleine de bon sens. Yvan est imaginatif tout en sachant bien s'organiser. Terry enfin, le plus petit, a un sale caractère mais il a parfois des lueurs plus qu'utiles à la résolution des problèmes.

Le premier tome faisait figure de prise de contact avec cet univers très particulier. La ville fonctionne encore autour des enfants. Ils ne manquent de rien. Mais des animaux échappés d'un cirque leur montrent que le monde, autour d'eux, n'est peut-être pas si bienveillant qu'il y paraît. Le second tome renforçait bien cette impression, avec la découverte d'un autre survivant, le "Maître des couteaux", rencontre qui manque de tourner au drame par incompréhension mutuelle. Le troisième tome et le quatrième tome deviennent de moins en moins enfantins : décidant de partir à la recherche d'autres groupes de survivants, le petit groupe tombe sur le "Clan du requin" dont la structure ne peut qu'être qualifiée de totalitaire, dirigé par un infect petit nazillon ; revenu en ville avec quelques membres du "Clan du requin", le petit groupe sera confronté à l'hostilité de nouveaux animaux dont le comportement est très étrange... et aussi, mais c'est une découverte réservée au lecteur en fin du quatrième tome, à l'assassinat de Dodji.

Autant dire que le cinquième tome éveillait chez moi beaucoup d'attentes. Qui est le tueur de Dodji ? Qui sont au juste Alexandre et Sélène, le frère et la soeur très bizarres rencontrés au "Clan du requin" ? Pourquoi les singes du quatrième tome construisent-ils ces cairns peints en rouge ? Enfin et surtout, que s'est-il passé : où ont disparu les autres, les adultes en particulier ?

Résumé :
Le petit groupe sans Dodji, dont ils croient encore qu'il se terre quelque part dans son besoin de solitude, a organisé sous le commandement d'Yvan une vie aussi proche de la normale que possible. Des élections vont avoir lieu car Yvan ne pense pas être le plus à même de diriger en situation de crise comme lorsqu'il a fallu aider le "Maître des couteaux" dans l'épisode précédent. Or il se pourrait bien que la "zone rouge" défendue par les singes représente une menace pour le petit groupe... La découverte brutale du cadavre de Dodji précipite les événements. Après le recueillement, viennent les interrogations. Qui a tué celui que beaucoup considéraient comme le plus solide ? Pourquoi ? Des dissensions apparaissent dans le groupe, entre ceux qui veulent fuir la ville le plus vite possible, pensant que quelque chose de très dangereux s'y dissimule, et ceux qui veulent forcer le passage de la "zone rouge" pour savoir une bonne fois pour toutes ce qui s'y passe. Leïla, favorable à la deuxième option, est désignée chef. L'expédition aura lieu. En secret, Alexandre et Sélène décident alors de mettre leurs sinistres projets à exécution : Terry sera le premier qu'ils élimineront... Tout ne va cependant pas se passer comme prévu, et ce pour qui que ce soit. Pourquoi l'électronique semble-t-elle se détraquer dans la "zone rouge" ? C'est quoi, cet objet d'un noir absolu qui semble occuper le centre exact du cercle délimité par les cairns rouges des singes ? Et pourquoi Terry dit-il être épouvanté par des rêves où apparaît un drap blanc ?

Ce cinquième tome est un bel ouvrage. Le dessin, comme depuis le début de la série, est très coloré voire même pimpant ; cela donne un album très "joli" qui fait bien BD pour jeune public. Néanmoins, ce n'est à mon avis pas une BD pour de très jeunes enfants : je dirais qu'avoir au minimum dix ans est un peu nécessaire pour apprécier l'histoire qui est tout de même parfois un peu dérangeante.

Là où ça ne va pas, c'est que les auteurs ont signalé lors de la publication du quatrième tome que le cinquième serait non pas la conclusion de la série mais... celle de son premier cycle ! Autant vous dire que la fin de cet album, si elle n'est pas en queue de poisson, constitue tout de même une déception. En deux-trois pages, sont balancés quelques éléments de réponse qui dissimulent mal le fait que des tas de questions restent ouvertes... Et quand je parle de réponse, j'ai quelques doutes parce que tout ne va pas de soi. Loin de là.

Petite déception donc sur ce dernier tome qui n'est pas un dernier tome. Il est vrai qu'avec une série si belle, conclure était difficile... Je vais sans nul doute suivre le deuxième cycle, en espérant qu'il n'enchaînera pas sur un troisième : à raison d'un album par an, et de cinq albums par cycle (je ne sais pas pourquoi, mais les "cycles de BD" sont souvent des pentalogies...), les lecteurs qui avaient douze ou treize ans au début de la publication de la série auraient la trentaine à la fin et pourraient (presque) commencer à lancer leurs propres gosses dans cette lecture... Dites, les bédéastes, il faudrait peut-être y penser avant de démarrer des séries interminables, non ?

Commentaires

Efelle a dit…
Honnêtement je suis las des séries sans fin et tente de me limiter (tiens le tome 4 d'Orbital parait en Septembre comme celui de Blacksad) dans mon suivi de ses dernières.
J'en suis venu a préféré les one shots ou acheter les séries en intégrales.
Je passe donc mon chemin même si le pitch à l'air sympathique.
Anudar a dit…
L'idée vaut le détour. Mais en effet, si j'avais su dès le départ que je n'aurais pas toutes les réponses au cinquième tome, je pense que j'aurais lu le truc en librairie. Comme je le fais par exemple pour les Lanfeust.
Ici, n'hésite pas à feuilleter le premier tome à ton prochain passage en librairie. C'est quand même un joli travail du début jusqu'à la fin...
Siegreed a dit…
Coucou

Je suis un petit fan de cette série en BD. Seulement. Mais cet état d'esprit est surtout dû au premier tome qui est selon moi excellent au niveau de l'ambiance. Les tomes qui ont suivi ne m'ont pas autant convaincu (peut-être à cause de l'ambiance qui est beaucoup moins stressante et que même sans les adultes nos héros sont beaucoup moins seuls), ce qui fait que je me suis arrêté à l'achat du tome 4 pour lire la suite en librairie. Dommage.
Anudar a dit…
Salut Siegreed !

Content de savoir que tu es toi aussi fan de "Seuls". Je partage un peu ton impression concernant la "dilution" de l'intrigue centrale dans des questions annexes (le passage au Clan du Requin par exemple). D'un autre côté, si les protagonistes s'étaient concentrés sur l'intrigue centrale, n'aurait-on pas risqué l'effet inverse ? Difficile de se prononcer...